Parlement rural français : les territoires ne veulent pas être oubliés – Par Hélène Saveuse (mesinfos)

Si l’Hexagone est constitué à 88 % de communes rurales, les élus ruraux ont un sentiment d’iniquité quant à la distribution des moyens financiers. Avec le Parlement rural français, ils souhaitent faire valoir leurs atouts auprès du gouvernement.

Les élus ruraux ne veulent plus compter pour du beurre et ils l’ont dit à Dominique Faure, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, ce 26 mai, lors de sa visite à Savines-le-Lac. Invitée à assister à la première session territoriale du Parlement rural français qui se tenait au pôle culturel du XXe, Dominique Faure a pu noter sur son cahier toutes les doléances des élus ruraux présents. « C’est tous le sens de ce parlement rural, donner des pistes de travail aux représentants de l’État, leur permettre d’entendre la voix des élus ruraux », explique Bernard Delcros, le président du parlement rural français, également sénateur du Cantal. Et le moins que l’on puisse dire c’est que des pistes, ils en ont.

« Nous attendons du gouvernement un projet ambitieux pour la ruralité, volontariste, qui apporte des garanties, des perspectives aux jeunes », plaide Bernard Delcros. Un projet qui passera nécessairement par une augmentation des moyens financiers alloués pour le président du Parlement rural français : « Nous avons franchi une première marche avec la création de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité en 2019, une aide destinée aux communes situées en cœur de parc national, en parc naturel marin, et dans les zones Natura 2000» mais aujourd’hui le sénateur du Cantal veut monter les marches quatre à quatre. « Il faut que toutes les communes rurales puissent en bénéficier. L’assiette doit être élargie. De plus, nous demandons à ce que l’enveloppe financière de 40 M€ aujourd’hui soit réévaluée et que soient fléchés 100 M€ au prochain projet de loi de finances pour une mise en œuvre effective en 2024. »

En outre, Bernard Delcros demande à ce que le gouvernement dépasse la logique de la péréquation pour les territoires ruraux, « qu’il ne réfléchisse plus à une logique de compensation du handicap rural » mais que les territoires ruraux soient rémunérés à la hauteur des services qu’ils rendent, à la valeur de leurs aménités rurales.

Les aménités rurales, késako ?

« Un territoire a des aménités rurales lorsqu’il est agréable à vivre. C’est une notion qui repose sur un carré magique. D’abord les aménités paysagères, des paysages qui sont le fruit du travail des hommes et qui doivent être entretenus, des aménités patrimoniales, qui reposent sur le triptyque églises- hôtels de ville- marché, viennent ensuite les aménités identitaires, l’histoire qui participe à donner une identité au territoire comme à Colombey-les-Deux-Églises, par exemple, dont le seul nom évoque le souvenir du Général de Gaulle et enfin les aménités humaines », explique Gérard-François Dumont, professeur émérite à la Sorbonne, président de la revue Population et Avenir.

Pour les élus ruraux, les aménités rurales sont aussi les espaces ruraux, une valeur ajoutée qu’il faudrait à l’avenir mieux valoriser. « Les ruralités sont au cœur des transitions. L’industrie est dans la ruralité, car il faut de l’espace pour la développer. C’est la même chose pour l’énergie renouvelable, que ce soit l’éolien ou le photovoltaïque. Nous demandons à ce que l’espace rural soit mieux considéré pour décliner des politiques publiques », réclame à son tour Cécile Gallien, vice-présidente de l’Association des maires de France et maire de Vorey. « Nous entretenons 88 % du territoire, il faut qu’il y ait un rééquilibrage dans les politiques publiques pour que nous puissions aménager nos territoires » , soutient Eric Krézel, le maire de Ceffonds, vice-président de l’Association des maires ruraux de France. Et Joël Giraud, député des Hautes-Alpes, ancien ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les collectivités territoriales de prôner pour la création d’une loi cadre : « Avec des instruments de politique publique efficaces ». L’élu Haut-Alpin demande une politique du cahier des charges. « Ce plan va exister », concède Dominique Faure. 

L.-N.S - La ministre Dominique Faure, déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, accompagnée de Bernard Delcros, président du PRF et de Joël Giraud, député des Hautes-Alpes, a assuré son soutien aux élus des territoires ruraux.

Le plan « France Ruralités » dévoilé avant la mi-juin

« D’ici une quinzaine de jours,la première ministre Elisabeth Borne devrait dévoiler les grandes lignes de ce plan. Nous savons que vous avez besoin d’ingénierie pour les villages, de soutien économique et fiscal et d’actions sur-mesure », veut rassurer la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité.

« Ce plan s’appuie sur un socle de politique publique au service de la ruralité, avec beaucoup d’ingénierie. Je vous annonce qu’il y aura 100 chefs de projets d’ingénierie dédiés à la ruralité placés dans les services de l’Etat, à côté des préfets. Il seront là pour faire eux-mêmes les dossiers ou pour activer les services nécessaires existants. Vous avez besoin d’ingénierie prospective, technique et financière. Derrière, il faudra financer l’investissement. Vous aurez 80 % de financés sur l’ingénierie. Comment ? 40 % de l’État et si le Département a délibéré, ca sera 20 % et idem pour la région avec 20 % . Aujourd’hui, j’ai l’accord de plusieurs de ces collectivité. Si le projet est labellisé France ruralités, vous aurez accès aux fonds, 28 000 communes pourront en bénéficier »annonce déjà Dominique Faure.

Sur le principe, les collectivités pourront intégrer des projets patrimoniaux, de mobilités, de lutte contre les logements vacants. Ce plan « France Ruralités » sera construit sur un socle de loi avec trois articles.« Un premier qui définit ce que sont nos ruralités, l’espace sera pris en compte dans la loi, un second qui actera la prolongation des ZRR [Zones de revitalisation rurale], 14 000 à 15 000 communes pourront bénéficier du dispositif et 4 000 communes auront des aides renforcées. Et le troisième article concernera la définition des aménités rurales pour que l’on puisse doubler ladotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité »révèle la ministre.

Un ZAN moins rigide ?

« Enfin, un dernier mot sur le ZAN [Zéro artificialisation nette]. Il s’agit d’un objectif à 2050. 50 % en 2030 c’est aussi un objectif, la loi donne un cap dans la sobriété foncière qui peut vous aider à porter des projets de développement innovants pour vos villagesruraux. Notre idée est de créer un choc, une prise de conscience, par contre il n’ y a pas de dogme. On y va petit à petit. Vous aurez cette garantie rurale, je m’y engage, mais nous continuerons évidemment de travailler ensemble avec les territoires urbains », conclut-elle devant un parterre d’élus et de représentants du monde socio-économique, rassurés.

A noter qu’une deuxième session territoriale du Parlement rural français devrait être organisée en 2023 et qu’un Institut des Hautes études des mondes ruraux devrait bientôt être créé.

Article : https://mesinfos.fr/05160-savines-le-lac/parlement-rural-francais-territoires-ne-veulent-pas-etre-oublies-152756.html