Joël Giraud au chevet des massifs français: Avenir Montagnes, la suite ?

Marie-France Sarrazin - Joël Giraud, alors ministre, était venu défendre son plan Avenir Montagnes lors du congrès de l'Anem (association nationale des élus de la montagne) en 2021.

Elisabeth Borne a confié à l’ancien ministre haut-alpin la délicate mission de « dessiner le nouveau visage de la montagne ».

Il était l’instigateur du plan Avenir Montagnes, il était donc tout naturel que la Première ministre, Elisabeth Borne, lui assigne une nouvelle mission « sur les nouveaux enjeux du développement des territoires de montagne ». La réélection d’Emmanuel Macron aura laissé l’ancien ministre de la Cohésion des territoires sur le banc de touche, ou plutôt signé son retour sur les bancs d’une Assemblée nationale bien chahutée. Joël Giraud va de nouveau battre la campagne française. Pas n’importe laquelle, celle qu’il connaît sur le bout des doigts, la montagne, en vue de lui donner un nouveau souffle et surtout des crédits pour y parvenir.

Son diagnostic, il le livrera à travers un rapport. Un énième ? « Non, tranche-t-il. Il ne concernera pas que la problématique des stations de ski. A chaque fois, on se penchait sur la montagne par le petit bout de la lorgnette mais jamais sur l’économie globale, qui concerne tant l’industrie, l’agriculture que le tourisme. Avec des comparaisons internationales qui n’ont jamais été faites, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs car il y avait toutes les ressources nécessaires, notamment la Convention alpine, mais tout cela n’a jamais été agrégé, sans doute car nous sommes mauvais en langue ! », plaisante le plus facétieux des députés.

Cela ne l’empêchera pas de traiter « les urgences », « d’écrire des notes d’alerte » sur la situation des stations françaises au regard, par exemple, des coûts de l’énergie« Il y a un certain nombre d’opérateurs, qui, entre octobre et décembre, ont multiplié par dix les prix de l’électricité alors que maintenant ils sont redevenus plus acceptables, et qui refusent toute renégociation », tempête Joël Giraud.

Une idée derrière la tête : achever le travail

Pour anticiper les effets du dérèglement climatique, la montagne doit trouver un nouveau modèle économique. Aucune solution miracle n’a encore émergé ; beaucoup s’y sont cassé les dents. L’herbe est-elle plus verte ailleurs ? En tout cas, il existe des modèles inspirants et le parlementaire entend lorgner du côté de la Suisse pour ses délégations de service public jugeant les françaises « compliquées et obsolètes».

Outre la gouvernance, il pourra aussi puiser des idées de l’étranger en matière de diversification, de parcours client et de transition écologique. « L’idée, c’est de regarder là où il y a des succès en termes de villégiature en montagne. Certes on y fait du skie en hiver et des activités sportives en été, mais on y va aussi toute l’année. Ce qui signifie qu’il faut avoir une réflexion aussi sur l’hôtellerie de proximité, sur tout ce qui chez nous ferme le 10 avril ! »

La montagne, il la rêve en lieu de villégiature où se ressourcer, loin du greenwashing, et source d’emplois pérennes. La filière bois, sous-structurée en France, fait partie des pistes à creuser. « Nous disposons d’une très grosse surface forestière en montagne, et on fait quoi ? », s’interroge-t-il.

Pendant les six prochains mois, Joël Giraud va voir du pays et se creuser les méninges. Ne craint-il pas que son rapport ne finisse sur une pile de dossiers ? « En général, quand je fais quelque chose, ça finit rarement de cette manière. Je suis un peu accrocheur. D’autant plus que ce sujet intéresse beaucoup de gens, concerne une superficie considérable en France, un grand nombre d’habitants et des Régions plutôt puissantes : Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine. »

Il a évidemment une idée derrière la tête : achever le travail commencé par ses soins en qualité de ministre, mais pas poursuivi par ses successeurs. Des territoires dépourvus d’ingénierie ont pu en bénéficier grâce au Plan Avenir Montagnes. Ils ont imaginé des projets qu’il s’agit désormais de financer, « et pas seulement avec des crédits de droit commun ». Faut-il y voir un désir de voir instaurer un opus 2 du plan montagne ? Certainement, « mais plus large, qui traite de sujets qu’on a abordés en off, mais pas véritablement ». Joël Giraud pense aux routes de montagne qui s’effondrent avec le changement climatique. Les traiter, c’est bien. Anticiper, c’est mieux. Comprendre par là structurer des itinéraires alternatifs, moins soumis à risques pour éviter d’enclaver tout une vallée. Car une catastrophe arrive rarement de manière isolée.

L’argent, il faut le trouver. Le député juge pertinent le système paritaire Etat-Région, « c’est de la planification territoriale au sens classique du terme. »Mais il ne s’agit pas de mettre de côté le Fonds vert : « Il faut quand même qu’il serve à la résilience en montagne, sinon ça n’a pas de sens ». De la même façon, Gemapi (gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations) pourrait très bien rentrer en jeu, à condition de l’élargir en incluant tous ceux qui en bénéficient indirectement, alors qu’elle est prélevée seulement « dans des endroits où il y a des dégâts ». C’est ce que l’on appelle la solidarité amont-aval, celle qui fait tant parler depuis que la guerre de l’eau s’est déclarée. Montagne terrain de jeu, montagne nourricière. Elle doit aussi y trouver son compte, forcément.

Article de Marie-France Sarrazin, le lundi 17 avril 2023 dans TPBM

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