Audition des ministres Bruno Le Maire et Gérald Darmanin sur le PLFP 2018 – 2022 et le PLF 2018

Mercredi 27 septembre la commission des Finances a auditionné Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances et Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et le projet de loi de finances pour 2018.

Concernant le déficit budgétaire de l’état, en hausse, j’ai rappelé que les baisses d’impôt concernent surtout les finances de l’État tandis que les hausses (CSG, tabac), bénéficient à la sécurité sociale et qu’il faut donc regarder le déficit public, toutes administrations confondues, qui permet à la France de sortir de la procédure de déficit public dès 2017. 

J’ai par ailleurs interrogé les ministres sur la trajectoire des finances locales où sont prévues 13 milliards d’euros d’économies tendancielles et une baisse de leur besoin de financement du même montant alors que ces administrations sont aujourd’hui légèrement excédentaires. Comment cela va-t-il se combiner avec le principe d’autonomie des collectivités territoriales ? 

S’agissant de la mise en place de l’impôt sur la fortune immobilière, j’ai interrogé Bruno Le Maire sur l’opportunité d’augmenter certaines taxes existantes sur certains signes extérieurs de richesse. Le ministre de l’économie et des finances s’est montré ouvert à cette idée, dans le cadre d’amendements en PLF 2018. 

Concernant le prélèvement forfaitaire unique, j’ai remarqué que dans le domaine de l’assurance-vie celui-ci conduit à alourdir pour l’avenir la fiscalité pour les plus gros contrats détenus depuis plus de huit ans, mais aussi à alléger celle de ces mêmes contrats lorsqu’ils sont rachetés avant quatre ans, ce qui laisse de côté l’objectif de détention longue des actions. Dans le même ordre d’idée, les abattements pour durée de détention étant supprimés pour l’avenir, j’ai demandé aux ministres dans quelle mesure cela ne risquait-il pas de conduire à une plus grande instabilité des placements.

Concernant le logement, je me suis interrogé sur l’effet inflationniste des APL sur le niveau des loyers et ai demandé aux ministres les pistes du Gouvernement pour parvenir à une baisse pérenne des loyers. Je me suis enfin interrogé sur les mesures de type recentrage du prêt à taux zéro, recentrage du Pinel et ai demandé aux ministres à sortir en douceur de certains dispositifs.

 

 

M. le président Éric Woerth. Cette audition, qui se tient à l’issue du Conseil des ministres, est donc absolument traditionnelle à ceci près qu’elle porte cette année sur la présentation de deux textes : le projet de loi de finances (PLF), mais aussi le projet de loi de programmation des finances publiques.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Je suis très heureux de vous retrouver pour cette présentation du projet de loi de finances pour 2018. Je vais vous présenter le cadre général de ce PLF ; Gérald Darmanin présentera ensuite les grandes articulations, les réductions de dépenses, les principaux choix budgétaires qui ont été faits. Puis nous répondrons à toutes vos questions.

Je voudrais insister sur les trois grandes orientations politiques du PLF pour 2018.

Première orientation : la sincérité, en particulier en ce qui concerne les perspectives de croissance qui sous-tendent cet exercice budgétaire et les suivants. Comme vous l’avez vu, le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) font pour la France des prévisions de croissance qui sont supérieures à la proposition de 1,7 % que nous avons retenue pour 2017 comme pour 2018.

Il aurait été beaucoup plus simple pour nous de prendre des perspectives de croissance plus élevées et d’avoir des réductions de dépenses publiques moins importantes dans l’exercice budgétaire à venir. Avec Gérald Darmanin et Benjamin Griveaux, j’ai fait un choix différent, celui de la sincérité. Nous nous sommes appuyés sur des évaluations de croissance solides et honnêtes, qui sont confortées par l’augmentation des créations d’emplois dans le secteur marchand – 300 000 créations cette année –, par les perspectives d’investissement dans le secteur marchand, qui repartent à la hausse, et par la confiance des entrepreneurs.

Cette sincérité est saluée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui a estimé que notre évaluation de croissance pour 2018 était solide et raisonnable. Elle se traduit par un objectif et un cap très clairs pour le quinquennat, qui tiennent en trois chiffres : cinq, trois et un, qui correspondent à la baisse respective, en points de produit intérieur brut (PIB), de la dette publique, de la dépense publique et des prélèvements obligatoires d’ici à 2022. La baisse des prélèvements obligatoires s’effectuera à parts égales entre les ménages et les entreprises puisque nous voulons que cette perspective budgétaire bénéficie à tous les Français, sans exception.

Deuxième orientation : l’audace au service du redressement économique de notre pays. Cette audace se traduit par trois choix cohérents : la baisse des dépenses publiques, la baisse des impôts et le soutien à l’innovation.

La baisse des dépenses publiques est indispensable car leur niveau est plus élevé en France que dans les pays de l’Union européenne et même de l’OCDE. Ces dépenses publiques ne produisent pas les effets attendus. Au niveau qu’elles ont atteint, si elles produisaient les effets attendus, nous devrions avoir le plein emploi, une croissance forte et un excédent commercial. Or nous constatons l’inverse. Augmenter la dépense publique est un remède qui a été essayé par tous les gouvernements – de gauche comme de droite – depuis des années et il n’a donné aucun des résultats attendus. Nous vous proposons autre chose : la baisse des dépenses publiques, au service de l’investissement, de l’innovation, de la relance de la croissance. Cette baisse va nous permettre d’atteindre 2,9 % de déficit public dès 2017 – je rappelle que nous partions de 3,2 % et même de 3,4 % en ajoutant toutes les dépenses engagées.

Grâce aux efforts accomplis, le déficit public sera de 2,9 % en 2017 et de 2,6 % en 2018, c’est-à-dire que nous tenons nos engagements européens. Ce choix de la baisse de la dépense publique doit permettre à notre pays de sortir de la procédure pour déficit public excessif dont il fait l’objet depuis 2009. Avec l’Espagne – qui est en voie d’en sortir –, la France est le dernier État membre de l’Union européenne à être sous le coup de cette procédure. C’est une honte pour notre pays – qui a été à l’origine du projet européen – d’être dans cette situation. La France n’a pas vocation à rester le dernier État faisant l’objet d’une procédure pour déficit public excessif. À cet égard, je tiens à vous signaler les propos de M. Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes. Ce matin, il a salué la réduction des dépenses publiques engagée par le Gouvernement et indiqué que cette évolution devait permettre à la France de sortir de cette procédure l’année prochaine.

Nous avons aussi décidé de baisser les impôts d’un montant de 10 milliards d’euros
– 6 milliards pour les ménages et 4 milliards pour les entreprises. Cette baisse des impôts doit libérer des capacités de croissance dans notre pays. Elle doit permettre de rendre à l’économie productive l’argent dont elle a besoin pour se développer. La mise en place du prélèvement forfaitaire unique à 30 %, la baisse de l’impôt sur les sociétés – ramené de 33,3 % à 25 % en cinq ans – et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sur les valeurs mobilières vont rendre à l’économie productive les moyens de financement dont elle a besoin.

Ce choix, nous l’assumons totalement. Dans une économie de rupture où nos entreprises ont besoin de moyens de financement et où nous devons être plus attractifs pour les investissements étrangers, il était nécessaire d’alléger la fiscalité sur le capital. On ne peut pas avoir des entreprises qui investissent, qui innovent et qui créent des emplois avec une fiscalité confiscatoire sur le capital. On ne peut pas demander aux jeunes générations d’être entreprenantes, de créer des entreprises et d’innover, tout en leur disant que, si elles réussissent, la taxation sur le capital leur retirera le produit de leur travail. Alléger la fiscalité sur le capital, c’est un choix de rupture en faveur de la croissance, des entrepreneurs, de l’emploi et donc de tous les Français.

Troisième choix d’audace : nous soutenons l’innovation en décidant de maintenir et de sanctuariser le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), en étant prêts à étudier son déplafonnement dans les années à venir et en mettant en place un fonds pour le financement de l’innovation de rupture, doté de 10 milliards d’euros. Créé dans le courant de l’année 2018, ce fonds sera abondé par la cession d’actifs de l’État dans l’économie concurrentielle.

Voilà les trois choix d’audace que nous voulons faire et qui se reflètent dans ce PLF.

Troisième grande orientation politique : le principe de justice, car nous n’oublions pas ceux qui ont le plus de difficultés dans notre pays. Nous voulons alléger les impôts de ceux qui en paient trop. Nous commençons à supprimer un tiers du montant de la taxe d’habitation pour 80 % des redevables dès 2018. Nous mettons en place un crédit d’emploi à domicile destiné à ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu. Les ménages modestes et non imposables, qui veulent embaucher quelqu’un pour s’occuper de leurs parents malades ou garder leurs enfants, n’ont accès à aucun avantage fiscal pour ce faire. À l’avenir, ils pourront embaucher quelqu’un et toucher un chèque du Trésor public pour alléger la charge de cet emploi à domicile.

Mme Valérie Rabault. Cette mesure, c’est nous qui l’avons fait adopter !

M. le ministre de l’économie et des finances. Certaines mesures existent sur le papier, sont adoptées mais ne sont pas financées. Nous permettons de financer des mesures qu’il nous aurait été plus simple de retirer. Nous avons décidé de les maintenir par souci de justice et d’attention aux plus fragiles. Vous aurez la budgétisation, pour 2018, d’un crédit d’impôt. Pour notre part, nous finançons nos décisions.

Cette justice se lit aussi dans les mesures destinées à compenser des augmentations de fiscalité que nous assumons totalement – je pense à la fiscalité sur le diesel et à la convergence entre le prix de ce carburant et celui de l’essence, qui vont nous permettre d’amorcer la transition écologique. Pour compenser ces hausses, nous allons créer un chèque transport. Nous allons aussi permettre à certains professionnels, tels les chauffeurs de taxi, les transporteurs routiers ou les pêcheurs, de bénéficier d’allégements concernant cette fiscalité de la transition écologique.

Voilà les grands axes de ce PLF et le cadre économique dans lequel il s’inscrit. La croissance est meilleure et solide, raison de plus pour accélérer. Nous entrons dans un monde où l’investissement et l’innovation sont la clef des créations d’emploi et de la réussite. Nous assumons l’allégement de la fiscalité sur le capital. Nous savons qu’il y a encore des inégalités importantes entre les territoires et entre les personnes ; nous les compensons. La justice, l’audace, la volonté de sincérité, tels sont les trois éléments qui caractérisent ce PLF pour 2018.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Ce budget est placé sous le signe de la transformation et vise à défendre le pouvoir d’achat. Je me permettrai d’en souligner quelques points avant de laisser une large place au débat.

Le budget n’est qu’un outil – certes très important – qui vient concrétiser les décisions de politiques publiques. Ce sont bien les politiques publiques qui commandent le budget et non l’inverse. M. le ministre de l’économie et des finances vient de rappeler les principes généraux de ce budget : il s’agit de passer d’un modèle de société qui encourage la rente et qui exclut un grand nombre de nos compatriotes à un autre modèle qui encourage la mobilité. On ne redresse pas une économie sans aider ceux qui veulent s’en sortir et réussir. Il faut que le travail paie. Notre budget est celui de la feuille de paie, nous y reviendrons à propos du pouvoir d’achat. Il faut protéger les plus faibles et passer d’une société qui favorisait la subvention à une société qui favorise l’investissement.

Ce budget a été établi pour accompagner les transitions ; il est éminemment politique puisqu’il traduit des choix. Citons le grand plan d’investissement qui va être doté de moyens nouveaux – 700 millions d’euros en autorisations d’engagement, dont 200 millions pour le seul budget 2018 – destinés notamment à accompagner la transformation numérique de nos administrations, en particulier de la justice. Ce budget doit donc permettre les transitions écologique, économique et sociale, ainsi que l’application du nouveau pacte conclu avec les collectivités locales. Nous avons décidé de faire porter la maîtrise des dépenses publiques sur les 319 plus grosses collectivités et non sur les innombrables communes rurales et villes moyennes de notre pays.

Il s’agit de faire des choix, non de donner des coups de rabot. Nous engageons des transformations de politiques publiques très profondes qui dépassent largement les crédits budgétaires, notamment en matière de travail et de logement. Dans les domaines régaliens de l’État, comme l’éducation et la défense, les budgets sont en forte hausse. Conformément aux engagements du Président de la République, le budget des armées va augmenter de 1,7 milliard d’euros chaque année et l’aide au développement devrait atteindre 0,55 % du PIB en 2022.

Nous avons aussi choisi de ne pas diminuer de manière homothétique le nombre des emplois publics. Un gros effort a été consenti en ce qui concerne la masse salariale de l’État, puisque 1 600 emplois ont été supprimés alors que 14 000 emplois avaient été créés au cours de la dernière année budgétaire. Nous avons décidé de ne pas faire une simple division par cinq pour en arriver à la suppression de 120 000 emplois publics durant le quinquennat. Nous souhaitons poser d’abord la question des missions avant d’aborder celle des moyens puis celle des emplois publics. Le programme « Action publique 2022 », lancé par le Premier ministre, se concrétisera dès le prochain budget. Ce programme destiné à moderniser l’État et l’ensemble des administrations publiques aura des conséquences en termes budgétaires et d’emplois publics.

Notre budget est celui du pouvoir d’achat. Si le budget est une affaire de spécialistes, il concerne aussi les Français ; nous devons exprimer les choses en euros et pas seulement en milliards d’euros. Dans le livret du pouvoir d’achat qui vous a été remis, vous trouverez la traduction concrète – sous forme d’augmentation d’allocations ou de baisse d’impôts – de nombreuses dispositions prévues durant le quinquennat. Il résume ce que nous allons redonner aux Français : dégrèvement de la taxe d’habitation, suppression de cotisations, généralisation du chèque énergie, augmentation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), augmentation du minimum vieillesse, aide très particulière aux familles monoparentales. Dès 2018, un couple de smicards qui paie actuellement la taxe d’habitation aura 380 euros d’augmentation de pouvoir d’achat. À la fin du quinquennat, ce même couple aura l’équivalent de plus d’un treizième mois en gain de pouvoir d’achat grâce à la redistribution dont nous reparlerons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Le budget est sincère et sérieux : les hypothèses retenues sont raisonnables ; elles se situent dans le consensus des économistes. Je me suis laissé dire que M. Migaud l’a souligné ce matin, lorsque vous l’avez auditionné. Nous avons rebudgétisé les insincérités constatées dans le dernier budget. En fait, l’insincérité a été une constante depuis de nombreuses années. À l’exception des opérations extérieures (OPEX), qui vont bénéficier d’un rattrapage durant le quinquennat, nous avons rebudgétisé 4,5 milliards d’euros, afin de pouvoir répondre aux interrogations légitimes sur la sous-budgétisation chronique, notamment pour ce qui est de l’hébergement d’urgence, de l’AAH et du ministère de l’agriculture. Nous avons proposé au Président de la République et au Premier ministre d’appliquer un gel de 3 % à ce budget, ce qui devrait favoriser les directeurs de programme. Nous voulons vous démontrer ainsi que nous croyons à la sincérité de notre budget et rendre aux ministres le grand pilotage de leur politique publique.

Enfin, ce budget est celui des promesses tenues. Toutes les promesses de la majorité parlementaires sont inscrites dans ce budget et dans la trajectoire quinquennale. Nous inversons une courbe, celle de la dépense publique : la part de la dépense publique dans la richesse nationale décroît de 0,7 point, passant de 54,6 % à 53,9 %, ce qui est inédit depuis la période où Dominique Strauss-Kahn était à Bercy. La croissance étant à cette époque bien supérieure à ce qu’elle est actuellement, on peut mesurer l’effort extrêmement important que nous avons accompli pour diminuer la dépense publique. Si la croissance économique continue sur sa lancée, nous pouvons imaginer une décrue des dépenses publiques.

Nous avons décidé de lutter d’une façon inédite contre une dépense publique qui, malheureusement, a réduit les capacités de transformation de notre pays. Nous avons quasiment tenu l’engagement que le Premier ministre vous avait fait : toutes administrations publiques confondues, les dépenses augmentent de 0,5 % en volume. Nous avons encore du travail à faire. Nous avons choisi la transformation mais pas la rigueur. Je rappelle que ce taux de 0,5 % d’augmentation de la dépense publique en volume n’avait pas été vu depuis quinze ans et qu’il est deux fois moins élevé que celui observé au cours de la période 2010-2016.

