Le 4 octobre, la commission des Finances a auditionné Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, sa première audition sous cette législature. Le rythme régulier de ces auditions se justifie par les différentes étapes du cycle annuel budgétaire mais aussi par l’actualité européenne dense. Ci-dessous mon intervention :
Les défis que doit affronter l’Europe sont nombreux :
– défi monétaire avec la nécessaire réforme de la gouvernance de la zone euro, défi fiscal avec l’indispensable harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés et la lutte contre l’optimisation fiscale agressive, défi budgétaire et de la dette avec notamment le sujet de la Grèce.
Mais au-delà de ces défis, il faut aussi donner un contenu au projet européen dans lequel les populations puissent se retrouver. Je salue à ce titre le discours qu’a tenu le président de la république à la Sorbonne.
J’ai trois questions à vous poser sur chacun de ces défis.
1) ma première question porte sur le défi monétaire. Une zone monétaire commune sans budget fédéral commun suffisant suppose qu’il n’y ait pas de déséquilibres macroéconomiques importants entre les balances commerciales des différents pays.
Pouvez-vous confirmer que la commission européenne a identifié des déséquilibres macroéconomiques concernant l’Allemagne, en particulier s’agissant des excédents commerciaux ? et pouvez-vous rappeler les recommandations que la commission européenne a adressées à l’Allemagne pour corriger ses déséquilibres ?
Je voudrais connaître votre sentiment sur le départ de Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, et sur les conséquences que cela peut avoir en Europe. J’ai interrogé hier sur ce point Bruno Le Maire. Et j’aimerais également avoir votre point de vue.
Pouvez-vous aussi nous éclairer sur les conséquences qu’aurait la nomination d’un ministre libéral au poste de ministre des finances en Allemagne ?
D’une manière générale, pouvez-vous nous indiquer quels pourraient être les voies d’un compromis avec l’Allemagne pour une réforme de la zone euro ?
2) ma deuxième question porte sur le défi fiscal et plus particulièrement sur le serpent de mer de l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, le fameux projet « ACCIS ».
Pouvez-vous nous indiquer précisément les points de blocage et le calendrier prévu ? où en sont les négociations sur les propositions de directive ACCIS ?
Je voudrais aussi appeler votre attention sur deux points plus techniques, mais néanmoins cruciaux : le crédit d’impôt recherche et les normes comptables.
La proposition ACCIS prévoit une super déduction des dépenses de recherche. Ce dispositif sera-t-il compatible avec notre crédit d’impôt recherche ?
Par ailleurs, l’harmonisation de l’assiette de l’impôt ne suffira pas s’il n’y a pas aussi une harmonisation totale des règles comptables en Europe.
Un groupe de sociétés pourrait se trouver confronté, d’un état à l’autre, à l’application de règles différentes pour les mêmes situations (par exemple s’agissant des charges déductibles).
L’objectif de simplification poursuivi par l’ACCIS ne risque-t-il pas de pâtir de ces défauts ?
Enfin sur le numérique, que pensez-vous de l’idée de créer une notion d’établissement stable numérique et de l’introduction dans la formule de répartition de l’assiette d’un critère reposant sur les données ?
Que pensez-vous de l’idée alternative consistant à créer une taxe sur le chiffre d’affaires des acteurs du numérique, ou encore sur les transactions numériques, voire sur les revenus tirés de la publicité en ligne ?
3) enfin sur le défi budgétaire et de la dette souveraine, je voudrais vous interroger sur la Grèce et la France ?
J’observe que la Grèce est sortie de la procédure de déficit excessif avant nous. Pensez-vous que le temps soit venu de renégocier la dette grecque pour abattre définitivement cette épée de Damoclès qui menace le projet européen ?
Pour ce qui concerne la France, j’observe que l’année dernière à la même époque vous aviez été plus optimiste que le haut conseil des finances publiques. Et vous aviez raison. Vous aviez indiqué qu’un retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB était « jouable ». Maintenant que la partie est terminée, pensez-vous que le but a été atteint ? que pensez-vous de la prévision de déficit pour 2018 et du rythme de réduction des déficits proposé pour les années à venir par le gouvernement français ?