Budget en première lecture à l’Assemblée nationale
Carton plein pour le rapporteur général.
Petites nuits mais grandes décisions : voilà comment on pourrait résumer la discussion sur la première partie du projet de loi de finances. Petites nuits car, close par la barrière du vote solennel pour lequel tous les députés étaient convoqués aujourd’hui mardi, la période d’examen du budget était enfermée dans un calendrier serré. Une quarantaine d’articles de loi, certes mais surtout l’Assemblée avait à examiner 2.500 amendements – un record sous la Ve République – pris l’un après l’autre et donnant lieu à une présentation de leur auteur, aux avis du rapporteur général, du gouvernement, des groupes puis à un vote. Une mécanique démocratique huilée mais vorace en temps. Si bien que la séance de vendredi a été interrompue… samedi à trois heures trente du matin et celle de lundi soir, mardi vers cinq heures du matin.
Petites nuits mais grandes avancées car quelques-uns de ces nombreux amendements ont permis d’améliorer le texte. Et parmi ceux-là, ceux du rapporteur général de la commission des finances, acteur privilégié de cet examen en séance puisque son rôle en amont lui permet à la fois de connaître l’ensemble des modifications demandées par les parlementaires mais aussi d’engager des discussions avec le gouvernement. Le texte amendé du projet de loi initial, qui devrait être adopté dans la journée, sera naturellement publié au grand complet sur le site de l’Assemblée nationale. Mais cela n’empêche pas de revenir sur des dispositions les plus emblématiques et les arbitrages emportés par Joël Giraud.
Agriculture : la fiscalité au service de la réactivité et l’adaptabilité.
En matière d’agriculture, le projet de loi de finances pour 2019 a été riche. Sans évoquer à ce stade la question du TO-DE (travailleurs occasionnels – demandeurs d’emplois) qui relève du projet de loi de financement de la Sécurité sociale) et demeure encore en négociation, beaucoup d’amendements du rapporteur général ont été adoptés.
La taxe de défrichement a par exemple fait l’objet d’une dispense de paiement dès lors que le déboisement a pour objet la réalisation d’ouvrages participant à la défense contre les incendies. Sur ce même sujet, la dérogation au paiement de l’indemnité de défrichement, prévue jusque-là, pour les zones de montagne a été étendue aux installations, reprises ou extensions d’exploitations agricoles réalisées dans une zone agricole ou une zone naturelle sur tout le territoire national.
Autre question : la valeur des stocks. Celle-ci est prise en compte fiscalement mais parfois, la révision annuelle du prix peut augmenter significativement le résultat imposable. C’est d’autant plus vrai que la déduction pour investissement (DPI) qui permettait de financer ce stock en franchise fiscale a été supprimée. D’où l’idée du rapporteur général de permettre aux exploitants d’opter pour un blocage de la valeur des stocks de façon à stabiliser et à prévoir leur imposition.
Autre dispositif ingénieux, celui qui facilite la transmission des entreprises agricoles ; il s’agit de remonter le seuil au-delà duquel l’exonération de 75 % des droits de mutation sur certains baux ruraux à long terme ou parts de groupements fonciers est abaissée à 50 %, ce qui permettra de limiter le coût fiscal de la transmission qui est parfois un obstacle.
Enfin, l’Assemblée a adopté deux dispositifs innovants : le premier permet de ne pas pénaliser la pluriactivité des GAEC en limitant l’assiette fiscale de ces derniers à leur activité agricole, le second autorise que l’épargne de précaution, qui fait l’objet d’une déduction fiscale, puisse être, sans la limité prévue initialement de 50%, constituée intégralement de stocks.
Au total, cette nouvelle batterie de dispositifs doit pouvoir permettre de renforcer et de sécuriser l’activité agricole notamment en fluidifiant la transmission et la gestion des exploitations et en renforçant leur réactivité face aux aléas climatiques.
Collectivités locales : en attendant une loi spécifique, justice et équité.
C’est au premier trimestre 2019 qu’une loi spécifique sur les collectivités locales pourrait être mise en discussion. Mais en attendant, la première partie du projet de loi de finances ne pouvait pas faire l’impasse sur la question. Première mesure radicale : la suppression de l’article 26 du projet de loi. Il y était question de neutraliser le montant du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) versé sur la part de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée aux régions. Sans doute justifiée d’un point de vue technique, la mesure contrevenait à l’engagement pris de faire bénéficier les régions de la dynamique de la TVA ; voilà pourquoi cette disposition a été supprimée sur amendement de Joël Giraud renforçant ainsi les moyens des régions.