Notre dette est stabilisée pour la première fois depuis 2006 et elle devrait avoir baissé de cinq points à la fin de ce quinquennat. Ainsi que l’a annoncé M. le ministre de l’économie et des finances, le montant des baisses d’impôts atteint 10 milliards d’euros et les prélèvements obligatoires diminuent de 0,3 point dans ce budget 2018. Le déficit est réduit de 0,3 point par rapport à 2017. Précisons que lorsque nous avons pris nos fonctions, la Cour des comptes a indiqué que le déficit, toutes administrations publiques confondues, était de 3,4 %. Nous avons donc fait un effort considérable pour tenir nos promesses et respecter les engagements de la France.

M. le président Éric Woerth. Avant de donner la parole au rapporteur général, je vais faire quelques observations et poser quelques questions.

Tout d’abord, je me réjouis de l’effort de sincérité qui se manifeste dans le document qui nous a été distribué. Lors de nos différentes réunions, nous avions évoqué la sous-budgétisation chronique et habituelle de certaines dépenses : l’AAH, la prime d’activité, les OPEX, etc. Certains points ont été corrigés, ce qui est une bonne chose, tout comme le fait que la réserve de précaution soit maintenue à un taux qui en fait réellement une réserve de précaution.

Deuxième élément positif : les agrégats économiques – la croissance du PIB, la masse salariale, l’élasticité, l’inflation et autres – sont confirmés par le Haut Conseil des finances publiques. C’est donc un budget sincère au sens où il ne contient pas à ce stade de biais de construction, si j’ai bien compris ce que disait son président, M. Didier Migaud, au sujet des précédents exercices.

Je m’étonne néanmoins que le premier budget présenté par cette majorité ne respecte pas les engagements européens de la France. Il me semble qu’on devrait plutôt essayer d’y coller dans un premier budget : ces engagements sont majeurs. Souvent, ils n’ont pas été respectés alors qu’ils devraient l’être ; aujourd’hui, la conjoncture économique le permet davantage. Je m’étonne donc du manque de respect des engagements européens de la France dans ce budget et bien plus encore dans votre programmation budgétaire.

Vous avez évoqué à plusieurs reprises un budget de « grande rupture », mais je suis plutôt d’avis qu’il s’agit d’un budget de petite continuité. Cela me conduit à vous poser quelques questions.

D’abord, vous annoncez une augmentation considérable du déficit de l’État, qui atteindrait 83 milliards d’euros, soit à peu près 4 points de PIB, ce qui est considérable. Cela représente 14 milliards de plus que dans la loi de finances initiale pour 2017 et 7 milliards supplémentaires par rapport aux prévisions d’exécution pour 2017. Je comprends qu’il y a probablement l’effet des rebasages que je viens d’évoquer, mais cela ne suffit pas à expliquer la différence avec les prévisions d’exécution budgétaire pour cette année. Il y a donc un dérapage tout à fait considérable du déficit de l’État.

Ma question est de savoir par quel miracle comptable, ou par quelle bonne nouvelle concernant les collectivités locales et la sécurité sociale, on arrive à revenir à 2,6 % de PIB de déficit en 2018. Vous nous direz peut-être que les collectivités locales ou la sécurité sociale sont plus vertueuses que l’État lui-même… Merci, en tout cas, pour la réponse précise que vous pourrez apporter sur ce sujet.

Alors que tout va mieux dans l’économie, en France comme en Europe et dans le reste du monde, vous révisez à la baisse vos ambitions pour la maîtrise de la dépense. Vous aviez indiqué que ce serait zéro en volume et vous faites 0,5. Ce n’est pourtant pas la dégradation de la conjoncture qui peut l’expliquer : elle devrait vous amener à faire mieux. Vous expliquez que vous allez réaliser 16 milliards d’euros d’économies, contre 20 milliards précédemment annoncés, sans préciser comment vous calculez ces 16 milliards d’euros. Nous avons interrogé tout à l’heure le Haut Conseil, qui n’avait pas pu regarder cette question. Où sont ces 16 milliards et comment sont-ils calculés ? Quelles sont vos hypothèses sur ce sujet ? Et surtout, pourquoi un tel relâchement dans l’effort de maîtrise de la dépense ? La conjoncture conduirait plutôt à un rehaussement, sans parler d’austérité, terme qui n’a pas de sens devant un tel niveau de dépenses publiques. Pourquoi ces revirements, et où sont ces fameuses économies ?

Dans votre communication générale – nous verrons bien ce qu’il en est dans les textes, dont nous disposons tout juste depuis cinq minutes –, pourquoi faites-vous reposer la quasi-intégralité de l’effort de réduction des dépenses sur seulement deux d’entre elles : le logement et les contrats aidés ? C’est un peu court : cela ne peut pas expliquer l’ensemble de l’effort que vous dites réaliser en ce qui concerne les dépenses.

Ensuite, pourquoi stopper la baisse tendancielle des effectifs ? M. Darmanin a indiqué qu’il y a eu 14 000 emplois de plus en 2017. C’est sans doute un dérapage tardif et extrêmement dommageable du précédent exécutif, mais il y avait une baisse tendancielle depuis des années : les gouvernements qui ont précédé ceux de M. Hollande avaient réduit d’environ 150 000 les effectifs au sein de l’État. À cela s’ajoute le sentiment au sein de la population que nous allons réduire les effectifs dans la fonction publique. Ce n’est pas agir contre elle, mais lui donner au contraire la capacité d’évoluer dans son statut ou ses méthodes de travail, surtout à l’ère du numérique. Or vous annoncez une stabilité des effectifs pour l’État, ou quasiment aucune diminution. Vous nous dites que l’on verra plus tard, en fonction des missions. Mais on a toujours procédé ainsi. La vérité est que vous n’avez pas voulu ouvrir un front supplémentaire avec la fonction publique. Pourquoi n’avez-vous pas eu ce courage ?

Même observation pour les prélèvements obligatoires : vous nous dites que vous réalisez 10 milliards d’euros de baisse, mais en fait non, car c’est hors contribution sociale généralisée (CSG). Je sais bien que nous parlons aujourd’hui du projet de loi de finances, mais les prélèvements obligatoires vont au-delà. La vérité est que vous augmentez la CSG dès maintenant et que les baisses de cotisations sociales ont lieu en deux temps. En net de CSG, cela représente en réalité 7 milliards d’euros de réduction d’impôts. Ces baisses ne sont pas suffisantes pour les Français dans le climat actuel et il y a par ailleurs beaucoup de petites hausses : pour les ménages modestes et ruraux, je pense notamment au carburant et au livret A, mais il n’y a pas que ça.

S’agissant de la compétitivité, pourquoi un tel changement de pied ? Pourquoi parlez-vous toujours du pouvoir d’achat et plus jamais de la compétitivité ? Vous présentez par ailleurs un « livret du pouvoir d’achat », mais ce n’est pas le livret A : il va subir au contraire de plein fouet le différentiel d’inflation. Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) est une bonne chose, mais ce n’est pas une rupture. C’est un retour en arrière – d’ailleurs judicieux. Quant à l’impôt sur les sociétés, M. Hollande avait déjà fait voter une baisse tendancielle et je suis heureux que ce soit confirmé. On peut être d’accord
– de temps en temps…

Mais les entreprises vont subir une augmentation du coût du travail : c’est votre réforme du CICE, dont le taux va passer de 7 % à 6 %. Cela représente plus de 3 milliards d’euros. Pourquoi ce changement de cap et pourquoi augmenter les charges des entreprises quand on a, au contraire, besoin de les réduire ?

Je vous remercie par avance des réponses que vous pourrez apporter.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Ce projet de budget fait la vérité, c’est vrai, sur les chiffres : vérité sur les dépenses, avec la fin des sous-budgétisations récurrentes depuis des années, et que dénonçait la Cour des comptes ; vérité aussi sur le montant réel du déficit structurel, avec une révision radicale des hypothèses de calcul. En tant que rapporteur général, je ne peux que m’en féliciter, car il ne peut y avoir de débat parlementaire sincère et éclairé sans fiabilité des chiffres présentés. Le Laudate Dominum du président du Haut Conseil des finances publiques est à ce titre révélateur.

Certes, le déficit budgétaire de l’État est en hausse, et j’ai bien entendu ce qu’a dit le président de la commission, mais cela s’explique par le fait que les baisses d’impôt concernent surtout les finances de l’État, tandis que les hausses, en particulier celles relatives à la CSG et au tabac, bénéficient à la sécurité sociale. Cela ne traduit donc pas une mauvaise gestion de l’État, bien au contraire. L’essentiel est que l’indicateur du déficit public, toutes administrations confondues, soit en baisse, nous permettant de sortir de la procédure de déficit excessif dès 2017. Les ministres l’ont déjà rappelé, mais il est parfois utile d’enfoncer quelques clous.

Ma première question porte sur la loi de programmation, et plus particulièrement sur la trajectoire des finances locales. Il est prévu des économies tendancielles de 13 milliards d’euros et une baisse du besoin de financement d’un même montant, alors que ces administrations sont aujourd’hui légèrement excédentaires : à la fin de la programmation en 2022, les administrations locales seraient en excédent de 0,8 % du PIB. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Faut-il comprendre que les collectivités locales disposeront de ressources ou de fonds de roulement qu’elles n’auraient pas le droit d’utiliser pour respecter la programmation ? Comment cela va-t-il se combiner avec le principe d’autonomie de ces collectivités ?

J’ai aussi une interrogation sur le rendement de la hausse de la fiscalité sur le tabac. Elle est évaluée à 0,5 milliard d’euros dans le rapport annexé, ce qui me paraît bien faible pour une hausse d’un euro, à moins que beaucoup de gens ne s’arrêtent de fumer – ce qui, d’ailleurs, me conviendrait parfaitement dans le cadre des politiques de santé publique. Comment cette évaluation a-t-elle été élaborée ?

J’observe que les comptes de concours financiers sont déficitaires en raison des prêts à l’Agence française de développement (AFD). Peut-on avoir des précisions sur la nature des opérations envisagées ?

J’en viens maintenant aux questions fiscales.

La mise en place du PFU dans le domaine de l’assurance vie conduit à alourdir, pour l’avenir, la fiscalité sur les plus gros contrats détenus depuis plus de huit ans, mais aussi à l’alléger sur ces mêmes contrats lorsqu’ils sont rachetés avant quatre ans. La lisibilité indéniable qui est liée à la mise en place du PFU peut-elle s’instaurer en laissant de côté un objectif de détention longue des actions ? Dans le même ordre d’idées, les abattements pour durée de détention sont supprimés pour l’avenir. Ne craignez-vous pas que cela conduise à une plus grande instabilité des placements de nos concitoyens ?

Quant à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), certaines sources évoquent comme produit total, après réforme, un montant de 850 millions d’euros. Confirmez-vous ce chiffrage ? Compte tenu du coût, ne serait-il pas opportun, comme certains le suggèrent, d’augmenter certaines taxes qui existent déjà sur des signes extérieurs de richesse ? La mise en place de l’IFI s’accompagnera de la suppression du dispositif dit « ISF-PME », ce qui pourrait avoir un impact important sur le financement des start-up. Ne vous semble-t-il pas opportun de mettre en place un dispositif de sortie « en douceur » qui permettrait, pour un temps de tuilage à déterminer, de continuer à inciter les contribuables les plus fortunés à investir dans le capital des PME ? Les comportements fiscaux sont parfois un peu lents en France et relèvent plus de la Vespa Piaggio que d’un Spyder… Les dispositifs de tuilage peuvent donc être utiles.

Vous avez annoncé une mesure concernant l’utilisation de la TVA réduite sur la presse en ligne par les opérateurs téléphoniques. Un journal satirique, aux pieds palmés et paraissant le mercredi, évoque un manque à gagner de 660 millions d’euros pour l’État, voire de 1,2 milliard d’euros si l’ensemble des opérateurs suivent. Quelles sont les mesures prévues ? De combien de millions d’euros est-il question ? Dispose-t-on au moins d’un ordre de grandeur ?

La question de la compensation des exonérations de taxe foncière en faveur du logement social fait l’objet de débats réguliers en loi de finances. Fait nouveau, ces compensations ne vont pas faire l’objet d’une minoration accrue cette année. À combien chiffrez-vous le choix ainsi opéré en faveur des collectivités locales ? Quel est, dans le projet de loi de finances pour 2018, le taux de minoration des compensations d’exonération de taxe foncière ?

Je termine avec les questions relatives au logement. Nous sommes conscients de l’effet inflationniste des aides personnalisées au logement (APL) sur le niveau des loyers. J’ai même vu des business plans d’entreprises de construction qui intègrent l’APL étudiante comme élément de solvabilité du projet de résidence, ce qui est tout de même un comble. Cela étant, on a parfois du mal à saisir de quelle manière la baisse des APL va se traduire concrètement en baisse de loyers effective et pérenne. Quelles sont les pistes pour y parvenir ?

De même, je m’interroge sur des mesures telles que le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) et du dispositif « Pinel » ou la possible extinction du « Censi-Bouvard ». Il faut sortir « en sifflet » de certains dispositifs si l’on ne veut pas désespérer certains bailleurs, notamment ruraux. Je pense à l’équilibre de certaines opérations, comme la restructuration des sites de défense, qui dépend de niches susceptibles de disparaître, mais aussi à l’économie touristique des régions de montagne, au sein desquelles les opérations de réhabilitation des résidences de tourisme sont indispensables. Les dispositifs concernés ont fait l’objet de réorientations dans le cadre d’une loi de décembre 2016, puis d’une annonce faite par l’actuel Gouvernement au mois d’août dernier, en comité interministériel du tourisme.

Je vous remercie d’apporter quelques précisions sur les adaptations possibles.

M. le ministre de l’économie et des finances. Merci d’avoir reconnu, monsieur le président, la sincérité de notre budget. C’est une singularité qui mérite d’être notée : il n’y a pas, en effet, de biais de construction et, oui, c’est un budget sincère.

J’ai plus de mal à vous suivre sur la question des engagements européens de la France. Je rappelle que nous aurons des déficits publics sous la fameuse barre des 3 % en 2017, à 2,9 %, et qu’ils passeront très en dessous en 2018, à 2,6 %. La dernière fois que nous avons respecté nos engagements en matière de déficit public, c’était sous Dominique de Villepin, en 2007.

Tu n’oublieras pas, cher Eric, qu’il y a eu un nouveau Président de la République l’année suivante : il est allé à Bruxelles, au conseil des ministres des finances, un peu ébahis de voir arriver un Président de la République – personnellement, je tiens mon banc dans cette instance sans avoir besoin d’être remplacé par le chef de l’État –, pour expliquer que tous ces engagements européens n’avaient absolument aucune importance et qu’il n’était pas question que la France les respecte. À partir de 2008, les déficits publics français ont commencé à se creuser. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir sur ce sujet (Applaudissements sur plusieurs bancs).

M. le président Eric Woerth. Je voudrais rappeler que l’on applaudit en séance publique si l’on veut, mais pas en commission, sans quoi nous aurons bientôt des sifflements ou des huées…

M. le ministre de l’économie et des finances. Je me permets d’insister, car c’est un sujet dépassant les querelles politiciennes. Avec le Président de la République et le Premier ministre, nous avons fait un choix qui est difficile. Quand vous arrivez aux responsabilités dans la situation qui a été très clairement décrite par la Cour des comptes, à savoir un déficit public évalué à 3,2 % du PIB en 2017, repasser à 2,9 % implique un effort important, qui a été demandé à tous les Français. Nous revendiquons le fait de tenir nos engagements européens, y compris en matière de déficit structurel.

J’ai bien noté dans l’avis du Haut Conseil des finances publiques qu’il y avait une interrogation sur ce dernier point et je veux y répondre : nous ferons 0,1 point d’ajustement structurel en 2018 car, comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer aux membres de la Commission européenne, nous réalisons en parallèle des réformes structurelles sur le marché du travail et, demain, sur la formation et l’assurance chômage, qui viendront compléter les efforts de réduction de la dépense publique et nous permettre de tenir nos engagements en matière de déficit structurel.

S’agissant des prélèvements obligatoires, si l’on raisonne du 31 décembre 2017 au 31 décembre suivant, il y a bien 10 milliards d’euros de baisse d’impôt, mais si l’on considère la moyenne de l’année 2018, on arrive en effet à 7 milliards, parce que nous réalisons en deux temps l’exonération des charges sociales sur l’assurance chômage et l’assurance maladie. J’assume totalement ce choix : sinon, nous n’aurions pas respecté nos engagements européens. La sincérité consiste aussi à garder un équilibre entre la baisse de la dépense, qui est nécessaire, et les allégements d’impôts qui le sont tout autant et que nous réalisons simultanément.

