L’article 50 du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 tendant à rationaliser la niche fiscale en faveur des entreprises qui pratiquent le mécénat a récemment fait l’objet de critiques tendant à montrer qu’il s’agirait d’une remise en cause massive de ce dispositif. Qu’en est-il ? La réduction d’impôt dont il s’agit a un coût d’environ 800 à 900 millions d’euros aujourd’hui, 10 fois plus qu’en 2004 – elle constitue la 5ème dépense fiscale la plus coûteuse en 2018 portant sur la fiscalité des bénéfices des entreprises. Ce succès doit être salué, il est sans aucun doute lié au fait que ce dispositif est, dans son genre, le plus généreux de tous ceux existant dans des pays développés comparables à la France, comme l’a souligné la Cour des comptes en novembre 2018. Une autre des caractéristiques du dispositif français est la très forte concentration de l’avantage fiscal sur les plus grandes entreprises. Si environ 70 000 entreprises ont bénéficié du dispositif en 2017, les 250 très grandes entreprises ont capté 55 % du montant de l’avantage fiscal. Il y a d’ailleurs lieu de se réjouir d’un lien ainsi créé entre les entreprises et les acteurs nationaux de la solidarité et de l’action philanthropique. L’article 50 du PLF 2020 se borne à limiter le montant de la réduction d’impôt à 40 % des dons consentis, au lieu de 60 %, pour la seule partie des dons supérieure à 2 millions d’euros. Autant dire que seules 78 très grandes entreprises seraient impactées, alors qu’elles vont bénéficier dès l’année prochaine d’une baisse de l’impôt sur les sociétés (IS) qui couvrira cet impact dans la plupart des cas (sans même parler des années qui suivront pendant lesquelles ce taux d’IS continuera de baisser, comme le prévoit le PLF pour 2020, pour atteindre 25% à compter de 2022). Ces très grandes entreprises donneront-elles moins dans ces conditions ? Nous faisons le pari que non, elles auront largement les moyens de maintenir leur générosité, sinon de l’accroître – le système français va demeurer le plus généreux en la matière. Nous ne leur faisons pas en outre le procès d’intention de penser que ces entreprises donnent dans le seul objectif de bénéficier d’une niche fiscale. Il faut également souligner que le nouveau taux de 40 % ne concerne pas le périmètre « Coluche », soit les dons consentis au profit des organismes sans but lucratif aidant à titre gratuit les personnes en difficulté (fournitures de repas à titre gratuit, aides apportées au logement, fournitures de soins médicaux dans une acception large). Pour ces dons, que le législateur et la société privilégient déjà s’agissant des dons des personnes physiques, l’avantage fiscal consenti aux entreprises est maintenu à 60 % quel que soit leur montant. Au total, la proposition du Gouvernement est mesurée, ciblée et raisonnable – elle va moins loin que les préconisations de la Cour des comptes émises à la fin de l’année 2018. En la matière, il est temps d’être cohérent : on ne peut pas sans cesse appeler à la vertu en matière de niches fiscales et refuser en bloc le dispositif qui nous est proposé, dont le débat parlementaire montrera sans doute qu’il peut être amélioré et aménagé. Il faut également être lucide. La Cour des comptes a montré, dans un récent contrôle demandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale concernant la Fondation agir contre l’exclusion, que l’avantage fiscal avait été dévoyé au bénéfice de grandes entreprises dans des situations où manquaient clairement le désintéressement et l’éthique la plus élémentaire. C’est en ce sens qu’il faut prendre garde à l’instrumentalisation de la générosité par des entreprises qui poursuivent d’autres buts. Le législateur est dans son rôle en exigeant, à propos de coûts non négligeables pour les finances publiques, mesure, rationalité et vigilance. Il ne doit pas manquer l’occasion d’appliquer ces principes.