Le changement climatique est particulièrement prégnant dans les territoires de montagne.
L’élévation des températures deux fois plus rapide que dans le reste du territoire métropolitain ou
encore la fréquence et l’intensité des risques naturels ont des impacts irréversibles sur les activités
humaines, les infrastructures, mais aussi les ressources et les milieux naturels. Ces réalités sont
connues aujourd’hui, objectivées mais pas toujours comprises dans une approche systémique
voire acceptées.
En complément des premières réponses apportées par le Plan Avenir Montagnes (PAM) lancé en
2021, la lettre de mission signée par la Première ministre le 17 mars, 2023 fixe pour objectif de
définir les conditions et les possibilités de développement économique de l’ensemble des filières
en alternative au modèle ski qui symbolise aujourd’hui encore l’économie de la montagne. Elle
appelle à formuler des propositions pour que ces territoires mobilisent davantage les outils
d’aménagement. Pour ce faire, il est attendu un diagnostic des évolutions récentes et de la diversité
des modèles de développement observés en faisant référence aux politiques publiques de nos
partenaires européens.
Les massifs de montagne couvrent 30 % de la France métropolitaine et accueillent 13,5 % de sa
population (8,8 millions d’habitants). Ils fondent leur identité et leur singularité sur des
caractéristiques naturelles particulières liées à l’altitude, à la pente et au climat. S’ils constituent un
ensemble biogéographique spécifique, les massifs de montagne sont extrêmement diversifiés et
appellent des démarches territoriales adaptées.
Depuis plusieurs décennies, la montagne constitue un axe majeur de la politique d’aménagement
du territoire dont les spécificités sont reconnues dans l’article 174 du traité de Lisbonne et au
niveau national dans les lois « montagne » de 1985 et 2016. Elles ont doté ces territoires
d’institutions et d’outils spécifiques (Conseil national de la montagne, comités de massif, schéma
interrégional d’aménagement et de développement du massif).
Ces territoires ont été modelés à l’aune des « plans neige » des années 1960-70 essentiellement
axés sur la massification de l’activité ski. Ce modèle est aujourd’hui remis en cause par le
changement climatique qui bouleverse les équilibres. Cela appelle à une rupture là où il ne peut
plus être question de reconduction du modèle ancien. L’économie de ce modèle reposait sur deux
fondements : la construction d’hébergements touristiques et l’exploitation des remontées
mécaniques.
La spirale inflationniste consistant à créer de l’habitat touristique a mis à la porte de leur territoire,
des générations de montagnards et a empêché d’autres de venir s’y installer, un phénomène
encore aggravé en zone frontalière.
Si ces évolutions inéluctables affectent l’ensemble des territoires de montagne, Il faut y apporter
des réponses réalistes, sans tabou, loin des clichés urbains, souvent véhiculés par les médias
nationaux, une réponse adaptée pour celles et ceux qui y vivent ou ont choisi d’y vivre.
Pour repenser la montagne française dans sa globalité et réinventer un avenir pour ces territoires,
l’auteur du rapport propose de bâtir un plan ambitieux, « Plan Montagne 2030 ». Il fonde sa vision
sur trois postulats :
la montagne est un objet en soi qui ne se confond pas avec la ruralité ;
eu égard aux enjeux qui lui sont propres, elle doit bénéficier d’un traitement spécifique très
tôt reconnu dans les lois montagne mais avec l’ambition de rechercher leur pleine
application au titre du droit à la différenciation voire « de dérogation » comme énoncé par le Président de la République ;
dans le contexte de changement climatique, la montagne a vocation à accueillir
durablement une population permanente et active tout en conservant son attractivité
nationale et internationale qui contribue à solvabiliser les services pour cette population.
Pour bâtir son analyse, le rapporteur a mené un large dialogue dans les six massifs de montagne
de France métropolitaine. Il a rencontré, écouté et débattu avec plus de 300 acteurs, qu’ils soient
élus, opérateurs économiques et associatifs, habitants.
Dans un premier temps, le rapport dresse à grands traits, un bref état des lieux des zones de
montagne à l’aide d’une sélection d’indicateurs permettant d’appréhender la variété des six massifs,
mais aussi et surtout leurs points de convergence qui les différencient d’autres territoires et qui font
de la montagne un enjeu territorial à part entière. Il évoque et illustre les dynamiques existantes,
comme autant de points d’accroches potentiels à de nouvelles actions, et les points de fragilité
issus de la persistance de handicaps non résolus. Il confronte ce constat aux nouvelles menaces
induites par le changement climatique qui pèsent sur les économies montagnardes, plus marquées
que d’autres territoires.
La seconde partie du rapport est conçue comme une mise en mouvement de la montagne en
quête de nouveaux modèles de développement. Elle explore tout d’abord les facteurs clefs pour
récréer des conditions attractives de vie en montagne pour une population permanente et active tout en
visant à améliorer les conditions d’accueil des saisonniers. Pour l’emploi et la formation, l’accès
au logement et la mobilité, le rapport formule 14 recommandations opérationnelles et applicables
rapidement.
S’il ne s’agit pas de sortir systématiquement et radicalement du modèle ski, le rapport trace les
voies pour accompagner une sortie apaisée tout en prenant en compte la diversité des situations. Compte
tenu de la part sensible de l’activité ski dans la production de richesse du secteur du tourisme, le
rapport propose de bâtir de nouvelles chaînes de valeurs fondées sur l’émergence de pratiques
touristiques plus résilientes et à faible impact économique débordant sur les ailes de saisons, la
valorisation des aménités des territoires de montagne, la maîtrise territoriale des enjeux de production d’énergie, le développement de l’économie circulaire en valorisant les produits de montagne reconnus notamment par des signes de qualité, la redynamisation de l’outil industriel avec
l’émergence de clusters valléens.
Pour réunir les conditions de réussite de cette évolution sans retour et l’émergence de nouveaux
équilibres, le rapport recommande de faire confiance aux populations des territoires de montagne, au
premier rang desquelles les élus locaux, pour définir les actions les plus adaptées afin de répondre aux enjeux de demain. Pour cela, l’adaptation de la gouvernance est nécessaire ainsi que le maintien voire le
renforcement des moyens d’ingénierie au plus près des territoires. Pour répondre aux réalités
locales, l’évolution des normes est à conduire dans l’esprit de la différenciation voire du droit à
« la dérogation » reconnue par le Président de la République. Il faut également repenser les instruments financiers en faveur des collectivités de montagne dans un contexte de solidarité réciproque des territoires bénéficiant des aménités rendues par les communes de montagne.
Afin d’éviter l’écueil constaté de la non application de volets entiers des lois montagne et insuffler
un réflexe « montagne » dans l’ensemble des politiques publiques, une coordination
interministérielle volontariste est recommandée