S’agissant des carburants, je veux être totalement transparent : nous avons décidé la convergence entre la fiscalité du diesel et celle de l’essence, pour des raisons qui tiennent à la protection de l’environnement et à toutes les découvertes sur le caractère nocif du diesel. Cette convergence représente une augmentation de 2,6 centimes d’euros par litre de diesel sur l’année 2018. À cela s’ajoute l’augmentation du prix du carbone, que nous assumons aussi, car on ne peut pas dire que l’on veut la transition écologique et garder le même prix pour la tonne de carbone. Cela va se traduire par une augmentation du prix du litre de diesel de 5 centimes en 2018. L’augmentation totale devrait donc tourner autour de 7 centimes d’euros l’année prochaine.

Nous avons parfaitement conscience de la charge que cela représente pour le consommateur et nous avons pris, je l’ai dit, toutes les mesures d’accompagnement nécessaires : le chèque transport, l’exonération des professionnels concernés et la prime à la transition pour les véhicules anciens, afin de permettre le rachat d’un véhicule neuf dans de meilleures conditions. Mais on ne peut pas vouloir une évolution des comportements sans avoir une fiscalité qui les oriente. La meilleure preuve que les Français l’ont compris, c’est que 70 % des achats de véhicules neufs concernaient le diesel il y a cinq ans, contre désormais 50 %. J’annoncerai d’ici à la fin de l’année un plan d’accompagnement pour l’industrie du diesel et les sous-traitants liés à cette filière, afin que les milliers d’emplois concernés puissent être accompagnés et ne subissent pas cette augmentation de la fiscalité.

Je précise la trajectoire en ce qui concerne la baisse de l’impôt sur les sociétés : en 2018, nous ramènerons à 28 % le taux d’imposition sur les 500 000 premiers euros de bénéfices réalisés. Nous avons fait ce choix, qui était d’ailleurs inscrit dans les précédents projets de loi de finances, je le reconnais bien volontiers, de manière à ne pas faire de perdants chez les petites et moyennes entreprises.

Quant au CICE, nous faisons passer son taux de 7 % à 6 %, puis nous basculerons en 2019 vers un allégement de charges pérenne. Je sais que beaucoup d’entreprises nous disent qu’elles vont perdre de l’argent avec cette bascule, mais vous me permettrez de faire plusieurs observations. D’abord, nous réinjectons des liquidités considérables, notamment avec la suppression de l’ISF sur les valeurs mobilières et avec le PFU. Nous assumons donc le fait que nous ne relèverons pas le taux du CICE. On ne peut pas nous dire d’un côté que nous donnons trop aux entreprises, et de l’autre pas assez. Soyons cohérents. Ensuite, un crédit d’impôt peut toujours être remis en cause d’une année à l’autre si vous, parlementaires, le décidez. Un allégement de charges a, en revanche, un immense mérite : il est pérenne et beaucoup plus difficile à remettre en cause. Je crois en une fiscalité stable, car l’efficacité est là. Je préfère donc graver dans le marbre un allégement de charges plutôt que de m’en tenir à un crédit d’impôt.

Enfin je note, mais c’est tout le charme de la vie politique française, que ce sont les mêmes qui ont dénoncé à cor et à cri la complexité du CICE, demandant la transformation de ce qu’ils présentaient alors comme une usine à gaz en allégement de charges pérenne et qui aujourd’hui, une fois que nous le faisons, nous disent qu’ils veulent revenir au CICE.

M. le président Éric Woerth. Permettez-moi un mot, monsieur le ministre. Quand c’est injuste, en général, on dit qu’on assume. C’est simple comme argument, mais souvent un peu court.

Les engagements européens de la France, nous l’avons vu ce matin avec le président Migaud, ne sont pas respectés, qu’il s’agisse de la trajectoire des finances publiques, du niveau de déficit structurel ou du fait d’atteindre l’objectif de moyen terme. Tout cela peut sembler très technique, mais ce sont des indicateurs absolument majeurs pour l’équilibre de nos finances publiques. Ils ne sont pas respectés et l’écart a même plutôt tendance à s’accroître.

Je rappelle aussi que nous étions dans le même gouvernement en 2007-2008. Tu étais solidaire de ces mesures.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je ne comprends pas que vous interveniez constamment dans le débat, monsieur le président, alors que nous avons un rapporteur général.

M. le président Éric Woerth. Je souhaite simplement rappeler qu’il y a eu en 2008 une crise qui a profondément influé sur le niveau économique de la France.

Enfin, je n’ai pas du tout dit que c’est une mauvaise chose de transformer le CICE en allégement de charges. Vous avez raison de le faire. Je conteste la réduction du crédit d’impôt, ce qui n’est pas tout à fait pareil.

M. le ministre de l’économie et des finances. Nous n’allons pas prolonger inutilement cette passe d’armes. Je pourrais peut-être enlever ma casquette de ministre et remettre celle de diplomate pour gérer les relations entre la commission et son président, mais je ne pense pas que ce soit mon rôle. Seulement, je tiens à la vérité des faits, qui sont têtus. D’abord, je n’étais pas au gouvernement en 2008. Ensuite, avec Dominique de Villepin, nous avons laissé des déficits publics en meilleur état qu’au cours des dix années précédentes. Troisième fait, nous devrions sortir de la procédure de déficit public excessif l’année prochaine, ce qui n’est pas arrivé depuis neuf ans. Je rappellerai les faits chaque fois que ce sera nécessaire. La vérité est têtue elle aussi et elle est bonne dans un débat budgétaire.

Je reprends mes réponses au rapporteur général.

S’agissant de l’assurance vie, il y a déjà suffisamment d’incitations à la détention d’actifs longs. Nous maintenons les abattements au-delà de huit ans, à hauteur de 4 600 euros pour une personne seule et de 9 200 euros pour un couple. Aurions-nous pu instaurer une fiscalité dérogatoire pour les contrats dont l’encours est de 150 000 euros ou plus pour une personne seule ou de 300 000 euros ou plus pour un couple, afin d’inciter à la détention d’actifs plus risqués ? Les assureurs nous l’ont proposé, mais nous n’avons pas été suffisamment convaincus de la réalité de l’investissement en actifs risqués, et nous avons considéré en outre que cela reviendrait à créer une niche fiscale objectivement favorable aux seuls contrats d’assurance vie les mieux garnis, qui ne représentent que 4 % des contrats si l’on raisonne en nombre et non en encours. Nous avons estimé que cela n’aurait pas été juste pour 96 % des détenteurs et nous n’avons donc pas retenu cette formule.

Oui, nous supprimons l’ISF-PME. Là aussi, il faut regarder attentivement les avantages et les inconvénients : nous le faisons tout simplement parce qu’un rapport de la Cour des comptes, datant de 2015 et très précis, montre que ce dispositif constitue une niche fiscale qui profite aux PME en ayant le moins besoin et permet à des intermédiaires de vivre grassement des commissions versées. Comme nous n’avons pas vocation à multiplier les niches fiscales, nous avons décidé de remettre en cause l’ISF-PME. Si d’autres solutions plus intéressantes peuvent être trouvées pour les PME, pourquoi pas, mais je crois que nous faisons déjà beaucoup pour elles dans notre politique fiscale, en particulier l’allégement de la fiscalité sur le capital.

L’IFI a une base claire, qui est l’immobilier de jouissance et non celui utilisé pour travailler. Un bon impôt est stable et simple. Je ne recommande pas de le complexifier en rajoutant une taxe sur les yachts, les voitures de luxe ou, pourquoi pas, les caves à vin et les bijoux : on aurait du mal à s’en sortir. En revanche, si l’on veut montrer que l’on n’accepte pas que la fiscalité soit trop légère sur certains biens de luxe et si l’on est prêt à la durcir sur la base de l’existant, pourquoi pas ? Je suis ouvert à ce débat. Il existe, par exemple, des droits de francisation sur les navires de plaisance, qui ne sont pas d’un montant très élevé. Si vous avez des propositions sur le sujet, ça ne me dérange pas. Il y a aussi un malus de 10 000 euros pour les véhicules rejetant plus de 190 grammes de CO2 dans l’atmosphère, les Ferrari, Bentley ou Porsche, et l’on peut parfaitement envisager de le renforcer : ça ne me dérange pas non plus. Il existe donc d’autres options ayant pour immenses mérites que la base fiscale existe déjà, que l’on évite de créer un risque fiscal et que cela envoie, en effet, un message clair sur la justice de nos choix.

M. le ministre de l’action et des comptes publics. Je commencerai par répondre aux questions posées par M. le président de la commission. La sincérité de ce budget, que vous avez saluée, est un motif de satisfaction pour nombre de parlementaires qui, durant des années, se sont efforcés d’identifier les sous-budgétisations, exerçant en cela leur mission de contrôle. Pour ma part, je veux également rendre hommage à l’ensemble des services du ministère des finances, en particulier la direction du budget, qui ont beaucoup travaillé sur cette question.

Le déficit de l’État augmente cette année, mais pour des raisons tout à fait avouables, que nous assumons pleinement.

La première de ces raisons est la « sincérisation » des comptes. Devoir faire aujourd’hui 4,5 milliards d’euros d’économies pour compenser les sous-budgétisations ayant eu lieu précédemment, cela ne passe évidemment pas inaperçu, mais nous voulions en finir avec les mauvaises habitudes. Pour ce qui est de la baisse de 10 milliards d’euros des impôts, c’est bien l’État qui consent cet effort. L’année prochaine, la sincérisation des comptes et la baisse des impôts vont se traduire par une augmentation du déficit pour l’État, mais par une diminution du déficit pour l’ensemble des administrations publiques – or, c’est le critère essentiel pour vous, parlementaires, mais aussi pour la Commission européenne. Il me semble d’ailleurs un peu paradoxal de vous entendre saluer la sincérisation du budget et souhaiter une baisse plus importante des impôts, mais sans faire de propositions d’économies.

Les dépenses de l’État augmentent de 0,5 % en volume cette année : nous nous écartons donc un peu de la norme « zéro volume ». Cependant, lutter contre la dépense publique n’a jamais été chose facile, comme le savent tous ceux qui s’y sont essayés, et il ne faut pas perdre de vue que nous faisons bien mieux que tout ce qui a été fait au cours des sept dernières années en réussissant à diminuer la dépense publique de 0,7 point de PIB, soit 16 milliards d’euros. Je me refuse à établir une comparaison tendancielle : c’est bien à la richesse de la production nationale que nous devons comparer la dépense publique, et non à des dépenses hypothétiques.

Vous avez évoqué une « petite rupture », ce qui ne me paraît pas correspondre à la politique ambitieuse de transformation du logement et du travail du Gouvernement. Nous avons fait le choix de ne pas recourir à l’habituelle politique du rabot, consistant à appliquer à tous les budgets des diminutions homothétiques, et pour ma part je suis très heureux d’être un ministre dont le budget est en baisse, car je pense que cela n’empêche pas d’être un bon ministre. La définition de priorités par le Gouvernement ne doit pas systématiquement se traduire par une augmentation du budget, et il est heureux qu’il n’en soit pas ainsi, car ce serait un jeu sans fin où les dépenses publiques ne seraient pas près de baisser !

Pour ce qui est des effectifs, je veux souligner que les 1 600 suppressions de postes équivalents temps plein correspondent à des suppressions nettes, c’est-à-dire au chiffre résultant de la compensation entre, d’une part, les 4 600 suppressions auxquelles il est procédé et, d’autre part, les augmentations d’effectifs qui avaient été promises par le Président de la République et la majorité parlementaire, notamment dans les secteurs de la justice, de la police et de la gendarmerie. En tout état de cause, on ne peut parler de simple « tendance à la baisse » quand on passe de la création de 14 000 postes en 2017 à une diminution de 1 600 postes en 2018 – et à vous entendre tenir ces propos, j’en viens presque à me demander si vous n’êtes pas en train de devenir un défenseur du bilan de François Hollande !

Je répète que la diminution d’effectifs pour 2018 ne résulte pas d’une opération arithmétique consistant à répartir sur cinq ans la diminution de 120 000 postes de fonctionnaires annoncée par la Président de la République : nous ne souhaitons pas supprimer un grand nombre d’emplois publics sans avoir préalablement engagé des discussions avec les organisations syndicales sur les effectifs, mais aussi sur la rémunération, la considération, la formation et l’accompagnement des fonctionnaires – des aspects qui, de notre point de vue, méritent tous d’être améliorés –, ainsi que sur leurs missions et leurs moyens, des points sur lesquels le Parlement aura également son mot à dire.

Personne ne peut nous accuser d’avoir été laxistes avec les agents publics. Il faut commencer par reconnaître qu’ils accomplissent un travail extrêmement important et que les différentes fonctions publiques constituent des environnements très différents les uns des autres. De même, les différentes catégories de fonctionnaires sont soumises à des conditions de travail très variables. Chacun connaît l’abnégation des agents de catégorie C, qui accomplissent souvent un travail très difficile tout en étant peu rémunérés et en bénéficiant d’un plus faible niveau de prévoyance que d’autres. Sans doute ne sommes-nous pas d’accord sur la politique à appliquer en matière de fonction publique mais, pour ma part, j’ai eu le courage de dire aux fonctionnaires, dès le début de ma prise de fonctions, que nous rétablissions le jour de carence et que nous n’augmentions pas le point d’indice.

J’en viens aux questions qui m’ont été posées par le rapporteur général, en commençant par celle portant sur les collectivités locales. Je constate que ni vous ni M. le président n’avez souligné que nous avions mis fin à la continuelle baisse de dotations des collectivités locales, qui constituait une très mauvaise façon de gérer les territoires, car elle ne correspondait pas à la relation normale, de nature contractuelle, qui doit exister entre l’État et les collectivités locales – ce dont tous les élus locaux se plaignaient depuis longtemps.

Nous avons choisi de mettre en place, non pas 2,5 milliards d’euros de baisses de dotations, mais 2,5 milliards d’euros de non-dépenses tendancielles, car nous considérons que chacun doit participer à la maîtrise de la dépense publique. Lorsque j’étais moi-même à la tête d’un exécutif municipal, je déplorais que, du fait des baisses de dotations et des charges supplémentaires, la réduction des dépenses publiques soit assumée par la commune plutôt que par l’État. Pour la première fois cette année, nous augmentons un peu les dotations au lieu de les diminuer, nous n’imposons pas de charges supplémentaires – nous avons même rétabli la dotation affectée à la délivrance de cartes d’identité sécurisées, « c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup »… – et nous avons choisi de laisser aux communes la liberté d’organisation en matière de rythmes scolaires, en préservant, pour les communes qui décideraient de maintenir les rythmes scolaires décidés par le précédent gouvernement, le fonds de soutien au développement des activités périscolaires.

Nous faisons le choix de la liberté pour les territoires et nous considérons que les 319 plus importantes collectivités, dont certaines vont disposer d’énormes ressources supplémentaires, puisque nous concrétisons l’attribution d’un point de TVA aux régions, votée dans le cadre de la précédente loi de finances – le sort des départements reste encore à régler, ce qui nécessitera d’engager une réflexion à ce sujet avec le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, et le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard –, ont les moyens de lutter contre le tendanciel. Par exemple, si une grosse collectivité a aujourd’hui des dépenses de fonctionnement à un niveau 100 et avait prévu de passer tendanciellement à 102,5, elle devra faire l’effort de se cantonner aux environs de 101,2 : c’est en procédant de cette manière que nous parviendrons à réaliser 2,6 milliards d’euros d’économies.

Nous aurons évidemment un grand débat sur la question des dotations, de la péréquation et des contrats avec les collectivités locales. Nous avons fait le pari de l’intelligence territoriale, qui suscite une grande attente parmi les élus locaux. Très courageusement, les petites villes de France ont noté ce changement de paradigme, qui constitue pour elles une grande transformation.

Au rapporteur général, qui considère que nous avons peut-être sous-estimé les recettes du tabac, je veux d’abord dire que le Gouvernement continue à soutenir la lutte contre le tabagisme engagée par les gouvernements précédents, en augmentant encore la fiscalité sur les produits du tabac. Les recettes ne sont peut-être pas aussi importantes que nous le souhaiterions, mais nous y voyons justement un effet sur la consommation de l’augmentation constante des prix du tabac depuis des années. À l’inverse de ce que vous avez fait, vous auriez pu considérer que nous avions prévu des recettes un peu trop importantes… en fait, l’estimation de 500 millions d’euros de recettes fiscales sur le tabac me paraît prudente et conforme aux objectifs que nous avons fixés en concertation avec la ministre de la santé. J’ajoute que nous avons engagé une réflexion avec les buralistes en vue d’un accompagnement de l’effort de diversification de leurs activités – je pense à celles liées à La Française des jeux, mais aussi à la détection des trafics illégaux de tabac, par exemple.

Pour ce qui est de la TVA, estimant anormal d’appliquer un taux de TVA réduit à la presse écrite sans en faire bénéficier également la presse en ligne, nous proposons d’appliquer le taux de TVA réduit sur la consommation de la presse, quel que soit son support. Il est très difficile d’évaluer précisément les conséquences budgétaires de cette mesure, qui est avant tout une mesure d’équité et de bon sens.