Autre disposition, la modification de la TOEM. Objectif ? Favoriser l’institution par les collectivités locales de la part incitative de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Celle-ci permet l’application du principe « pollueur–payeur » aux usagers du service en intégrant le niveau de production de déchets pour facturer l’usager, lequel est alors incité financièrement à des comportements plus vertueux.
Le souci de justice a également présidé à la modification de l’article consacré à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Il était proposé de ne pas appliquer la minoration de la DCRTP aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre face au double effet de la minoration votée en 2018 et à sa concentration sur un faible nombre d’EPCI. Le rapporteur général a souhaité étendre ce dispositif aux communes… et de tenir compte de cette non-minoration sur le calcul des variables d’ajustement appliquées en 2019 dans le calcul de la DGF, une mesure qui concerne en particulier les communes de L’Argentière-La Bessée, Châteauvieux, Orcières, La Roche De Rame, Tallard et Vars.
Justice et équité, voilà deux mots qui sont régulièrement revenus dans les débats sur ce sujet et évidemment dans l’attente d’un texte qui devrait, en 2019, remettre à plat compétences et finances des collectivités.
Brevets et CCI hyper-rurales : s’adapter à la réalité du territoire
Les entreprises ont aussi été au cœur du projet de loi de finances avec des dispositions fiscales et quelques points saillants, comme sur les brevets et les chambres de commerce et d’industrie.
Sur le premier point, il était nécessaire que notre pays se mette en conformité avec divers accords internationaux sauf que ces derniers prévoyaient, sur les brevets, une imposition à 15% sur les revenus tirés de ces actifs incorporels. Sensibilisé à cette question, le rapporteur général a fait voter un amendement ramenant le taux à 10 % y compris par un inventeur personne physique qui payait jusqu’alors 12,8% de droits. Enfin, une partie importante du débat a porté sur les CCI. La réforme de la répartition de la taxe pour frais de chambres (TFC) qui avait échoué a été rendue obsolète par le projet de loi PACTE qui fait entrer la gestion des Chambres de commerce et d’industrie dans une logique de projet et de contractualisation… qu’il fallait chiffrer. C’est ce qu’a fait la première partie de l’amendement du rapporteur général en prévoyant un seuil de dotation. Seconde disposition : garantir un socle de financement aux Chambres de commerce et d’industrie rurales que le rapporteur général a défini en rapport avec le nombre de communes de leur ressort en zone de revitalisation rurale. Tel est par exemple le cas des Hautes-Alpes qui bénéficieront d’un socle de financement de plus de 1.600.000 €.
Outils fiscaux : évaluer puis maintenir ou modifier.
Le projet de loi de finances est aussi l’occasion de faire le point sur les outils fiscaux. Par exemple sur le logement et la réduction d’impôt « Pinel » : les territoires couverts par les contrats de redynamisation de site de défense (CRSD) continueront d’être éligibles à ce dispositif de réduction fiscale jusqu’à 8 ans après la clôture du contrat. Briançon et son important programme Cœur de Ville le seront donc jusqu’en 2022. De la même façon, les crédits d’impôt « éco-prêt à taux zéro » (éco-PTZ) et la transition énergétique (CITE) ont été prolongés.
Autre amendement du rapporteur général, une disposition qui va permettre la comptabilisation de l’énergie solaire thermique dans la détermination du seuil de 50 % d’énergie renouvelable ou de récupération permettant l’application du taux réduit de 5,5 % de la TVA à la fourniture de chaleur. L’énergie solaire sera donc traitée dans les mêmes conditions que l’énergie issue de la biomasse, de la géothermie, des déchets ou que l’énergie de récupération.
Mais dans les outils fiscaux, tous n’ont pas eu la même chance. Si le taux dévolu aux produits de première nécessité (5,5%) a été appliqué aux autotests de dépistage du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) pérennisé, le rapporteur général a fait la chasse aux taxes inefficientes… et a fait supprimer nombre d’entre elles : la taxe affectée à la chambre nationale de la batellerie artisanale, celle portant sur les farines ou une niche qui versait 2.52€ par an à tous les chômeurs au titre de leurs frais professionnels.
La montagne n’est jamais très loin…
Et dans cet inventaire, il ne fallait pas oublier l’exonération d’impôt sur le revenu des primes versées en 2018 aux athlètes français ayant obtenu un titre olympique ou paralympique aux jeux olympiques d’hiver (ceux d’été étaient exonérés)… même au Palais Bourbon, même en séance de nuit, avec le rapporteur général Joël Giraud, la montagne n’est jamais très loin…