Taxe sur les géants du numérique : Joël Giraud à l’offensive malgré la pression américaine

Joël Giraud, rapporteur général du budget, porte fièrement la taxe française sur le numérique
Joël Giraud, rapporteur général du budget, porte fièrement la taxe française sur le numérique

En ce lundi 8 avril débutait l’examen en séance publique du projet de loi créant une taxe sur les services numériques et modifiant la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, l’occasion pour Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances et rapporteur du texte, de s’exprimer à la tribune de l’Assemblée Nationale.

Le député des Hautes-Alpes a commencé par rappeler l’importance de l’article 2 de ce texte de loi qui prévoit le maintien pour 2019 et pour les grandes entreprises du taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS) a 33,33%. Cette disposition permettra de dégager 1,7 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires pour l’exercice en cours afin de financer les mesures d’urgence sociales et fiscales prises à la fin de l’année 2018.

Joël Giraud a insisté sur le fait que ce choix ne remet absolument pas en cause l’objectif d’abaisser à 25% le taux de l’IS pour toutes les entreprises à l’horizon 2022. De plus, cela ne concerne que les 765 plus grandes entreprises (sur plus d’1,4 million), celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros. En outre, toutes bénéficieront du taux de 28% sur les 500 000 premiers euros de bénéfice, pour ne pas nuire à leur développement.

Ensuite, le rapporteur général du budget a plus largement abordé l’article 1er portant création d’une taxe sur les services numériques (TSN). Cette taxe repose sur un principe simple : elle porte sur les services dans lesquels ce sont les utilisateurs qui, a travers leur « travail gratuit », sont essentiels à la création de valeur. Sont ainsi concernes les services d’intermédiation, comme les sites de rencontre ou les places de marché, et les services de publicité ciblées qui s’appuient sur les données des internautes.

Y sont assujetties les entreprises qui génèrent pour les services taxables plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial et 25 millions d’euros au niveau national. Un taux de 3% uniforme est appliqué à toutes les entreprises redevables. La taxe devrait donc concerner une trentaine de groupes internationaux pour un produit estimé à 400 millions d’euros en 2019.

Elle a pour but de répondre au nouveau défi fiscal posé par l’économie dématérialisée qui accentue la dissociation entre le lieu où la valeur est créée, en l’occurrence la France, et celui où elle est imposée, c’est-à-dire souvent dans un paradis fiscal ou aux États Unis, d’où l’offensive de dernière minute de l’administration Trump contre le gouvernement français mais aussi le Président et le Rapporteur Général de la commission des Finances… qui n’a fait que renforcer leur conviction.

Si Joël Giraud a rappelé que cette taxe garde un caractère temporaire, en attendant une solution internationale dans le cadre des négociations menées au niveau de l’OCDE, la France se devait d’être pionnière en la matière. Pionnière mais pas seule, puisque de nombreux pays travaillent à la mise en place d’une taxe similaire.

Grâce au travail réalisé la semaine dernière en commission des finances, dont s’est félicité Joël Giraud, le dispositif initial a été amélioré.

Par un amendement déposé par le rapporteur général, les services exclus ont été précisément définis, notamment les bourses d’enchères dans la publicité programmatique mais aussi, pour tenir compte de l’avis du conseil d’état, certains services financiers. Le mécanisme initial de conversion monétaire a également été perfectionné pour tenir compte désormais des variations de change dans l’année. Les modalités déclaratives et de paiement ont elles aussi été améliorées, notamment à travers l’inscription dans la loi, par l’adoption de l’un des amendements portés par Joël Giraud, de l’assiette des pénalités applicables en cas de modulation à la baisse excessive des acomptes.

La commission a dans le même temps rendu plus opérationnel et sécurise le contrôle de la TSN. En particulier, le délai de reprise de l’administration a été porté à 6 ans, ce qui garantira le contrôle efficace des redevables. Dans le souci de ne pas pénaliser à l’excès les redevables, la mise en demeure préalable à une éventuelle taxation d’office a été étendue. La déductibilité de la TSN de l’assiette d’une autre taxe, connue sous le nom de « taxe youtube », a été supprimée pour ne pas réduire les ressources du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) auquel le produit de cette autre taxe est affecté. Enfin, il est prévu que le gouvernement présente chaque année l’état des négociations internationales en cours afin que le parlement conserve un droit de regard sur la perspective de la mise en place d’une solution internationale de substitution à la taxe sur les services numériques.

Le député des Hautes-Alpes a conclu en encourageant ses collègues à affirmer aux yeux du monde la volonté de la France sur ces questions de justice fiscale en soutenant ce projet de loi et en l’enrichissant de toute amélioration qui pourrait s’avérer utile.

A ce titre, il regrette que le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine ait adopté une position purement idéologique en déposant une motion de renvoi en commission sur un texte qui a vocation à fédérer les parlementaires au-delà des logiques partisanes autour d’une double nécessité : adapter la fiscalité à l’économie numérique et faire preuve de la célérité de la France qui est à la tête de ce combat au niveau mondial.

L’intervention de Joël Giraud, rapporteur du projet de loi