Enfin, nous avons fait le choix de ne pas diminuer les aides personnalisées au logement pour nos concitoyens en 2018, ce qui sera possible grâce à une disposition de la loi de finances qui consistera à demander aux bailleurs sociaux – puisque ce sont eux qui perçoivent les APL – de diminuer les loyers. Globalement, les nouvelles mesures fiscales relatives aux loyers ne feront aucun perdant et même quelques gagnants – mais nous aurons l’occasion d’en reparler dans le cadre du débat budgétaire.

Mme Amélie de Montchalin. Après des décennies où beaucoup a été dit, mais où finalement peu a été fait par rapport aux annonces et aux ambitions, certes louables, affichées par les ministres qui se sont succédé dans les fonctions qui sont maintenant les vôtres, vous nous présentez aujourd’hui, monsieur le ministre, un budget de rupture au service des Français, de leur avenir et de notre crédibilité.

La première rupture est celle d’un budget mettant fin à des années d’hypocrisie, durant lesquelles les responsables politiques ont, tout en parlant sans arrêt de « choc d’offre », laissé notre industrie perdre en compétitivité, nos très petites entreprises (TPE) et nos petites et moyennes entreprises (PME) s’enfoncer dans les difficultés, et nos entrepreneurs, nos agriculteurs, nos commerçants et nos indépendants faire face à une fiscalité qui les décourageait de faire croître leurs entreprises.

La deuxième rupture est avec ceux qui n’ont fait que brandir leur fibre sociale en étendard, sans avoir vraiment revalorisé le pouvoir d’achat et les conditions de vie matérielles des classes moyennes et des salariés, dont le travail et les efforts ne sont pas payés à leur juste valeur.

La troisième rupture, enfin, est une rupture de méthode sur les dépenses, puisque nous sortons de la logique comptable du rabot pour nous attaquer à tout ce qui est inefficace, à tous les domaines où les Français payent des impôts sans que cela serve concrètement à quelque chose. Il est étonnant de voir que ceux qui ont appelé de leurs vœux ce genre de réformes critiquent aujourd’hui notre décision de diminuer les dépenses consacrées au logement et aux contrats aidés, dont l’inefficacité dans la lutte contre le mal-logement et dans l’amélioration de l’insertion professionnelle est pourtant évidente.

Messieurs les ministres, quels sont selon vous, les principaux obstacles que nous devons vaincre ensemble pour que l’esprit de rupture et l’impulsion que vous donnez aujourd’hui puissent produire tous leurs effets pendant cinq ans au service de tous les Français, afin de créer plus d’emplois et de permettre enfin à la France de se transformer en profondeur ?

Mme Véronique Louwagie. Ce matin, le Haut Conseil des finances publiques a indiqué que les prévisions de croissance étaient réalistes, prudentes et raisonnables, et vous avez vous-même qualifié ces prévisions de « solides », monsieur Le Maire. Si nous pouvons effectivement nous réjouir de ces hypothèses de croissance, je voudrais préciser que le Haut Conseil n’a pas qualifié le budget de sincère : ce n’est qu’aux prévisions de croissance qu’il a appliqué ce qualificatif. Interrogé ce matin, son président nous a déclaré qu’il lui était impossible de se prononcer sur les dépenses, celles-ci n’étant pas suffisamment documentées. L’avis souligne même, en ce qui concerne les dépenses, des risques significatifs sur la réalisation des économies prévues dans le champ des administrations publiques – c’est dire que le Haut Conseil ne croit pas forcément aux hypothèses de dépenses. Pour ce qui est de la diminution de 2 % en valeur des dépenses des collectivités territoriales prévue pour 2018, censée résulter de la mise en place du nouveau dispositif de contractualisation entre l’État et certaines collectivités, le HCFP émet un doute sur les résultats attendus de cette mesure, puisqu’il parle de « pari sur le dispositif ».

Le déficit, en hausse de 14 milliards d’euros, soit 20 %, va atteindre 82,9 milliards d’euros en 2018 alors qu’il était de 69,1 milliards d’euros en 2016 : il n’avait pas atteint ce niveau depuis 2013, ce qui mérite d’être souligné. Vous aviez initialement pour ambition de réduire les dépenses de 20 milliards d’euros, mais vous avez renoncé à cet objectif dès le premier exercice et ne parlez plus désormais que d’une réduction de 16 milliards. Alors que la Cour des comptes avait critiqué, en 2017, le fait que l’effort de réduction des déficits repose essentiellement sur la sécurité sociale et sur les collectivités territoriales, nous constatons aujourd’hui que cette tendance se poursuit : sur les 16 milliards d’euros de réductions de dépenses, 5,5 milliards concernent la sécurité sociale et 2,8 milliards les collectivités territoriales, ce qui représente déjà 8,3 milliards d’euros et donne un peu le sentiment que l’État préfère imposer des efforts aux autres plutôt qu’à lui-même, ce qui est regrettable.

Certes, il est difficile de faire bouger les lignes quand on a un déficit de 70 milliards d’euros sur un budget de 300 milliards – où les charges d’intérêts et les contributions européennes tiennent une place non négligeable –, mais ce budget donne tout de même l’impression d’un certain saupoudrage. On fait un peu moins pour les retraités, pour les générations futures – en augmentant la dette – et pour les riches rentiers, et un peu plus pour les riches entrepreneurs et pour les travailleurs… Au total, il est difficile de considérer ce budget comme un budget de rupture, car on n’y trouve pas de réformes structurelles de l’État – par exemple celle qui consisterait en un recentrage de l’État sur ses principales missions –, ce qui fait que le solde structurel prévu pour 2020 reste négatif, tout comme le solde conjoncturel. En fait, seules deux diminutions des dépenses de l’État sont identifiées dans ce budget – les aides au logement pour 1,7 milliard et les contrats aidés pour 1,5 milliard –, et on se demande bien où sont les autres.

M. Mohamed Laqhila. Monsieur le ministre, depuis quarante-trois ans, la France aligne des exercices budgétaires déficitaires, le dernier exercice dans le vert remontant à 1974. Aujourd’hui, la situation n’est pas seulement préoccupante, elle est plus qu’alarmante : nos dépenses publiques sont les plus importantes de l’Union européenne, nous affichons l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés en Europe, ainsi qu’un endettement excessif.

Notre situation financière ne permet pas de résorber le déficit. La France est-elle donc condamnée à rester bloquée à un niveau excessif de déficit ? Personnellement, je ne pense pas que ce soit une fatalité, à condition que des décisions courageuses soient prises. C’est le cas de certaines de celles que vous présentez aujourd’hui, pour lesquelles vous avez parlé d’« audace ».

Parmi ces décisions, celle consistant à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune me paraît relever du bon sens, pour au moins trois raisons. D’abord, l’ISF dissuade les investisseurs des placements à risques dans les actions ; par ailleurs, il freine le développement des entreprises, qui n’ouvrent pas leur capital à des investisseurs extérieurs ; enfin, il encourage la fuite des talents hors de nos frontières.

Tout le monde dit depuis longtemps que l’ISF est un mauvais impôt, qui rapporte peu et coûte très cher à notre pays. Je vous dis donc bravo, monsieur le ministre, pour le courage politique dont vous faites preuve et que personne, ni à gauche ni à droite, n’avait eu avant vous. Cette mesure m’inspire deux questions. Premièrement, si vous redonnez une capacité d’investissement aux contribuables français en transformant l’ISF en IFI, êtes-vous certain qu’ils réinjecteront cet argent dans notre économie et, le cas échéant, avez-vous prévu des mesures d’incitation et quantifié les effets de cette mesure ? Deuxièmement, en orientant le nouvel impôt sur le patrimoine immobilier des ménages, ne craignez-vous pas un ralentissement du marché de la construction qui, conformément à l’adage « quand le bâtiment va, tout va », est l’un des secteurs les plus créateurs de richesses et d’emplois non délocalisables ?

M. Charles de Courson. Messieurs les ministres, le diagnostic que je porte sur votre projet est très simple. Je relève tout d’abord une sincérité fortement améliorée, mais inachevée – pour ce qui est de la défense, vous ne mettez que 200 millions d’euros sur les OPEX alors qu’il faudrait entre 600 et 650 millions d’euros ; de même, il faudrait prévoir quelques centaines de millions d’euros supplémentaires pour les contentieux communautaires. Cependant, vous allez dans le bon sens – ce qui nous change de ce qui s’est fait au cours des années précédentes –, notamment en vous fondant sur des hypothèses prudentes, comme l’a indiqué à juste titre le Haut Conseil des finances publiques.

Par ailleurs, vous réalisez des économies notables, mais également insuffisantes, et consistant aux trois quarts à baisser les prélèvements obligatoires, une mesure certes indispensable, mais qui se traduit par une réduction du déficit structurel limitée à 0,1 point, puisque l’on passe d’une prévision de 2,2 % du PIB en 2017 à 2,1 % en 2018.

J’ai trois questions à vous poser. Premièrement, tel Diogène, je cherche les 20 milliards d’euros d’économies promis dans le débat d’orientation budgétaire, où il était alors question de 10 milliards d’euros sur le budget de l’État, de 7 milliards d’euros sur la sécurité sociale et de 3 milliards d’euros sur les collectivités territoriales. Aujourd’hui, globalement, les dépenses publiques de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, qui devaient respecter la norme « zéro volume », augmentent de 0,5 %, après avoir augmenté de 0,8 % en 2017 – certes, il y a un progrès de 0,3 point, ce qui représente environ 7 milliards d’euros, mais il manque encore une dizaine de milliards d’euros.

S’agissant des collectivités territoriales, vous continuez à comptabiliser une espérance de 3 milliards d’euros de réductions que vous n’atteindrez jamais, puisque les contrats mis en œuvre à partir de 2018 ne produiront pas leurs effets avant 2019. Cela risque de poser un vrai problème car il va se trouver, parmi les 319 plus importantes collectivités locales, quelques-unes qui vont refuser de signer, ce qui va vous faire perdre deux ans. Comme je vous l’ai déjà dit, j’estime qu’il aurait fallu continuer la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à 2 % ou 3 %, et la moduler en fonction des performances, c’est-à-dire des efforts de réduction des dépenses accomplis – je précise que nos collègues de gauche ont fait bien pire en atteignant 9 %, mais indifférenciés.

En ce qui concerne la sécurité sociale, je veux souligner que nous assistons à une accélération des dépenses, puisque les chiffres que vous nous avez donnés font apparaître une augmentation de 2 % pour 2018, contre 1,9 % en 2017. Pouvez-vous nous donner le détail des économies effectives, c’est-à-dire des décisions prises qui auront pour effet de réaliser des économies – je pense notamment au rétablissement du jour de carence ? Pour ma part, je pense que nous nous situons aux alentours de 7 à 8 milliards d’euros d’économies réelles.

Deuxièmement, pour ce qui est de la transformation de l’ISF en IFI, pouvez-vous nous dire si, oui ou non, l’immobilier d’entreprise est inclus dans l’IFI, et à combien vous estimez le produit de cet impôt ? À ce sujet, on entend dire toutes sortes de choses : certains parlent de 2,2 milliards d’euros, d’autres de 900 millions d’euros seulement.

Troisièmement, pourriez-vous nous expliquer comment la flat tax va s’appliquer à l’assurance vie pour les encours supérieurs à 150 000 euros ? Est-ce uniquement sur les contrats futurs, ou également sur les contrats passés ?

Mme Valérie Rabault. Messieurs les ministres, vous avez parlé de sincérité en évoquant votre budget. Alors qu’au sein de la commission des finances, la sincérité passe par les chiffres, le document que vous nous avez remis est un peu décevant de ce point de vue, car il n’indique jamais le montant en milliards d’euros que représentent les différentes mesures composant le budget. À la page 42, on ne sait pas combien l’article 9, consacré à la fiscalité écologique, est censé rapporter en milliards d’euros – c’est-à-dire combien il va coûter aux contribuables, autrement dit aux ménages et aux entreprises qui en payent les deux tiers ; la même question se pose à la page 49 avec l’article 11, consacré à la taxation des plans d’épargne logement à compter du 1er janvier 2018 ; elle se pose encore à la page 75 avec l’article 13, portant sur la taxation des dividendes. Pourriez-vous nous indiquer les chiffres correspondants à ces trois articles ?

Par ailleurs, le ministère des finances utilise le logiciel MESANGE, qui permet, pour chaque nouvelle mesure fiscale mise en œuvre, de déterminer avec précision quel va être son impact sur la croissance économique et le nombre de créations d’emplois. Sachant que vous disposez des données fournies par ce logiciel, je souhaite que la sincérité dont vous vous prévalez vous conduise à faire connaître ces données à la commission des finances. À défaut, j’invite notre rapporteur général à réitérer la démarche que j’avais moi-même entreprise en 2014 – certains se souviennent peut-être qu’usant des pouvoirs qui m’étaient conférés par l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, j’avais fait une visite surprise à Bercy afin que ces données me soient communiquées.

Par ailleurs, vous avez évoqué la modification de la fiscalité des PME, votée sous le précédent quinquennat. À ce sujet, pouvez-vous nous confirmer que vous maintenez le taux réduit à 15 % pour les 38 120 premiers euros de résultat net des entreprises, ainsi que son extension à l’ensemble des PME, résultant d’un amendement voté par la commission des finances ainsi que par l’Assemblée elle-même ?

Pour ce qui est du petit « Livret du pouvoir d’achat » que vous nous avez remis, nous aurons certainement tous à cœur de le compléter, car si ce livret détaille les mesures qui créent du pouvoir d’achat, il ne fait nullement mention des mesures qui, à l’inverse, ont pour effet de l’amputer ! Ainsi, quand vous faites passer la taxe d’aménagement du territoire de 42 millions d’euros à 141,2 millions d’euros, vous vous gardez bien d’indiquer que le montant de cette taxe, qui se situe actuellement entre 2 000 et 3 000 euros à la charge de toute personne faisant construire une maison, va désormais être compris entre 5 000 et 6 000 euros – sur ce point, chacun pourra se reporter à la page 92 du projet de loi de finances.

Enfin, vous avez indiqué que vous souhaitiez compenser la hausse de la CSG pour les fonctionnaires. Est-ce à dire que cette compensation sera payée par les collectivités locales ?

M. Éric Coquerel. Il faut reconnaître une chose à M. Le Maire : il assume pleinement la politique qu’il veut mettre en place, reposant sur l’idée qu’il faut avantager les revenus du capital afin de favoriser l’investissement et l’emploi. Pour ma part, j’y vois plutôt une continuité – sur ce point, je suis en désaccord avec lui, et me rangerais plutôt du côté de M. Woerth –, puisque cette politique constitue une parfaite application du « théorème » du chancelier ouest-allemand Helmut Schmidt, qui expliquait, dans les années 1980, que « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». Or, si en France les profits ont bien été engrangés, on attend toujours les investissements – qui ont même diminué –, ainsi que les emplois – le chômage n’a pas cessé d’augmenter. Rien ne montre, même les dernières notes du FMI en 2015, que le fait d’avantager les revenus du capital favorise l’investissement productif si cette politique n’est pas assortie de conditions
– ce serait même plutôt l’inverse.

Notre deuxième point de désaccord est l’idée selon laquelle il faudrait forcément obéir à la règle d’or, et baisser les recettes et les dépenses de l’État – comme si les dépenses de l’État n’étaient pas aussi des recettes. Ce point m’inspire plusieurs réflexions et questions.

Sur la fiscalité, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) note que la fiscalité que vous proposez va avantager les 10 % des Français les plus riches, à hauteur de 2,6 milliards d’euros – une somme dont la moitié va profiter aux 1 % les plus riches. Pouvez-vous nous dire à quoi il sert d’avantager encore plus ceux qui, depuis trente ans, n’ont cessé de voir leurs revenus s’accroître ? Comment attendre une relance de la consommation en donnant toujours plus à ceux qui ont déjà largement assez ?

Vous annoncez que la flat tax va coûter environ 1,5 milliard d’euros, mais sans faire de perdants. Sur ce point, l’OFCE note que, si on ne veut pas faire de perdants, la mesure coûtera en réalité 4 milliards d’euros. Pouvez-vous donc nous préciser où sont les perdants éventuels de cette mesure avantageant surtout les gros épargnants et, dans l’hypothèse où il n’y aurait pas de perdants, si la mesure ne va pas coûter plus cher que prévu ?

