Fin de vie | Communiqué de presse

Alors que l’Assemblée nationale débute cette semaine l’examen du Projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, j’ai souhaité avec ce courrier vous rendre compte de l’état des mes convictions sur ce texte.

Peut être le savez vous, je suis engagé sans ambigüités en faveur de l’introduction d’une aide active à mourir dans le droit français au sein de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) depuis plusieurs années. En effet, j’ai acquis la conviction que notre régime d’accompagnement de la fin de vie, et notamment les lois Claeys-Leonneti et Kouchner, présente de graves lacunes pour les patients, leurs proches et les médecins en n’appréhendant pas toutes les hypothèses effectivement rencontrées par les malades en fin de vie.

Trop nombreux sont celles et ceux qui ont dû fuir, en Belgique ou en Suisse notamment, l’agonie que la France leur réserve encore. Ce texte est une réponse à la demande de celles et ceux qui souffrent d’une pathologie incurable et expriment consciemment leur volonté de mourir dans la dignité.

Tel est également l’avis de la Convention Citoyenne sur la Fin de vie qui, de septembre 2022 à avril 2023 a réuni 185 citoyens français tirés au sort afin de répondre à la question suivante : « Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ». A cette question, ils ont été 76% à répondre en faveur d’une évolution du droit vers une aide active à mourir.

Deux constats ont été faits :

  • d’une part, l’inégalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie et notamment aux soins palliatifs (50% des personnes qui devraient y être admises ne peuvent l’être faute de places) ;
  • et d’autre part, l’absence de réponses satisfaisantes face à certaines situations de fin de vie, notamment dans le cas de souffrances physiques et psychiques réfractaires.

Aussi, je me suis réjoui de l’annonce par le Président de la République le 10 mars dernier du dépôt, après de longues années d’attentes, d’espoir et de désillusions pour les malades en fin de vie, leurs proches et les soignants, d’un projet de loi visant à introduire un droit à mourir dans la loi française. Je me félicite également que ce texte comprenne un nécéssaire volet sur la création de « soins d’accompagnement », notion nouvelle qui recouvrera l’ensemble des soins d’accompagnement dans la douleur et corollaire à l’ouverture d’un droit à une aide active à mourir.

J’ai pour ma part eu l’immense honneur d’être nommé en avril dernier dans la Commission spéciale chargée d’étudier ce texte à l’Assemblée nationale. J’en mesure la responsabilité et ai souhaité entendre toutes les voix qui s’expriment sur ce sujet qui, inévitablement, nous concerne tous.

Néanmoins, j’ai également souhaité porter la voix des malades et de leurs familles qui restent dans l’attente d’une réponse à leur douleur incurable. Cette réponse doit venir :

  • d’une part, d’un renforcement de l’accès aux soins palliatifs, pour que personne ne se tourne vers l’aide à mourir faute d’accès aux soins contre la douleur (nous avons introduit par amendements dans le texte une programmation budgétaire pour les soins palliatifs) ;
  • et d’autre part, de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, sous le nom d’aide active à mourir.

Il convient de retenir qu’en aucun cas une personne ne pourrait se voir imposer, d’une manière ou d’une autre, le choix de recourir à l’aide active à mourir. En effet, le médecin auprès de qui aura été formulée la demande d’aide à mourir devra rechercher l’expression du consentement libre et éclairé de la personne à l’origine de la demande. Des garde-fous importants introduits par les commissaires spéciaux ont ainsi enrichi et précisé la proposition du Gouvernement.

Néanmoins, la version initiale du texte telle qu’elle a été proposée à mes collègues députés et moi-même par le Gouvernement ne prévoyait pas d’inclure les personnes qui auraient souhaité faire connaitre par la voie de leurs directives anticipées leur choix de recourir à l’aide à mourir dans l’hypothèse où leur état de santé les rendrait admissibles à l’aide à mourir mais ne bénéficieraient plus de leur capacité à manifester leur volonté d’y recourir.

Il est apparu à l’aune des débats en Commission spéciale que l’introduction de la volonté du patient dans ses directives anticipées (qui existent déjà) et leur opposabilité pourrait constituer une solution.

