Selon le rapporteur général de la commission des Finances à l’Assemblée nationale, Joël Giraud, les impôts ont déjà baissé de 11 milliards d’euros pour les ménages. Cependant, pour l’instant, le taux de prélèvements obligatoires baisse à peine. Explications.
« Nous devons baisser, et baisser plus vite » les impôts pour répondre à « une immense exaspération fiscale ». Prononcé depuis le Grand Palais à l’occasion de la restitution du grand débat national au début du mois d’avril, cet engagement d’Édouard Philippe n’a pas vraiment convaincu les Français. D’après un sondage Elabe pour BFMTV publié au lendemain de cette annonce, ils étaient 71% à déclarer ne pas y croire.
Pourtant, un rapport d’information repéré par Les Échos et publié mardi par Jöel Giraud, député LaREM et rapporteur général de la commission des Finances à l’Assemblée nationale, tend à démontrer que l’exécutif a déjà pris les mesures pour tenter de répondre au ras-le-bol fiscal qui gronde dans le pays et alors que la France est la « championne du monde des impôts » selon les données de l’OCDE. Selon lui, si les prélèvements obligatoires étaient « durablement orientés à la hausse jusqu’en 2017, ce quinquennat doit constituer une rupture de tendance ».
Il affirme à cet égard que les prélèvements obligatoires baisseront d’au moins 32 milliards d’euros au cours du mandat d’Emmanuel Macron, et ce sans prendre en compte les annonces en faveur du pouvoir d’achat qui doivent être formulées ce jeudi par le chef de l’État.
16 milliards déjà effectifs…
Sur les 32 milliards de baisse des prélèvements obligatoires (nets des hausses d’autres impôts ou taxes), la moitié (16,2 milliards) est déjà intervenue lors des deux premières années du quinquennat (2018-2019). Et les ménages sont les principaux bénéficiaires: 11 milliards d’euros de gains contre 5,2 milliards pour les entreprises.
Dans le détail, cet allègement de la fiscalité des Français repose essentiellement sur les deux premières étapes de la suppression progressive de la taxe d’habitation, qui leur ont fait gagner 7 milliards d’euros, ainsi que sur la mise en œuvre de l’IFI et du PFU (« flat tax ») pour le reste. Par ailleurs, « l’exonération et la défiscalisation des heures supplémentaires soutiendront le pouvoir d’achat à hauteur de près de 3 milliards d’euros en 2019 », écrit Joël Giraud. Ces baisses ont toutefois été partiellement compensées en 2018 par la hausse de la fiscalité sur le tabac et la taxe carbone.
Les entreprises ont quant à elles bénéficié d’une baisse de 2 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés (IS) au cours des deux premières années du quinquennat et de la montée en charge du CICE, transformé en baisse pérenne de cotisations patronales, qui a permis de dégager un gain de 4 milliards d’euros. Une somme qui sera en partie compensée par la mise en place de la « taxe GAFA ».
… et 16 milliards à venir
D’ici 2022, les prélèvements obligatoires devront encore baisser de 16 milliards d’euros supplémentaires, voire plus, souligne le rapport. Du côté des ménages, la suppression totale de la taxe d’habitation pour les résidences principales devrait leur rapporter 13 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros dès 2020 au titre de la troisième étape de la suppression pour 80 % des ménages. Pour les 20% restant, la facture sera de 10 milliards d’euros pour les finances publiques. Les entreprises bénéficieront pour leur part de 9 milliards d’euros de baisse supplémentaire de l’IS sur la période 2020-2022.
Ces coups de pouce fiscaux seront là-encore compensées partiellement par « des hausses relatives à la fiscalité du tabac, la poursuite de la convergence des cotisations retraite des fonctionnaires sur celles du secteur privé et la montée en charge de la ‘taxe GAFA' », peut-on lire.
L’exécutif prévoit en outre de financer cet allègement de la pression fiscale par une baisse des dépenses publiques qui doivent passer de 55% du PIB en 2017 à 53,3% en 2022. « L’exercice 2018 illustre un retournement de tendance inédit », estime le rapport, qui rappelle que les dépenses publiques, hors crédits d’impôts, ont reculé de 0,3% en volume.
Mais un taux de prélèvements obligatoires qui baisse à peine
On rappellera cependant que ces calculs correspondent à une baisse d’impôts par rapport à ce qui se serait passé sans réformes fiscales. Cela ne signifie pas que, globalement, le montant total des prélèvements pesant sur les ménages ou les entreprises a baissé. En effet, la croissance du PIB (ce qui fait par exemple entrer davantage de TVA avec le surplus d’activité), celle de la population ou la progression de la masse salariale (ce qui gonfle le montant des cotisations) font aussi augmenter la masse globale des recettes fiscales.
Le juge de paix en la matière est le taux de prélèvements obligatoires. Ce ratio calcule le poids de l’ensemble des impôts, taxes et cotisations sociales effectivement prélevés rapportés au PIB. Or, ce taux baisse à peine puisqu’il est passé de 45,2% du PIB en 2017 à 45% en 2018 selon l’Insee. Le gouvernement a pour objectif de faire passer la part des prélèvements obligatoires dans le PIB à 43,8% en 2022. Mais on notera que pour l’instant, il reste donc plus élevé que lors de la dernière année pleine du quinquennat de François Hollande (44,6% en 2016). D’ailleurs, selon les derniers chiffres connus de l’Insee, les prélèvements obligatoires sont passés de 994,7 milliards d’euros à 1.038 milliards d’euros entre 2016 et 2017.
Paul Louis