En matière de pouvoir d’achat, je m’interroge sur des mesures qui vont avoir pour effet de pénaliser ceux que vous appelez « les retraités les plus aisés » – c’est-à-dire, en fait, ceux percevant plus de 1 200 à 1 350 euros par mois, soit à peine plus que le SMIC, ce qui montre à quel point votre appellation est surréaliste ! La même question se pose pour les fonctionnaires et tous ceux qui vont voir leur aide personnalisée au logement diminuer.

Le Premier ministre nous a parlé hier d’un plan d’investissement de 56,3 milliards d’euros, censé faire passer la pilule d’un budget d’austérité. Or, cette somme comprend 12 milliards d’euros de crédits redéployés, 11 milliards d’euros de mises à disposition par instruments financiers et 10 milliards d’euros provenant d’un plan d’investissement mis en place par le précédent gouvernement : on arrive donc en réalité à seulement 24 milliards d’euros d’argent frais, soit deux fois moins que ce qui avait été annoncé par le Président de la République lors de sa campagne. En outre, il s’agit de crédits dont nous ne savons pas comment ils seront réalisés – comme chacun le sait, les crédits annoncés ne sont pas toujours réalisés, et je pense que le Parlement devra exercer un contrôle vigilant sur ces crédits au cours du quinquennat.

Enfin, quand vous annoncez 16 milliards d’euros de baisses des dépenses, nous ne voyons pas l’intérêt dans la situation actuelle de baisser aussi drastiquement les crédits consacrés au logement – de 1,4 à 1,8 milliard d’euros –, à l’emploi, aux transports et à la santé. Le Premier ministre nous a assuré, hier, qu’on ne toucherait pas aux collectivités territoriales. En réalité, on voit bien que pour les 319 plus importantes, c’est bien un effort de 13 milliards d’euros, venant s’ajouter à ceux déjà accomplis au cours des années précédentes, qui va leur être réclamé, et qui n’est rien d’autre qu’une baisse des dotations des collectivités les plus importantes. Cela est d’autant plus préoccupant que vous avez expliqué, vendredi dernier, que les 319 collectivités territoriales avec lesquelles l’État va contractualiser – régions, départements, intercommunalités de plus de 150 000 habitants et communes de plus de 50 000 habitants – se verraient appliquer des mesures très contraignantes et très restrictives si elles ne respectaient pas la règle d’or en matière de déficit, ce qui constitue une forme de menace à leur encontre.

M. Fabien Roussel. Votre projet de budget, c’est « Au bonheur des riches » ! C’est un budget pour les riches, dicté par les riches, quand les Français sont appelés à se serrer la ceinture. Les entreprises et les plus fortunés vont bénéficier, au minimum, selon les chiffres que vous avancez, de plus de 9 milliards d’euros de cadeaux fiscaux : suppression de l’ISF pour les 340 000 familles les plus riches, baisse des taxes sur le capital et sur les dividendes, baisse de l’impôt sur les sociétés, suppression de la taxe sur la quatrième tranche des salaires. N’en jetez plus, ils vous disent merci !

Votre budget est soumis à l’Europe de Bruxelles et aux dispositions du traité de Maastricht depuis vingt-cinq ans. Ce sont 9 milliards d’euros de cadeaux aux plus riches, mais également 16 milliards d’euros d’économies imposées aux Français, qu’ils soient salariés, jeunes, retraités ou collectivités. Vous faites ces économies sur le dos des missions de l’État : l’emploi, le logement, les transports. Quoi que vous puissiez dire, votre politique va se traduire par la baisse des aides au logement et par la suppression de près de 200 000 contrats aidés. C’est le plus grand plan social jamais réalisé dans notre pays et vous en êtes responsables ! Au lieu de supprimer ces emplois, transformez-les en contrats à durée indéterminée (CDI) ! Sortez-les de la précarité !

Ces économies signifient par ailleurs la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires sur cinq ans et le gel de leur salaire. Avec tout cela, la courbe du chômage ne risque pas de se redresser…

Les économies sont réalisées sur le dos de nos aînés, qui, pour plusieurs millions d’entre eux, supporteront une hausse brutale de la CSG. Cela représente 375 euros en moins par ménage.

Les économies réalisées sur notre système de santé et nos hôpitaux publics sont tout aussi dangereuses.

Enfin, vous baissez les budgets de nos collectivités. La suppression de la taxe d’habitation représente une mise sous tutelle de nos communes et leur mort programmée.

Monsieur le ministre, si vous cherchez des moyens, de l’argent, vous le savez, nous avons des propositions et nous en ferons au cours de ce débat budgétaire. Si votre budget, ce sont « les riches d’abord », pour nous, c’est « l’humain d’abord ». Pourquoi n’avez-vous pas fait le choix d’investir fortement dans la lutte contre l’évasion fiscale, qui coûte 60 à 80 milliards d’euros au budget de la Nation ? Il est temps de faire sauter le verrou de Bercy et de condamner avec la plus grande fermeté ceux qui trichent et qui volent quand les Français, eux, doivent se serrer la ceinture. Au lieu de supprimer des emplois dans les services des impôts ou des douanes comme vous le prévoyez, embauchez ! Cela rapporte sept fois plus que cela ne coûte.

Nous vous proposerons bien sûr de maintenir et d’augmenter l’ISF ainsi que le nombre de tranches d’impôt sur le revenu. Pourquoi ne pas avoir conditionné le versement des aides publiques aux entreprises – telles que le CICE et le crédit d’impôt recherche (CIR) – à des créations d’emplois ou à des investissements en France ? La situation d’Alstom ou de STX s’apparente à une grande braderie. Ce sont nos bijoux de famille qui passent sous pavillon étranger ! Pour conclure, nous vous proposerons de taxer plus fortement les revenus financiers, ceux du capital, pour inciter les actionnaires à investir et à produire en France plutôt qu’à spéculer.

M. le ministre de l’économie et des finances. Madame de Montchalin, vous m’interrogez sur les obstacles que nous rencontrons. Nous venons de les entendre… C’est le conservatisme idéologique, l’incapacité à imaginer quelque chose de neuf pour notre pays, ce sont toujours ces mêmes mots, ces mêmes idées, et, dans le fond, toujours les mêmes propositions : dépenser l’argent que l’on n’a pas pour finir par appauvrir le pays. Voilà ce qui empêche la France de réussir depuis des années ! C’est tellement facile d’avoir la main sur le cœur et rien dans le portefeuille. Cela s’appelle le socialisme. Ce n’est pas ce que nous voulons pour notre pays. Nous proposons autre chose.

Pour répondre à M. Coquerel : effectivement, assumons nos divergences. Je vous laisse bien volontiers soutenir Éric Woerth. Je préfère que nous soyons en opposition démocratique. Nous pensons que l’on n’a jamais essayé de favoriser l’investissement, l’innovation, la création d’entreprise et de richesse dans notre pays. Il vaut mieux créer des richesses avant de redistribuer. Vous avez cité Helmut Schmidt. J’affirme que son théorème a fonctionné. L’Allemagne a créé des emplois. Les choix faits par ce pays il y a quelques années – même si ce n’est pas notre modèle – lui ont permis de devenir la première puissance économique en Europe, alors que la France a été reléguée.

Nous ne poursuivrons pas dans la voie de l’appauvrissement de notre pays et de sa relégation à cause de vieilles lunes qui ne marchent pas. Nous ne poursuivrons pas dans la voie de l’alourdissement des déficits et nous ne laisserons pas à nos enfants une dette qui, demain, quand les taux d’intérêt auront remonté, sera insupportable. L’argent que vous réclamez pour les plus modestes, les écoles, les universités, la santé, les hôpitaux, les infirmières partira en fumée lorsque l’augmentation des taux d’intérêt rendra impossible le remboursement de la dette.

Je vous le dis avec beaucoup de conviction, monsieur Coquerel, car vous n’avez pas le monopole du cœur dans cette commission ! Vous n’avez pas le monopole de l’humain ! Il n’y a pas d’un côté d’affreux technocrates qui, sans âme et sans cœur, essaient de gérer correctement le budget de la France, et, de l’autre, des Insoumis qui seraient les seuls à avoir une sensibilité et une attention aux plus faibles. Je conteste formellement votre analyse.

STX, Alstom : là encore, la ligne de partage est bien là, entre ceux qui pensent que notre industrie pourra s’en sortir seule face à la Chine ou aux États-Unis, et ceux qui croient qu’il vaut mieux regrouper les forces européennes pour constituer, comme nous avons su le faire avec Airbus, des géants industriels dotés des meilleures capacités des grandes nations européennes, en préservant l’emploi et les sites industriels.

Je suis heureux de voir que le maire de Belfort, M. Damien Meslot, a salué ce matin l’accord entre Alstom et Siemens. Il est davantage concerné que vous par Alstom, l’emploi et le site industriel ! C’est peut-être la preuve que cet accord est un bon accord pour l’industrie française, l’industrie européenne et l’emploi.

Madame Louwagie, vous avez raison, le Haut Conseil des finances publiques a salué la sincérité du budget, et pas uniquement la sincérité des prévisions du Gouvernement. Il a indiqué que la croissance potentielle était plus forte que l’hypothèse retenue. Il note également que l’écart de production, élément décisif de la construction du budget, est plus réaliste, à 1,5 point de PIB au lieu de 3,1. Les recettes lui semblent estimées de manière moins optimiste, avec une élasticité de 1, contre 1,3 en 2017. Il estime aussi que la budgétisation de certains postes habituellement litigieux – je pense en particulier au sujet, naturellement très sensible, des contrats aidés – est sincère et correcte.

J’insiste sur ces points : on peut contester les choix politiques d’un budget, avec toute la vivacité nécessaire. C’est ce qui fait la richesse du débat. Mais, si on le fait sur la base de prévisions honnêtes, cela facilite grandement le débat.

Monsieur Laqhila, j’ai bon espoir que nous sortions l’an prochain de la procédure pour déficit excessif et que nous mettions fin à une décennie durant laquelle la France a été incapable de remplir ses engagements européens. Ce moment sera une libération pour notre pays, tant vis-à-vis de ses partenaires européens et des investisseurs que vis-à-vis des générations futures. Nous n’avons pas à mettre sur le dos de ces dernières nos erreurs passées ou présentes.

Pour répondre à votre question concernant l’IFI, je rappelle que rien ne change : le niveau des taux, la base, l’abattement pour la résidence principale seront maintenus à leur niveau actuel.

Monsieur de Courson, j’ai déjà répondu concernant le déficit structurel. Nous estimons que les réformes structurelles engagées aboutiront à un déficit structurel effectivement légèrement inférieur à ce que la Commission européenne aurait pu nous demander à la base. J’ai engagé des discussions avec cette dernière, afin d’expliquer nos hypothèses et notre choix prudent, de 0,1 plutôt que de 0,2. Nous verrons quelles seront les conclusions de la Commission, mais il me semble que nous avons réussi à les convaincre. Au minimum, nous devions atteindre l’écart entre 0,6 et 0,5, soit 0,1, ce qui correspond exactement à ce que nous faisons. Nous verrons ensuite en 2019. Aurions-nous pu faire plus ? Peut-être. J’estime que notre choix est raisonnable au regard des réformes de structure engagées depuis plusieurs mois.

Le PFU sur les contrats d’assurance vie s’appliquera pour tous les versements postérieurs à aujourd’hui, 27 septembre 2017, date du Conseil des ministres. En cas de rachat effectué à compter de 2018, le PFU s’appliquera aux produits, à hauteur de la fraction d’encours supérieure à 150 000 euros. Je rappelle qu’il s’agit de la limite fixée par Emmanuel Macron lorsqu’il était candidat à la Présidence de la République. L’engagement est donc rigoureusement respecté.

Madame Rabault, vous m’interrogez sur l’impact de nos décisions. Je ne fais pas du Modèle économétrique de simulation et d’analyse générale de l’économie, dit « MESANGE », l’alpha et l’oméga de l’évaluation des politiques publiques, mais je suis prêt à ce que nous mettions en place les moyens d’une analyse et d’une évaluation objectives des choix fiscaux de rupture que nous avons effectués – PFU, baisse de l’impôt sur les sociétés, suppression de la part mobilière de l’ISF –, et de leurs résultats en termes de croissance et d’emploi. Les Français ont besoin de transparence. Ils ont besoin de savoir quelle est l’efficacité de ces politiques, d’autant plus que nous faisons un choix politique majeur.

Je vous confirme le maintien du taux d’impôt sur les sociétés de 15 % pour les PME, sur la fraction de leurs bénéfices n’excédant pas 38 120 euros nets. Ce maintien est fondamental pour les PME et les TPE. En revanche, le régime ne sera pas étendu.

Je pense avoir répondu suffisamment clairement à M. Coquerel.

M. Éric Coquerel. Vous n’avez répondu à aucune de mes questions !

M. le ministre de l’économie et des finances. Je voudrais simplement apporter un éclairage plus concret sur certains points. Nous allons augmenter l’AAH de 100 euros par mois, en deux temps. Nous allons baisser massivement la taxe d’habitation pour les plus modestes. La prime d’activité augmentera de 80 euros par mois d’ici la fin du quinquennat. Le minimum vieillesse va aussi augmenter. Dans le grand plan d’investissement que vous évoquez, 15 milliards d’euros sont consacrés à la formation de tous ces jeunes qui n’ont ni emploi, ni qualification, et qui n’arrivent pas à trouver leur place dans la société française. J’estime que ces mesures, inscrites dans le budget et dans le projet de loi de programmation des finances publiques, sont justes et qu’elles répondent aux attentes des plus faibles.

Je conteste totalement l’idée qui pointe dans l’éditorial récent d’un grand journal du soir. Cela ne correspond pas à la réalité de ce que nous faisons. Les derniers déciles de revenus de la population française verront leur situation s’améliorer grâce à nos décisions. Par ailleurs, je pense que la politique de relance de l’activité, de développement de la croissance, de soutien aux entrepreneurs et de libération des énergies économiques de ce pays sera la réponse au chômage de masse en France.

M. le ministre de l’action et des comptes publics. Madame Louwagie, vous nous avez interpellés en indiquant que seul le taux de croissance était sincère. Je vous renvoie à la première page de l’avis du Haut Conseil des finances publiques : il note qu’« un effort visant à une budgétisation plus réaliste a été effectué sur le budget de l’État ». Cela va donc plus loin. Je le prends comme un encouragement à la sincérité, mais également un encouragement aux rapporteurs, afin qu’ils vérifient un certain nombre de points…

Monsieur de Courson, vous évoquez les apurements communautaires : tous, en tout cas tous ceux que nous connaissons et qui représentent potentiellement 300 millions d’euros de dérives par rapport à l’an passé, ont été budgétisés, même si des risques ou des événements exceptionnels peuvent toujours consommer de nouveaux crédits. Tout ce qui était dans les cartons du ministère de l’agriculture est intégré au budget présenté aujourd’hui, y compris les contentieux. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors du débat sur le budget de l’agriculture, qui a connu une grande dérive au cours de ces dernières années, de l’ordre – de mémoire – de 7 milliards d’euros. Ce point a été soulevé par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui faisait le bilan du dernier quinquennat.

En revanche, je suis moins d’accord avec Mme Louwagie. On peut réfléchir sur le déficit de l’État. Nous avons exposé pourquoi ce déficit était malheureusement en progression : nous « sincérisons » ce budget – on ne peut nous accuser et nous féliciter dans une même phrase pour notre vertu ! – tout en proposant des baisses d’impôt. Je comprends que, pour certains d’entre vous, ces baisses ne sont encore pas suffisantes.

Je vous rappelle que seul le déficit toutes administrations publiques confondues compte. Nous en reparlerons à l’occasion du PLFSS. Il y avait peut-être, par le passé, des relations particulières entre la Sécurité sociale et l’État. Désormais, il faut que chacun paie ce qu’il doit payer. Ainsi, nous serons sincères et pourrons discuter et contrôler les budgets. Il est surtout important que la trajectoire du déficit soit rigoureusement tenue.

Beaucoup nous ont reprochés d’avoir pris des mesures de régulation cet été. Or, désormais, tout le monde trouve formidable que l’on soit potentiellement à 2,9 % de déficit en janvier ou février 2018. Il a fallu passer un été tumultueux pour passer un automne plus sympathique !

