Majorité et opposition réclament des moyens pour mieux évaluer les politiques publiques (Les Echos)

L'Assemblée nationale (Palais Bourbon), 126, rue de l'Université, 75007 Paris.

Ingrid Feuerstein Le 20/04 à 17:31

De la France insoumise aux Républicains, une quinzaine de députés de tous bords ont signé une tribune dans « Le Monde » pour demander la création d’un office budgétaire au sein de l’Assemblée, à même de chiffrer les propositions des parlementaires et du gouvernement.

Il y aura peut-être durant ce quinquennat un sujet qui pourra rapprocher les députés de la France insoumise de ceux de la majorité : le manque d’autonomie des parlementaires dans l’évaluation des politiques publiques. Rapporteur du Budget ou anciens rapporteurs, président de la commission des Finances, chefs de file des groupes parlementaires… une quinzaine de députés de la commission des Finances, de droite comme de gauche et même d’extrême gauche, ont signé une tribune commune dans « Le Monde » afin de demander  la création d’un office budgétaire au sein de l’Assemblée , à même de chiffrer les projets du gouvernement et les propositions des parlementaires.

« Pour voter en pleine conscience, nous devons aux Français de disposer de mesures sérieuses, chiffrées et applicables, forgées sur la base d’un avis indépendant des administrations et des groupes d’intérêts », justifient les signataires, parmi lesquels figurent Amélie de Montchalin (LREM), à l’origine de cette proposition, Joël Giraud (LREM) mais aussi Gilles Carrez (LR), Eric Woerth (LR), Valérie Rabault (Nouvelle Gauche) ou encore Eric Coquerel (LFI).

Mieux évaluer les lois de finances

Ce projet a émergé dans le cadre des réflexions sur la réforme constitutionnelle , face à la nécessité de mieux évaluer les lois de finances. A l’heure actuelle, les députés peuvent s’appuyer sur les administrateurs de l’Assemblée, des fonctionnaires de haut niveau, reconnus pour leurs compétences juridiques. Ils souhaiteraient pouvoir faire appel à des économistes capables de chiffrer l’impact d’une mesure fiscale et d’expertiser une trajectoire budgétaire, et surtout qui puissent avoir accès aux données des ministères.

Il s’agirait d’une « unité de chiffrage transpartisane et indépendante de l’administration et des groupes d’intérêts ». Aujourd’hui, les données sont « conservées jalousement par les ministères », regrettent les signataires, ce qui « crée un climat de défiance institutionnelle malsain ».

Accès aux données

« Si cet office voit le jour, il faudrait qu’il puisse bénéficier des mêmes droits que le rapporteur général et le président de la commission des Finances, c’est-à-dire de pouvoir aller chercher les données à Bercy », a défendu Valérie Rabault, lors d’une récente audition. L’ancienne rapporteure du Budget en sait quelque chose. Dans cette même audition, elle raconte comment elle a dû débarquer à l’improviste à Bercy parce qu’elle n’arrivait pas à obtenir une évaluation sur la fiscalisation de la majoration de 10 % pour les retraités ayant eu 3 enfants.

Lorsqu’elle a enfin pu copier le fichier sur sa clef USB, elle s’est rendu compte que les données ne prenaient pas en compte la suppression de la demi-part des veuves, sous prétexte que cela avait été voté sous Sarkozy. Or, la combinaison des deux mesures a eu un effet considérable sur certains ménages.

« Il y a une forme d’autocensure dans les études d’impact. On ne veut pas déplaire au gouvernement, dénonce-t-elle. Même pour compter les fonctionnaires, nous avons du mal à obtenir les chiffres. Quand il y avait eu le débat sur les créations de postes dans la police et la gendarmerie, le premier ministre Bernard Cazeneuve avait dû mandater une mission à l’inspection générale. »

Résistances internes

Si l’idée fait consensus, elle se heurte cependant à des résistances internes du fait que les fonctionnaires de l’Assemblée sont recrutés sur un concours administratif très sélectif, ce qui limite la possibilité de recourir aux compétences extérieures. Quant au gouvernement, il n’est pas opposé à la démarche mais sera sans doute vigilant sur la personnalité nommée à la tête de cet « office ».