J’ai donc déposé en vue de son examen en séance publique l’amendement n°3391 avec 26 de mes collègues visant à permettre au patient victime d’une affection grave, et à la seule occasion de la formalisation de son plan personnalisé d’accompagnement, d’inscrire dans ses directives anticipées sa volonté de recourir à l’aide à mourir dans le cas où il perdrait sa capacité de discernement. Dans cette hypothèse, la personne de confiance ainsi que les personnes avec qui le patient entretient un lien filial au premier degré seraient autorisées à faire valoir la volonté qu’a exprimé le patient dans ses directives anticipées. Le médecin aurait l’obligation de faire valoir la volonté du patient de recourir à l’aide active à mourir dans le cas où le patient n’aurait ni personne de confiance ni liens filiaux au premier degré, ou, dans l’hypothèse où ces deux personnes, pour n’importe quelle raison, ne feraient pas valoir la volonté du patient. 

Enfin, la version du texte initialement proposée ne prévoyait d’inclure dans le texte que les seules personnes dont le pronostic vital est engagé à « court ou moyen termes ». De l’aveu de M. FALORNI, Rapporteur général sur ce texte en Commission spéciale : « Les auditions de la commission spéciale ont démontré que la notion de « pronostic vital à moyen terme » est vague, relative, subjective et variable d’un malade à un autre et dépend de l’évolution des connaissances scientifiques. S’agit-il de quelques semaines, de quelques mois, de quelques années ? Aucune personne auditionnée n’a été en mesure de répondre clairement à cette question. ».

Aussi, j’ai souhaité porter en Commission spéciale comme plusieurs autres de mes collègues une modification du texte allant dans le sens d’une meilleure sécurité juridique, notamment pour les médecins, en intégrant dans le champ de la loi les personnes majeures résidant régulièrement en France qui souffrent d’une affection grave et incurable, qu’elle qu’en soit la cause, en phase avancée ou terminale (Art. 6 Al. 3). Cette rédaction est celle qui a été défendue par l’ADMD auprès des parlementaires. Ainsi, seraient par exemple intégrées dans le champ du texte les personnes dont le pronostic vital n’est pas engagé mais qui souffrent d’une pathologie incurable sans que leur pronostic vital ne soit engagé telles les personnes souffrant de maladies neurodégénératives (Maladie de Charcot par exemple) ou de conséquences neurodégénératives d’un accident ou d’une maladie (comme nous l’avons connu avec la tragédie vécue par Jean-Claude Gast, ancien maire de Saint-Julien-en-Beauchêne, contraint à l’exil en Belgique pour mettre un terme à ses souffrances).

Madame la Ministre Catherine Vautrin, mais également Madame Firmin-Le Bodo, Présidente de Commission spéciale, semblent vouloir profiter de la séance publique pour durcir le texte en revenant à la formulation proposée par le Gouvernement dans laquelle sont exclues du texte les personnes dont le pronostic vital n’est pas engagé « à court au moyen terme » (une notion juridique non définie), sous réserve de l’ensemble des autres critères d’admission à l’aide à mourir.

Aussi, je voterai toute proposition utile au maintien de la formulation de l’alinéa 3 de l’article 6 acquise en Commission spéciale.

Enfin, dans la version initiale du texte tel que proposé aux parlementaires par le Gouvernement la procédure de demande d’accès à l’aide à mourir prévoyait que le médecin auprès de qui le patient avait formulé sa demande pouvait décider seul, après avoir recueilli l’avis d’un médecin spécialiste de la pathologie, d’accepter ou de rejeter la demande du patient.

Afin de répondre, d’une part, à la demande des patients et, d’autre part, à la demande des soignants, nous avons décidé en Commission spéciale d’enrichir la procédure proposée par le Gouvernement des acquis tirées des auditions parlementaires en prévoyant désormais que la procédure qui donne accès au droit à mourir soit collégiale et pluridisciplinaire.

Afin de garantir le caractère collégial de la procédure de demande d’accès à l’aide à mourir, j’ai déposé en vue de son examen en séance publique un amendement n°3389 visant à rendre obligatoire l’examen du patient à l’origine de la demande par un médecin spécialiste de la pathologie. La version du texte proposée par le Gouvernement ne le prévoyait pas.

Enfin, je compte rester à l’écoute de toutes et tous jusqu’à ce que ce texte aboutisse. Je mesure les enjeux de société immenses que soulève ce texte et pense qu’aucune voix ne mérite d’être caricaturée, qu’elles y fussent favorables ou opposées.

Dans l’espoir que mon courrier vous apporte d’utiles éléments de compréhension de mes positions,

Fidèlement,