Si je comprends bien, si le professeur de Courson était amené à noter notre copie, il indiquerait « bien, mais peut mieux faire ». Je prends cela comme un encouragement. J’invite l’homme d’expérience qu’est M. de Courson à ne pas confondre le taux d’évolution des dépenses publiques et la part des dépenses publiques dans le PIB. Nous l’avons dit dès la construction de ce budget, nous souhaitons comparer la part des dépenses publiques dans le PIB. Pour la première fois depuis plus de quinze ans, elle baisse de 0,7 point, soit 16 milliards d’euros, mais tout dépendra de la richesse produite l’année prochaine. Cette comparaison me paraît plus sérieuse, plus efficace, et sans doute plus indiscutable que les tendanciels sur lesquels nous passerions beaucoup de temps à discuter. Il ne manque pas 10 milliards d’euros. Il manque éventuellement 4 milliards d’euros par rapport aux 20 milliards d’euros que vous imaginez. Avec un taux croissance de 1,7 %, voire un peu plus l’année prochaine, ce sera évidemment une dépense publique rapportée au PIB moins importante. Nous baissons la dépense publique et nous le faisons pas par rapport à une tendance dont l’évolution peut être discutée par tous.

J’entends les mots du président Woerth et ceux de Mme Louwagie et de M. de Courson : nous n’en ferions pas assez ? Attention à ne pas mourir en bonne santé non plus ! Il s’agit de la plus importante économie de dépenses publiques réalisée depuis une quinzaine d’années. Nous stabilisons la dette – ce n’était pas arrivé depuis 2006. Nous réalisons des réformes structurelles dans les secteurs du travail et du logement – qui ne seraient finalement qu’anecdotiques ? Je constate une différence entre ce que l’on entend ici et dans l’hémicycle. Je comprends que, désormais, une partie de l’opposition souhaite que nous rétablissions la baisse des dotations. J’attends avec intérêt l’amendement parlementaire ! Il est dommage que vous n’ayez pas énoncé cette idée avant les élections sénatoriales, cela aurait été plus clair pour les grands électeurs… Je ne voudrais pas causer de discorde. Je trouve simplement dommage que les débats en commission des finances se déroulent après les élections sénatoriales…

Pour notre part, nous avons toujours porté le même discours politique, qui consiste à croire dans les territoires. Je sais que vous y croyez également tous puisque vous êtes issus de ces territoires. Maintenant, si chacun est déresponsabilisé et augmente la dépense publique, alors, viendra le moment où, devant la commission des finances – je regarde le rapporteur spécial –, nous poserons la question des dotations aux collectivités. Mais prenons le pari de l’intelligence et considérons que chacun peut maîtriser la dépense publique. Tous les élus locaux espèrent la diminuer. Nous voulons encourager l’investissement local. C’est pourquoi nous proposons des mécanismes de « bonus » et de « malus », comme je les appelle. Les bonus en investissement seront versés à ceux qui réussiront à contractualiser.

Madame Rabault, je tiens à vous rassurer. J’espère que nous ne rejouerons pas Pierre et le Loup, à force d’annoncer un certain nombre de mauvaises nouvelles. Je suis prêt à débattre de notre « Livret du pouvoir d’achat » et suis heureux que notre discussion politique se focalise sur ce document que nous vous avons fourni. Cela signifie que la bataille est déjà en partie gagnée.

Il n’y a pas de taxe d’aménagement du territoire qui serait un impôt déguisé ou qui n’aurait pas été présentée comme telle. Nous allons simplement baisser la taxe sur les recettes des trains à grande vitesse (TGV) par décret. Nous allons financer les trains d’équilibre du territoire (TET) sur les fonds de l’Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF), via une taxe sur les sociétés d’autoroutes. Les usagers ne sont donc pas concernés ! Je ne vois pas en quoi M. Michu, qui touche le SMIC, est concerné par la taxe TGV, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

Nous aurons également l’occasion d’en débattre, mais je vous indique que l’État compensera intégralement l’augmentation de la CSG pour la fonction publique territoriale, comme c’est le cas pour la fonction publique hospitalière. C’en est fini des transferts de charges. Nous voulons entretenir un rapport de confiance avec les collectivités locales. Le montant de la compensation est de 3 milliards d’euros, toutes fonctions publiques confondues.

Monsieur Coquerel, la taxe d’habitation est injuste. Une personne touchant le même revenu paie davantage si elle habite un logement social dans ma commune, Tourcoing, que ce qu’elle paierait à Neuilly-sur-Seine, pour prendre deux exemples extrêmes. Vous ne pouvez pas trouver cela juste, ce serait assez incohérent avec votre discours politique… Je crois qu’il est temps de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens – la suppression sera réalisée par dégrèvement, les collectivités locales sont ainsi rassurées – et de réfléchir ensemble – si le président de la commission des finances souhaite se saisir de ce sujet tout à fait passionnant – au renouveau de la fiscalité locale. Posons-nous la question suivante : la taxe d’habitation et la taxe foncière permettent-elles aujourd’hui aux collectivités de disposer de bonnes ressources ? Le Président de la République a fait un certain nombre de propositions sur ce sujet.

Monsieur Roussel, je vous remercie. Même si nous ne sommes pas d’accord et même si, dans votre circonscription, que je connais bien, il n’y a pas de collectivité concernée par le contrat, vous avez fait des propositions. Ce ne sont pas les nôtres, elles sont parfois irréalistes, mais je constate que, parmi les membres de l’opposition, M. Roussel est le seul à avoir indiqué où il comptait trouver de l’argent. J’attends donc le prochain budget et la discussion parlementaire pour connaître les nombreuses propositions d’économies qu’il ne manquera pas de nous faire.

Mme Stella Dupont. Messieurs les ministres, je vous remercie pour cette présentation. Je regrette l’esprit politicien qui anime certains de nos collègues au sein de cette commission. La France ne va pas bien – dette, déficit, chômage massif – même si les signes de la reprise sont là. Les responsabilités de cette situation dégradée sont plurielles. Nous savons tous ici que, sans rigueur et sans transformation profonde, tout risque de nous sauter à la figure au premier frémissement à la hausse des taux d’intérêt. L’exercice entrepris par notre majorité, afin de trouver le juste équilibre entre effort et justice, tout en sortant enfin de la zone rouge d’un déficit dépassant les 3 % du PIB, est exigeant. Vos appels respectifs à laver « plus blanc que blanc » au regard des critères européens, parallèles à vos critiques concernant nos décisions de baisse de dépenses, alors que vous n’en proposez pas d’autres, laissent perplexe… Je vous invite tous à la cohérence et à l’humilité.

Ma question concerne les mesures envisagées pour redonner du pouvoir d’achat aux citoyens les plus fragiles, notamment par la revalorisation de l’AAH et de la prime d’activité. Vous nous avez rappelé brièvement le calendrier, je vous en remercie. Pourriez-vous nous indiquer où en sont les discussions sur la mise en place du versement social unique, sujet important ?

M. Marc Le Fur. Je me réjouis que vous transformiez le CICE en baisse de charges. C’est une bonne chose. Nous pouvons parfaitement comprendre que cela ne se fasse pas en 2018, mais en 2019. Je me réjouis également que vous ayez insisté sur le fait que cette baisse de charges devra surtout bénéficier aux salaires les plus modestes. C’est effectivement pour ces salaires que la décision d’embauche est conditionnée au coût de l’emploi.

J’entends bien vos arguments sur les déficits et leur caractère structurel ou non structurel. Mais, tout de même, l’an prochain, le déficit sera bel et bien de 82,9 milliards d’euros ! C’est 13,6 milliards de plus que le solde indiqué dans le projet de loi de finances pour 2017, soit une augmentation du déficit de l’ordre de 20 %. Objectivement, le déficit augmente donc sensiblement…

Je suis très inquiet de votre attitude à l’égard du logement et du vocabulaire que vous utilisez. Le Président de la République a ainsi parlé de « rente », terme perçu comme négatif. Monsieur le ministre, vous évoquez un « investissement de jouissance ». Je ne suis pas d’accord. Ce sont tout simplement des investissements, qui génèrent de l’activité et de l’emploi. Ils présentent par ailleurs un autre intérêt majeur : ils ne sont pas créateurs de déficit car ils font appel à de la main d’œuvre et des matériaux français. Nous prenons un grand risque en pénalisant ainsi le logement, en particulier si, comme vous l’avez prévu, le prêt à taux zéro disparait sur 95 % du territoire.

Enfin, je tiens à insister sur l’augmentation du prix du gazole : c’est une baisse de pouvoir d’achat de 3,7 milliards d’euros pour nos compatriotes. Monsieur le ministre, vous indiquez que cela ne concerne que 50 % des véhicules. Mais vous raisonnez sur le flux ! En termes de stock, 75 % des véhicules sont concernés. Or les conducteurs qui utilisent le plus leur véhicule, ceux, donc, qui consomment le plus car leur domicile est loin de leur travail, sont massivement au gazole… Je vous invite à la plus grande prudence sur ce sujet.

M. Jean-Noël Barrot. Avec mes collègues de la majorité, je veux me féliciter d’un budget qui tient à réconcilier justice et efficacité et qui s’attaque en particulier, enfin, à des politiques dont on savait depuis longtemps qu’elles étaient inefficaces, comme la politique du logement. Sur le marché du travail, sur le marché des capitaux, vous voulez susciter, messieurs les ministres, un choc de confiance et vous faites le pari que les politiques portées par le Gouvernement produiront des effets sur la durée du quinquennat, pour sortir la France de l’ornière et faire reculer le chômage.

Ce pari, les Françaises et les Français sont prêts à le faire avec vous, avec nous. Ils le feront d’autant plus volontiers que nous aurons l’humilité d’évaluer nos réformes et d’en tirer les conséquences. Les mesures d’attractivité de la place financière de Paris produiront-elles leurs effets ? L’allégement de la fiscalité de l’épargne conduira-t-elle à une réorientation de l’épargne des Français vers les entreprises françaises ?

Bien sûr, l’Assemblée nationale et cette commission joueront leur rôle d’évaluation et de contrôle. Mais comment le Gouvernement fera-t-il le bilan de la politique de transformation dont vous nous présentez la traduction budgétaire aujourd’hui ?

M. Olivier Gaillard. Ma question concerne les allocations de solidarité que sont le revenu de solidarité active (RSA), la prestation de compensation du handicap (PCH) et l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le financement de ces allocations n’est pas compensé par l’État depuis de nombreuses années. De ce fait, elles pèsent sur les finances locales et contribuent au déséquilibre financier de nombreux départements, surtout ceux qui cumulent forts besoins sociaux et pression démographique, alors même que les dotations ont longtemps été en baisse. Il faut donc saluer cette année la stabilité des dotations. Où en est, cependant, la réflexion sur la mise en place d’un fonds national de péréquation horizontale ? Qu’en est-il du fond d’urgence pour les départements en 2018 ?

M. Philippe Vigier. Je tiens à souligner la sincérité de ce budget, comme cela a été fait à plusieurs reprises. C’est nouveau : nous étions habitués à avoir des budgets sincères dans les collectivités tandis que l’État prenait beaucoup de libertés. J’ai néanmoins plusieurs questions à poser.

S’agissant de l’IFI, confirmez-vous que l’immobilier d’entreprise en sera exclu ? Il faut être tout à fait clair.

Comment la compensation de la CSG sera-t-elle assurée pour les fonctionnaires territoriaux ? Les communes devront-elles apporter des indemnités complémentaires, et que se passera-t-il pour les agriculteurs ?

J’ai bien entendu M. Darmanin nous expliquer que les dépenses des collectivités seraient réduites de 3 milliards l’an prochain, mais il aurait fallu mettre en place le bonus-malus dès cette année. L’année 2018 sera neutralisée, et je ne vois pas comment vous arriverez à ces 3 milliards d’économies.

Monsieur Le Maire, le commissaire aux participations de l’État nous a expliqué que les 10 milliards d’euros pour l’innovation s’élevaient en fait à 500 millions. Il y a un fossé entre ces deux chiffres : quelle sera la somme investie pour transformer l’économie française ?

Enfin, M. Darmanin nous suggérait de faire des propositions pour réduire les dépenses, j’en ai une à lui faire. Ce budget prévoit 1 276 équivalents temps plein (ETP) de moins dans la fonction publique. Comme vous avez prévu 100 000 à 120 000 ETP en moins sur le quinquennat, il fallait diminuer dès cette année. Une réforme des fonctions publiques est-elle prévue de manière à avoir moins de fonctionnaires, mieux payés, et moins de dépenses publiques ?

M. le ministre de l’économie et des finances. Monsieur Le Fur, la question du gazole est dans notre ligne de mire. Sans répéter les éléments de soutien que nous avons apportés, je rappelle juste que nous avons mis en place une prime pour un changement de véhicule. Nous avons parfaitement conscience que la proportion de 50 % de véhicules diesel ne concerne que les véhicules neufs : c’est pourquoi cette prime va permettre aux Français de changer plus facilement leurs véhicules anciens, qui sont en général ceux qui rejettent le plus de particules dans l’atmosphère.

Je souhaite répondre précisément à la question sur l’IFI et l’immobilier d’entreprise. L’assiette sera composée du patrimoine immobilier net détenu directement ou indirectement, gardé en jouissance ou loué à des tiers. En revanche, les biens immobiliers qu’un redevable affecte à son activité économique, ou qu’une entreprise affecte à son activité économique, sont hors de l’assiette. Enfin, ceux qui ont souscrit à des foncières immobilières et qui souhaiteraient s’exonérer de l’IFI par ce biais ne pourront pas le faire, car cela n’entre pas dans le cadre d’une utilisation professionnelle ni de la création de richesse. Ce dispositif nous paraît juste et efficace.

S’agissant du fonds pour l’innovation de rupture, il sera doté de 10 milliards d’euros, issus de cessions d’actifs de l’État, et c’est le rendement de ce fonds, de l’ordre de 200 à 300 millions d’euros, qui financera de manière régulière l’innovation de rupture. Le double intérêt est que ce fonds permettra de financer l’innovation que les entreprises ne peuvent pas financer, et qu’il s’agira d’une ressource pérenne, ce qui est essentiel pour l’innovation de rupture.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Le projet de loi de finances est l’un des instruments qui va nous permettre d’améliorer l’attractivité financière de la place parisienne. Ce n’est pas le seul. Des éléments importants au regard des enjeux liés à l’attractivité financière de la place de Paris ont été apportés dans le cadre des ordonnances réformant le marché du travail. Dans le document que nous vous présentons se trouvent des éléments sur lesquels Bruno Le Maire et moi avions été interrogés avant la pause estivale par les banques, les fonds, les acteurs et les opérateurs de marché, sur le cadencement, l’ampleur de la baisse de la pression fiscale et l’ampleur des réformes.

La baisse graduelle de l’impôt sur les sociétés à 25 %, la mise en place de la flat tax de 30 %, la modification de l’ISF et sa transformation en IFI, ou encore les modifications qui réduisent le coût du travail telles que le basculement du CICE sur des allégements de charges pérennes ou la suppression de la quatrième tranche de la taxe sur les salaires, qui passe de 20 % à 13,5 %, constituent un ensemble d’éléments sur lesquels nous étions attendus par la communauté financière dans la stratégie de relocalisation.

Cette stratégie de relocalisation n’intervient pas uniquement parce que le Brexit se profile en mars 2019. Le projet qui a été construit par le candidat Macron et que le Gouvernement met en œuvre ne repose pas sur un facteur exogène – la sortie de l’Union d’un de ses membres principaux –, mais sur une transformation bien plus importante. Avec le travail, qui a fait l’objet de longs débats, le capital, qui fait l’objet de ce texte, et demain la question de la formation professionnelle, nous aurons finalement modifié les trois facteurs de la croissance économique. Si nous arrivons à avancer suffisamment rapidement sur ces trois fronts, c’est l’alchimie de ces trois facteurs qui permettra d’assurer une meilleure attractivité de la place de Paris.

Quelques annonces ont déjà eu lieu : HSBC a annoncé la relocalisation d’environ un millier d’emplois, l’assureur américain Chubb a annoncé qu’il installait son siège européen à Paris, et je suis certain que nous verrons des relocalisations dans les semaines et les mois à venir, parce que nous aurons fait ces réformes, et aussi, je tiens à le souligner, parce que l’ensemble des acteurs de la place reconnaît la qualité du système de régulation français.

M. le ministre de l’action et des comptes publics. Sur la question de l’allocation unique, nous sommes au début d’un énorme chantier. Nous allons déjà essayer de « contemporanéiser » les allocations, c’est le cas pour le logement en 2019 suite à l’annonce de Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Actuellement, les allocations logement sont données de manière différée. Nous parlerons de ce chantier de l’allocation unique dans le cadre du PLFSS, mais nous sommes au début d’un travail administratif et numérique très important pour y arriver.

Sur la CSG, monsieur Vigier, j’ai effectivement dit que l’État allait la compenser pour la fonction publique territoriale, pour tous les employeurs. Nous allons ouvrir un certain nombre de négociations avec les syndicats de la fonction publique. Parmi les idées avancées, il y a celle de supprimer certaines cotisations salariales, comme le 0,9 % auquel sont assujettis les fonctionnaires des catégories A et B et le 0,75 % dû par les contractuels, ainsi que les cotisations employeur, avec une règle permettant aux collectivités de verser la compensation en sachant que l’État la remboursera. Nous en reparlerons lors du débat budgétaire.

