21/02/2018 C.M.
Une proposition de loi relative à « la tarification de la restauration scolaire », qui entend notamment accorder la gratuité aux familles les plus modestes, vient d’être déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Ce texte estampillé LREM est porté par l’élu d’Ille-et-Vilaine Gaël Le Bohec et co-signé par 26 autres députés LREM, dont le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Bruno Studer, et le rapporteur général de la commission des finances, Joël Giraud.
La proposition de loi présente un « double mécanisme ». Elle pose tout d’abord le principe de « progressivité de la tarification » : il s’agit d' »inciter les collectivités territoriales à appliquer le principe d’une progressivité de la tarification de la restauration scolaire en proposant un nombre minimal de cinq tranches », indexées sur le quotient familial, explique l’exposé des motifs. Elle prévoit en outre que soit accordée la gratuité de la cantine aux élèves « appartenant à des familles dont les revenus sont les plus modestes », à savoir celles dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 7.800 euros annuels, ce qui correspond au seuil de pauvreté. Mécaniquement, en se basant sur le quotient familial, les familles monoparentales seront avantagées.
Le texte prévoit que la perte éventuelle de recettes pour les collectivités sera compensée par une majoration de leur dotation globale de fonctionnement (DGF). « La proposition de loi revêt une dimension financièrement incitative et ne constitue pas une remise en cause du principe constitutionnel de libre administration des collectivités », insistent les députés.
Leur exposé des motifs est d’ailleurs assez prolixe sur cet aspect, prévoyant sans doute que celui-ci sera sensible : oui, la proposition de loi laisse de grandes marges de manœuvre aux collectivités, disent-ils en substance (les collectivités pourront « articuler la ventilation de leur tarification au sein des quatre tranches tarifaires supérieures », pourront également « créer un nombre de tranches supérieur à cinq »…).
Des pratiques trop disparates d’une collectivité à l’autre ?
La proposition entend « apporter une réponse pragmatique à plusieurs enjeux de société », le premier d’entre eux étant celui de « lutte contre la pauvreté » et de « justice sociale ». « Pour les enfants très démunis, le seul vrai repas de la journée est souvent le repas pris à la cantine scolaire », écrivent les députés.
En 2016, l’Assemblée nationale avait déjà garanti l’accès de tous les enfants à la cantine dans le primaire lorsque celle-ci existe, via un amendement au projet de loi Egalité et Citoyenneté. « Il s’agissait ici de prémunir les familles contre certaines dérives discriminatoires appliquées par certaines communes qui refusaient l’accès de certains enfants à la restauration scolaire en raison notamment du fait que l’un des deux parents était au chômage », rappellent les députés. Il s’agissait selon eux d’un premier pas.
Les auteurs de la proposition de loi mettent également en avant un enjeu de « santé publique », en termes d’équilibre nutritionnel et de lutte contre le surpoids (sachant que celui-ci touche avant tout les familles pauvres). Ils évoquent même un « facteur d’intégration et de cohésion sociale », dans la mesure où « la pause méridienne constitue un véritable temps d’échange entre les élèves ».
Selon une enquête de 2017 du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), en moyenne, au collège, les élèves issus de familles défavorisées seraient deux fois plus nombreux (40% d’entre eux) à ne pas manger à la cantine que ceux issus de familles favorisées (22%) et très favorisées (17%).
L’exposé des motifs cite pour sa part des chiffres tendant à montrer que la tarification de la restauration scolaire « varie d’une collectivité territoriale à une autre » dans des proportions qui « nuisent à l’égalité des chances sur tout le territoire ». Ainsi, selon un recensement de la FCPE, « seulement 42 départements proposeraient une formule de modulation sociale (quotient familial, calcul spécifique, prise en compte du nombre d’enfants par famille, etc.). » De même, les régions seraient « peu nombreuses à proposer une telle modulation ». Certes, l’Ile-de-France a généralisé à la dernière rentrée scolaire une tarification basée sur le quotient familial, organisée en dix tranches. S’agissant des communes, les députés indiquent que « certaines villes pratiquent la gratuité des repas scolaires pour les enfants pauvres » mais que cette pratique « tend à régresser ».