S’agissant des collectivités locales, je suis intéressé par la discussion autour de la mise en place dès cette année du bonus-malus. Nous n’avons pas fait ce choix, mais le Parlement est souverain. Nous considérons que si nous devions appliquer le malus dans l’année, il faudrait constater les comptes et avoir une discussion extrêmement fine ; or l’administration française a un peu de mal à savoir au mois de septembre ou d’octobre si les élus ont fait évoluer la dépense publique. Cela dépend des projets et de beaucoup d’autres facteurs. Par ailleurs, si l’on met en place le malus, cela se fait soit en retenant une partie de la DGF, soit en ne compensant pas fiscalement ce à quoi les collectivités ont droit au nom des exonérations, deux sujets de grand énervement pour les élus.

Nous avons plutôt fait le pari de l’intelligence, mais si le rapporteur général, un rapporteur spécial ou vous-même présentiez des amendements pour mettre en place ce malus dès cette année, ce serait de votre responsabilité, et le Gouvernement s’en remettrait à la sagesse du Parlement pour saluer ce courage politique qui vous honore, mais qui n’a pas été retenu avant les élections sénatoriales…

Nous souhaitons ouvrir ce débat sur le bonus en investissement et le malus en dotation en 2019. Nous faisons donc effectivement un pari avec les collectivités territoriales. Il est difficile de dire qu’il ne faut pas baisser les dotations et faire confiance aux élus et de nous reprocher de le faire.

Enfin, pour les agriculteurs, nous en parlerons lors du PLFSS, mais l’idée est qu’ils reviennent dans un régime d’indépendants. Des exonérations non pérennes étaient prévues ; nous y reviendrons et je m’engage à apporter toutes les précisions avec le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Philippe Chassaing. Je souhaite intervenir au sujet de l’innovation technologique. Je pense à titre personnel que la politique économique ne se résume pas à la question des emplois aidés.

Nous savons que les innovations technologiques auront des conséquences positives sur la croissance et l’emploi, ma question porte sur la politique économique à mettre en œuvre. D’une part, comment les PME vont pleinement profiter de ces grappes d’innovations ? Et comment favoriser des gains de productivité issus de ces évolutions technologiques ?

Mme Émilie Bonnivard. Pouvez-vous nous faire connaître votre estimation des dépenses fiscales pour 2018 ? Comment ont-elles été prises en compte dans les arbitrages sur les moyens budgétaires affectés à chaque ministère ?

S’agissant du plan d’investissement de 57 milliards d’euros, quelle proportion concerne le budget 2018 ? Quelle sera la part des cessions d’actifs de l’État ? Paradoxalement, si ce plan d’investissement concerne la transition écologique et énergétique, rien n’est prévu pour les infrastructures de transport, notamment le fret, alors que le chantier du Lyon-Turin est en cours et que chacun sait que l’AFITF n’est pas en état de couvrir les engagements sur le transport ferroviaire. Quel sera l’effort budgétaire de l’État sur cette infrastructure en 2018 ?

Enfin, après le transfert des compétences économiques aux régions dans la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (« NOTRe »), l’engagement avait été pris de créer un fonds de compensation des transferts de charges économiques des départements aux régions s’élevant à 450 millions d’euros en 2018. Ces 450 millions d’euros sont-ils bien budgétés dans le PLF ? Sans cela, ce serait une perte nette pour le financement de nos entreprises et l’accompagnement de notre économie sur les territoires.

M. Jean-Louis Bricout. Après l’audition du président du Haut Conseil des finances publiques, il faut reconnaître qu’il ne semble pas y avoir d’insincérité dans votre budget. Le problème n’est pas là : votre budget n’est pas insincère, il est plutôt inhumain. C’est le budget des riches, ou plutôt des très riches. Un budget pour les gens et les territoires qui vont très bien. D’ailleurs, les déclinaisons de certains dispositifs sont bien différentes selon les territoires. Il suffit de prendre l’exemple de la baisse brutale des emplois aidés pour s’en convaincre. Les territoires oubliés, en difficulté, sont particulièrement affectés, ainsi que les personnes les plus éloignées de l’emploi – j’en ai reçu quelques-unes et c’était assez prégnant. Les collectivités pauvres verront leur masse salariale exploser et leurs projets d’investissement repoussés ; elles dépendent de l’économie de proximité. Vous parlez de favoriser l’investissement : je pense que ce ne sera pas le cas.

Là où il y a des inégalités – je pense aux territoires ruraux et de banlieue structurellement fragiles –, vos politiques viennent les renforcer. La situation du logement est critique, l’insalubrité provoque d’importants dégâts que les maires doivent gérer, les marchands de sommeil prospèrent face à des locataires souvent démunis. Pour autant, vous diminuez les APL, et le Gouvernement auquel vous appartenez propose de renforcer la ghettoïsation sociale par des choix de construction qui sont loin d’être toujours cohérents.

Quelles mesures pour nos retraités les plus pauvres qui bénéficient déjà du dégrèvement de taxe d’habitation dans certaines collectivités ? Avec votre mesure sur la taxe d’habitation, vous faites perdre tout dynamisme fiscal aux collectivités. Par ailleurs, il y aura aussi de grosses inégalités entre collectivités, certaines garderont un pouvoir de taux très important car il y aura peu d’exonérés, comme à Neuilly, quand d’autres dépendront à 100 % des dotations d’État, car plus personne ne paiera la taxe d’habitation. Est-ce là votre conception de la justice sociale, fiscale et territoriale ? Incontestablement, nous n’avons pas la même.

M. François Jolivet. Une politique du logement s’inscrit, par nature, dans un temps long, pluriannuel. Je voudrais savoir en quoi la trajectoire que vous présentez dans la loi de programmation traduit le plan logement annoncé la semaine dernière par le ministre de la cohésion territoriale.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je reviens sur le sujet abordé par Marc Le Fur : l’augmentation assez forte du déficit – environ 20 % par rapport à l’année dernière si l’on regarde le solde final. La dette va progresser de 75 milliards d’euros pour l’année 2018, s’ajoutant aux 120 milliards d’amortissement pour atteindre des émissions à hauteur 195 milliards.

Comment la progression de 200 millions de la DGF annoncée par le Premier ministre sera-t-elle ventilée entre chaque niveau de collectivité territoriale ?

Les 319 collectivités qui vont être mises à contribution dans le cadre d’un conventionnement, devront réduire leurs dépenses de 1,2 %. Est-ce hors inflation, ou inflation comprise ?

Dix départements bénéficiaient du fonds d’urgence pour financer les dépenses d’aide sociale, le RSA et l’APA notamment. Vous supprimez ce fonds d’urgence : est-ce à dire que des garanties pérennes au financement des allocations individuelles de solidarité vont être trouvées pour ces départements, et dans ce cas quelles pistes sont envisagées ?

M. François Pupponi. Vous parlez de sincérité et vous avez raison : ce budget est plus sincère que les précédents, mais il demeure un manque de transparence, en particulier sur les collectivités locales. Dans cette commission, nous réclamons depuis des années que vous indiquiez à quel niveau se situent les compensations. D’un côté, on plafonne les dotations, mais de l’autre on diminue les compensations aux collectivités locales. L’année dernière elles n’étaient que de 12 % sur les impôts locaux, et cette année vous allez baisser la compensation pour la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). À combien de centaines de millions, voire de milliards d’euros, situe-t-on le manque de recettes pour les collectivités locales ?

La péréquation est quasiment arrêtée : le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) n’évoluera pas, le fonds de solidarité des communes d’Ile-de-France (FSRIF) non plus, la dotation de solidarité urbaine (DSU) évoluera moins que les autres années, mais vous allez réduire les dépenses des collectivités locales de 13 milliards. Cette baisse sera-t-elle « péréquée » ? Allons-nous demander les mêmes efforts aux communes les plus pauvres et aux plus riches ?

Quant au logement, avez-vous évalué la perte de recettes fiscales causée par la baisse des constructions ? Quand on prélève 1,7 milliard sur les bailleurs sociaux et que l’on limite le PTZ et le dispositif « Pinel » aux zones les plus tendues, là où le PTZ et le « Pinel » étaient le moins utilisés, il y aura un ralentissement de la construction de logements. Vous parlez de choc d’offre ; malheureusement les acteurs du secteur estiment que la construction va diminuer. Avez-vous évalué le montant des impôts et le nombre d’emplois perdus ?

M. Jean-Paul Mattei. Je souhaite féliciter le Gouvernement pour sa présentation de ce projet de loi de finances. Simplification, pérennité, visibilité, immédiateté, et même rétroactivité, ce qui peut choquer les juristes, mais j’aime qu’un texte soit appliqué dès lors qu’il est voté – nous en avons l’habitude en matière d’assurances.

Sur le PFU, de manière assez adroite mais conforme à la réglementation, vous décortiquez ces 30 % en 17,2 % pour la CSG et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), et 12,8 % pour l’aspect fiscal. C’est une révolution – je rappelle que des mesures prises en 2008 en matière de taxation des plus-values n’ont jamais été appliquées : le fameux article 150-0 D bis du code général des impôts. La mesure sera donc immédiatement applicable. Je pense que le taux de 12,8 % pourrait très bien être porté à 14,5 % au titre de la solidarité, ce qui situerait le prélèvement forfaitaire à 31,7 %, mais c’est peut-être une marotte.

En ce qui concerne l’IFI, l’immobilier de jouissance est celui dont on profite, que l’on loue pour soi-même. Mais il y a aussi de l’immobilier actif, qui est structurant pour le territoire. Nous parlons de transition énergétique et d’aménagement du territoire : je pense qu’il serait intéressant d’avoir des foncières taxées à l’impôt sur les sociétés, qui pourraient être de vrais outils de développement et des agents de développement économique. Il faut bien que les start-up aient des sièges sociaux. Je sais qu’ils sont exonérés, mais nous pourrions imaginer des investisseurs dans les sièges sociaux et des installations industrielles qui ne sont pas forcément liées à l’activité, et favoriser cette activité. Cela mérite de réfléchir sur cette nouvelle forme d’investissement, qui serait totalement professionnel.

M. le ministre de l’action et des comptes publics. Pour les départements, il y avait un fonds d’urgence, exceptionnel. Nous savons tous qu’il ne faut pas régler la question des mineurs isolés ou du RRSA avec des fonds qui avoisinent 120 millions d’euros. Ce n’est pas une bonne façon de fonctionner lorsque l’on connaît les différences entre départements. Nous n’avons pas renouvelé ce fonds, mais nous avons consacré respectivement 50 et 60 millions d’euros aux mineurs isolés et à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Le montant reste donc le même, mais il est maintenant constitué de subventions pérennes. Par ailleurs, une discussion plus large se tient dans le cadre de la conférence nationale des territoires sur la recentralisation du RSA et sur les mineurs isolés. Je souligne ici que les droits de mutation augmentent de 10 % – c’est une ressource particulière pour les départements même si tous ne sont pas dans le même cas – et le RSA diminue de 4 % au niveau national. Il faut désormais avoir une discussion plus profonde avec l’ensemble des départements.

Je ne reviendrai pas sur le déficit : pour la première fois, nous allons passer sous la barre de 3 % toutes administrations publiques confondues. Il y a quelque chose d’un peu hypocrite à nous reprocher de ne pas faire de baisses d’impôt et de faire une présentation trop sincère. Le déficit est la réalité du budget que nous vous présentons : il est important de voir la baisse importante de ce déficit toutes administrations publiques confondues.

Monsieur Pupponi, nous pourrons approfondir la discussion sur la péréquation dans l’hémicycle. Il appartient aux parlementaires, s’ils le souhaitent, d’augmenter la péréquation, qui s’élève, de mémoire, à 180 millions d’euros.

Madame Dalloz, la DGF n’augmente pas de 200 millions d’euros, mais de 100 millions, et l’ensemble des concours aux collectivités territoriales augmente de 300 millions en plus de la DGF. Notre volonté est que les associations d’élus, avec les maires, sous l’autorité du Parlement, définissent les grandes lignes. Il appartient à l’administration déconcentrée de l’État d’en faire une adaptation intelligente. Les villes les plus en difficulté, celles qui ont des dépenses de fonctionnement du fait de l’augmentation du nombre d’habitants, celles qui ont des projets d’infrastructures qui peuvent être accompagnés par l’État dans des contrats de plan, seront prises en compte. Nous devons faire des économies au point de vue national. Nous faisons le pari du pacte girondin, plutôt que de décider depuis la place Beauvau ou Bercy de la baisse des dotations, contrairement aux pratiques du quinquennat précédent.

Enfin, sur le plan d’investissement, 7,5 milliards sont prévus l’an prochain, 10 milliards en 2019, 13 milliards en 2020 et 2021, et 11 milliards en 2022, soit un total de 57 milliards.

M. le ministre de l’économie et des finances. Sur la dépense fiscale, vous aurez tous les détails dans le fascicule sur les voies et moyens. Les cessions d’actifs ne sont pas prévues dans le budget, mais par convention. Les dépenses fiscales sont en légère augmentation pour deux raisons, d’une part la hausse du taux du CICE qui va passer de 6 % à 7 %, et d’autre part la transformation de la réduction d’impôts pour services à la personne en crédit d’impôt, dont j’ai parlé précédemment.

S’agissant des remarques sur le caractère « inhumain » du budget, je répète qu’il faut regarder attentivement ce qui figure dans les décisions du budget et dans le grand plan d’investissement. Vous verrez que cette remarque n’est pas honnête. L’augmentation du nombre de places dans les établissements pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE), pour accompagner les gamins qui passent dans ces établissements qui ont prouvé leur efficacité ; l’accompagnement des enfants déscolarisés, qui n’ont ni diplômes, ni qualification, ni emploi ; ce sont autant de mesures très concrètes pour les populations les plus fragiles. Nous y faisons attention, et nous pensons que rétablir la bonne santé des comptes publics et créer plus de richesses dans notre pays permettra d’avoir les moyens financiers d’aider ceux qui sont les plus en difficulté, sans systématiquement alourdir la dépense publique et, au bout du compte, les impôts.

Le PFU se compose effectivement de 15,5 % de prélèvements sociaux, soit 17,2 % avec la CSG, auxquels s’ajoute une fiscalité de 12,8 % pour atteindre les 30 % convenus entre le candidat à la Présidence de la République et les Français. C’est ce qui a été validé par les élections et c’est pourquoi nous nous en tenons à 30 %. Ce chiffre a le mérite d’être simple et clair, donc efficace.

Mme Christine Pires Beaune. Sur l’ISF et l’IFI, pouvez-vous nous spécifier combien de foyers vont payer l’IFI, combien payaient l’ISF, combien rapporte l’ISF aujourd’hui et combien rapportera l’IFI demain, et nous donner un classement par décile ?

S’agissant de la flat tax, les revenus du capital financier pourront être imposés au taux de 30 %. En 2018, les dividendes seront donc soit imposés au taux de 30 %, soit à la tranche marginale : l’option sera offerte aux contribuables. Si nos calculs sont bons, seuls les contribuables imposés aux tranches marginales de 41 % et 45 % auront intérêt à opter pour la flat tax. Confirmez-vous ce chiffre, et pouvez-vous nous dire combien de foyers seraient concernés par celle-ci ?

Pour les collectivités territoriales, je salue le maintien des aides à l’investissement, que ce soit la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Je ferai des propositions sur la répartition de ces aides afin qu’elles aillent là où nous en avons le plus besoin. Je salue aussi le maintien des dotations, car je n’ai pas changé d’avis : la baisse uniforme des dotations était une bêtise. Vouloir que les plus grosses collectivités, donc celles qui contribuent le plus fortement à la dépense publique, contribuent à la maîtrise de la dépense publique me semble plutôt intelligent. Ma question rejoint celle de la Cour des comptes : comment allez-vous vous assurer du respect de ces conventions, comment allez-vous amener les 319 collectivités à signer ces conventions, et que se passe-t-il en 2019 si les conventions ne sont pas respectées ?

En ce qui concerne les pactes métropolitains, un engagement du Premier ministre avait été pris l’an dernier pour les six nouvelles métropoles qui existent depuis le 1er janvier 2017. Il existe des pactes métropolitains pour les quinze métropoles, mais les six nouvelles ne bénéficient pas de ce pacte. Cet engagement du Premier ministre Bernard Cazeneuve sera-t-il tenu dans le projet de loi de finances ?

Dernier point, sur la réforme de la taxe d’habitation. À partir de 2018, si les taux sont augmentés, confirmez-vous que cette augmentation sera bien payée par les contribuables, qu’il n’y aura pas de compensation, et qu’au terme de votre réforme, il y aura toujours une taxe d’habitation à payer pour tout le monde ?

M. Xavier Roseren. Hier, lors de la séance de questions au Gouvernement, la ministre Jacqueline Gourault a clarifié les mesures fiscales relatives aux collectivités territoriales, permettant de mettre fin aux discours mensongers et improductifs, puisque les dotations ne baisseront pas en 2018.

En ce qui concerne la gestion des dépenses publiques des collectivités territoriales, un pacte de confiance sera proposé aux 319 grandes collectivités. Les petites communes, notamment rurales, ne seront pas affectées par cette procédure de contractualisation. On ne peut que souligner la prise en compte par le Gouvernement de la réalité de terrain et des difficultés rencontrées localement par certaines de ces petites collectivités.

Cependant, une inquiétude demeure en ce qui concerne le FPIC, qui a pour vocation de redistribuer les richesses et assurer une égalité entre tous les territoires. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce fonds ? Son montant actuel, d’un milliard d’euros, sera-t-il maintenu ? Enfin, les critères de prélèvement et de reversement sont-ils inchangés ?

M. Éric Coquerel. J’aurais préféré ne pas avoir à reprendre la parole, mais je n’ai guère été satisfait par les réponses apportées, puisque, de réponse, il n’y eut point. Certes, monsieur Le Maire, nos avis divergent, mais cela ne vous empêche pas de répondre aux questions précises que nous posons, d’autant qu’à moins d’un remaniement ministériel l’occasion se renouvellera au cours des prochaines années… Et ce n’est pas commettre une agression que de faire état de la continuité d’une politique, mais je vous accorde que c’est une continuité – en pire !

Remarquez par ailleurs que je n’ai pas employé de formules polémiques, je n’ai pas parlé de « monopole du cœur ». Si j’avais voulu être polémique, j’aurais d’ailleurs plutôt dit que vous avez beaucoup de cœur pour les revenus du capital.

M. le président Éric Woerth. Un tel discours relève plutôt de la séance publique, cher collègue…

M. Éric Coquerel. Je réponds, monsieur le président, aux propos tenus tout à l’heure, qui étaient sans rapport avec les questions posées, que je réitère donc. Certes, M. Darmanin, et je l’en remercie, a répondu à une question sur la taxe d’habitation, mais je ne l’avais pas posée !

Mes questions sont très précises. Le montant du plan d’investissement est estimé à 56,3 milliards d’euros, mais au terme de nos calculs qui prennent en compte des redéploiements des crédits existants et d’instruments financiers, nous parvenons au montant de 24 milliards d’euros. Qu’en dites-vous ?

Je vous ai également posé une question très précise sur la flat tax. Vous annoncez un coût pour le Trésor public de 1,5 milliard d’euros, mais l’OFCE parle plutôt de 4 milliards. Que répondez-vous ?

Quant au pouvoir d’achat des retraités, selon vous, est-il juste et efficace de réduire celui des retraités qui gagnent 1 350 euros par mois ?

Dernière question, car je ne répéterai pas toutes celles posées tout à l’heure, comment une réduction de 1,8 milliard d’euros des crédits alloués à la politique du logement et une réduction de 1,5 milliard d’euros des crédits alloués à l’emploi pourront-elles relancer efficacement l’activité ?

M. Nicolas Forissier. Mes collègues Marc Le Fur et Philippe Vigier ont déjà évoqué deux des trois sujets que je vais aborder.

Le Gouvernement a pris l’engagement de réduire l’emploi public de 120 000 unités. Si la réduction n’est que de 1 276 cette année, quelle sera la méthode du Gouvernement pour parvenir à une réduction de 30 000 par an au cours de chacun des quatre prochains exercices ? Comment nous garantir que l’objectif sera atteint ?

S’agissant de la fiscalité du gazole, je suis très préoccupé. L’alignement prévu pénalisera considérablement les habitants des territoires ruraux et ceux des périphéries des grandes agglomérations. Obligés de se déplacer en voiture, ils sont incités depuis des années à opter pour des véhicules roulant au gazole. Quelle compensation envisagez-vous pour ces populations qui comptent parmi celles dont les revenus sont les plus faibles ?

Enfin, parmi les mesures fiscales visant à favoriser l’investissement dans les entreprises – amorçage, capital-risque, etc. –, le dispositif ISF-PME va disparaître, au contraire des mesures applicables en matière d’impôt sur le revenu. J’ai cru comprendre, messieurs les ministres, que cette suppression est justifiée par le grand nombre d’intermédiaires qui en profiteraient, mais l’argument est loin de me convaincre. Les organismes collectant de l’ISF-PME pour le réinvestir dans des entreprises de croissance, des start-up ou des entreprises traditionnelles, qui ont d’autant plus besoin de moyens pour se développer que les banques ne leur en accordent pas suffisamment, jouent un rôle extrêmement important, y compris pour accompagner les entreprises, et ce pendant plusieurs années. Je l’ai moi-même constaté. Je suis donc très préoccupé, d’autant que ce dispositif ISF-PME n’est pas remplacé par un dispositif IFI-PME. Le Gouvernement semble pourtant soucieux de soutenir l’investissement.

M. Michel Castellani. Le Gouvernement recevra dans quelques jours les élus de Corse. Vous savez que l’instauration de la collectivité unique de Corse entraînera une fusion des budgets respectifs de la collectivité territoriale de Corse et des deux conseils départementaux. Las, l’application de diverses formules que je qualifierai de technocratiques conduit à une perte de plusieurs millions d’euros, totalement et objectivement injustifiable, qu’il conviendra de corriger.

J’appelle également votre attention sur l’importance des fonds d’investissement de proximité (FIP) Corse. Les entreprises ont besoin de ces investissements, facteurs d’emploi et d’activité. Nous agirons donc, si nécessaire, pour que le FIP soit maintenu dans sa configuration actuelle.

Je rappelle enfin qu’il existe en Corse une opinion majoritaire favorable à une dévolution fiscale, afin que la Corse maîtrise pleinement ses budgets. Nous souhaitons pouvoir en parler dans le cadre plus large de l’examen d’une loi spécifique, que nous appelons de nos vœux et qui devrait être élaborée conjointement par les services du Gouvernement et la représentation territoriale de Corse.

Je vous assure, messieurs les ministres, que nous sommes pleinement conscients des difficultés de votre tâche, et nous mesurons à quel point votre marge de manœuvre est étroite. Nos revendications, outre qu’elles procèdent strictement d’un esprit de justice, seraient satisfaites à moyens constants. Nous souhaitons donc vivement que le Gouvernement réponde favorablement à cette demande de justice que relaie la majorité territoriale. La Corse l’attend.

M. Benoit Simian. Messieurs les ministres, à l’heure où vous faites le pari du « pacte girondin », ma collègue Anne-Laure Cattelot et moi-même sommes rapporteurs spéciaux chargés des crédits relatifs aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, dont vous venez d’évoquer le financement. Nous souhaiterions donc vous interpeller. À l’heure du lancement des assises de mobilité, nous nous retrouvons, en fait de financement des infrastructures, dans une impasse budgétaire et de nouvelles ressources doivent être envisagées : la taxation des poids lourds en transit, via une taxe régionalisée, dont l’instauration serait soutenue par plusieurs régions, ou encore le transfert aux collectivités, notamment les régions, de la compétence de certains axes, actuellement exercée au niveau national, avec la possibilité d’instaurer un péage. Cela permettrait de lever des ressources supplémentaires pour les collectivités pour de nombreux projets. Qu’en pensez-vous ?

Par ailleurs, quelle part du produit de la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) – à hauteur de 2,6 centimes par litre chaque année pendant quatre ans – sera affectée à l’AFITF ? La ministre chargée des transports vient d’évoquer le fléchage de 200 millions d’euros de crédits en faveur des transports du quotidien. C’est heureux, mais pouvez-vous nous donner davantage de précisions ?

M. Fabrice Le Vigoureux. Ma question est relative au programme d’investissements d’avenir. Sur 10 milliards d’euros, 4 milliards sont budgétés pour les prochaines années. Un volet très important concerne les parcours étudiants en premier cycle et les innovations en la matière. Comment cela s’articule-t-il avec le grand plan d’investissement qui vient d’être annoncé ? Celui-ci est très axé sur la compétence, l’économie de la connaissance et du savoir, autant d’éléments centraux de notre projet.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous souhaitons une réponse précise sur les modalités de compensation de l’exonération de taxe d’habitation pour les communes. Le dispositif permettra-t-il aux communes de percevoir ce qu’elles auraient perçu en appliquant leurs taux sur les bases ? Permettra-t-il donc le maintien de la dynamique des bases ? Et comment l’évolution des taux sera-t-elle encadrée, si elle l’est ?

Je m’associe aux deux questions qui ont été posées sur l’avenir des allocations individuelles de solidarité versées par les départements. Leur charge continue de s’alourdir, et nous n’avons pas vraiment de réponse à ce sujet.

Enfin, en feuilletant ce PLF, je suis tombé sur l’article 15, qui tend à abroger l’article 62 de la loi de finances pour 2016, lequel prévoyait d’élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières aux transactions intrajournalières à compter du 1er janvier 2018. Cette abrogation est justifiée dans l’exposé des motifs par la complexité de mise en œuvre d’une telle mesure, qu’a mise en avant la Cour des comptes. N’est-ce pas baisser les bras un peu vite ? Compte tenu des derniers progrès numériques et technologiques, je pense qu’il doit être facile de trouver les dispositifs permettant de lever une taxe qui rapporterait à l’État une recette supplémentaire non négligeable dans le contexte actuel.

Mme Sarah El Haïry. Je me félicite de la pérennisation du budget du service civique, dont je suis la rapporteure spéciale. Je m’interroge cependant sur la suppression de l’une des quatre taxes affectées au Centre national pour le développement du sport (CNDS), soit un montant de 130 millions d’euros, présentée comme une mesure de clarification et de rationalisation – ce que j’entends. Mais comment, dans ces conditions, les actions liées à la préparation des Jeux olympiques seront-elles financées, sachant que le CNDS, au moment de l’Euro 2016, avait bénéficié de recettes affectées supplémentaires ?

M. le ministre de l’économie et des finances. Madame Pires Beaune, l’ISF concernait 330 000 redevables, pour une recette de 4,1 milliards d’euros. L’IFI devrait rapporter 850 millions d’euros pour un nombre de redevables qui devrait diminuer d’environ de 40 %, soit approximativement 150 000 personnes.

Concernant les revenus du capital, les contribuables pourront bien choisir entre le PFU et le barème. L’option du barème peut être intéressante pour les personnes qui ne sont pas imposables à l’impôt sur le revenu, ainsi que pour celles qui perçoivent des dividendes, cas dans lequel s’applique un abattement de 40 %. En revanche, pour les contribuables qui bénéficient d’un abattement sur les plus-values en raison de la durée de détention, il pourra être plus intéressant, selon les cas, de choisir le PFU.

Je voudrais répondre aussi précisément à M. Coquerel, car je ne voudrais pas qu’il quitte cette salle avec le sentiment que je ne lui ai pas apporté de réponses. Je plaide également pour que nous placions nos relations dans les années à venir sous le signe du respect mutuel.

Le grand plan d’investissement représente 57 milliards d’euros, dont 20 milliards pour la transition écologique, 15 milliards pour les compétences et la formation, 13 milliards pour l’innovation et 9 milliards pour la réforme de l’État et le développement du numérique dans l’administration. Ce plan regroupe des mesures nouvelles mais aussi – nous ne nous en cachons pas – le redéploiement de crédits antérieurement affectés : il intègre notamment dans le volet innovation les mesures du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA3) et leur financement.

Nous évaluons le coût du PFU à 1,3 milliard d’euros pour 2018 et à 1,9 milliard pour 2019 ; l’OFCE l’évalue, lui, à 4 milliards d’euros. Dès lors que nous opérons des choix fiscaux nouveaux, qui rompent avec les pratiques antérieures, une évaluation est nécessaire. Elle permettra de déterminer si les estimations faites par nos services étaient ou non réalistes. Plus généralement, en matière fiscale, l’évaluation et la transparence seront toujours bienvenues pour juger de la pertinence et de l’efficacité des politiques publiques.

S’agissant du pouvoir d’achat des retraités, je rappelle que nous faisons un choix politique capital en augmentant le minimum vieillesse pour aider ceux qui sont le plus en difficulté.

En matière d’emploi, nous devons faire des efforts, et le budget reflète en effet notre choix de réduire le nombre de contrats aidés. Il faut néanmoins dépasser cette lecture strictement budgétaire. Si nous réduisons le financement des emplois aidés, c’est que nous estimons – et toutes les enquêtes nous confortent – que, dans le secteur privé, les emplois aidés constituent un considérable effet d’aubaine pour les chefs d’entreprise, qui, pour la plupart, auraient de toute façon créé ces emplois que nous finançons avec l’argent du contribuable. Vous devriez, monsieur Coquerel, être sensible à cet argument.

Dans le secteur public, nous estimons que les emplois aidés ont du sens pour les publics les plus fragiles et les plus éloignés de l’emploi. C’est la raison pour laquelle nous maintenons un volant de 200 000 emplois, que nous finançons. J’y insiste, car il ne s’agit pas, comme cela a souvent été fait par le passé, d’inscrire dans le budget des centaines de milliers d’emplois aidés, sans avoir de quoi les financer.

J’ai déjà répondu au sujet de l’ISF-PME. C’est un choix que j’assume totalement. Nous estimons en effet que l’ISF-PME est une niche fiscale qui n’a pas profité aux PME qui en avaient le plus besoin. Nous ne sommes pas les seuls à le dire, c’est aussi l’opinion de la Cour des comptes.

Par ailleurs notre politique, qu’il s’agisse de nos choix budgétaires ou de la future loi sur la transformation des entreprises, à laquelle je vous invite à participer l’an prochain, vise précisément à soutenir les PME et à améliorer leur financement pour leur permettre de se transformer en entreprises de taille intermédiaire.

M. le secrétaire d’État. Monsieur Dufrègne, je vous confirme que la taxe sur les transactions financières intrajournalières adoptée l’an dernier et qui devait entrer en application au 1er janvier 2018 sera abrogée. Nous considérons en effet que si la France était la seule à mettre en place un tel mécanisme, cela aurait un effet très dissuasif sur les grandes banques et les grands fonds, alors que, dans le cadre du Brexit, nous nous efforçons de renforcer l’attractivité financière de la place de Paris.

En revanche, le taux de la taxe sur les transactions financières a été porté de 0,2 % à 0,3 % en 2017, et cette hausse n’est pas remise en cause. Avec le produit de la « taxe Chirac » sur les billets d’avion, c’est à peu près 1 milliard d’euros qui seront ainsi consacrés à l’aide publique au développement.

M. le ministre de l’action et des comptes publics. Madame El Haïry, je suis personnellement très attaché au CNDS, qui constitue, avec les fédérations, une bonne source de financement du sport. Cependant, si nous voulons assainir la gouvernance du sport, il importe de clarifier son financement. N’ayez néanmoins aucune crainte pour les Jeux olympiques. Nous évaluons les besoins et il est probable qu’ils feront l’objet d’une ligne budgétaire spécifique, qu’accompagnera sans doute une loi olympique.

En ce qui concerne la péréquation, chacun aura l’occasion de s’exprimer lors du débat parlementaire. Il faudra quoi qu’il en soit remettre cette question sur la table, ainsi que celle des valeurs locatives, dans le cadre d’une refonte globale de la fiscalité locale.

Quant à la taxe d’habitation, je rappelle que le mécanisme retenu n’est pas l’exonération mais le dégrèvement. Voilà qui devrait rassurer les collectivités locales, qui conserveront la liberté de déterminer leurs taux, sachant toutefois que, pour toute hausse ou baisse de ces taux intervenant après 2017, il n’y aura aucune compensation de l’État, à charge pour les élus de se justifier devant leurs administrés. Nous espérons en tout cas que ces trois années de dégrèvement permettront d’amorcer le débat sur la fiscalité locale dans notre pays.

Enfin, le système de bonus-malus appliqué aux collectivités locales devrait faire l’objet d’un débat de fond dans l’hémicycle. Les collectivités ont leur idée sur la question, j’ai la mienne, qui consisterait à envisager une dotation d’investissement pour les collectivités ayant respecté leur contrat. Pour les autres en effet, pourquoi ne pas envisager un système de malus ? Certains nous encouragent à le mettre en place dès 2018 ; nous pensons qu’il est préférable d’attendre 2019, mais je vous propose d’en reparler au moment de la discussion budgétaire.

M. le président Éric Woerth. Nous vous remercions, messieurs les ministres, pour cette présentation.