L’ancien ministre Eric Woerth est l’auteur d’une tribune parue ce dimanche dans le Journal du Dimanche, intitulée « Vers une nouvelle citoyenneté« . Selon lui, l’accumulation des crises et défis actuels mobilisent notablement la société française, et le moment est donc venu « de définir les contours d’une nouvelle citoyenneté ».
« Une nouvelle citoyenneté ?
Le changement climatique implique un changement sociétal. L’accumulation de crises de toute nature rythme l’actualité quotidienne bien au-delà de nos frontières. Inévitablement, elle crée des incertitudes, des tensions, de profonds questionnements. Va-t-on vivre moins bien ? Nos enfants connaîtront-ils la paix ? Comment se protéger, produire, travailler, réduire les inégalités ? En Europe, aux Etats-Unis, en France, partout, ces questions se posent dans le temps court et dans le temps long.
L’immobilisme, et le Président de la République a raison, n’est pas une option et les débats souvent superficiels qui nous opposent épuisent l’énergie du pays au détriment de la construction de notre avenir commun. Toute perte de temps érode le capital économique, culturel, social de notre nation.
Ce moment est une formidable «chance» pour définir les contours d’une nouvelle citoyenneté. Paradoxalement, rarement les Français n’ont partagé autant d’objectifs communs : redonner du sens au travail, combattre le réchauffement climatique, lutter contre les désordres et simplifier la vie de tous les jours. Plus précisément, la réduction de notre empreinte carbone, la réindustrialisation, la garantie de notre modèle intergénérationnel de retraite, la juste rémunération de l’« utilité sociale », l’égalité des chances, le partage de la valeur sont en réalité des objectifs largement partagés ! Toutes nos vies : vie privée, vie professionnelle, vie publique sont concernées. Familles, entreprises, institutions, personnen’est spectateur. Tous sont parties prenantes ! Chacun le perçoit bien. Encore faut-il révéler cette perception pour passer de la conflictualité ambiante à une nouvelle citoyenneté. En résumé, moins d’individualisme et plus de citoyenneté !
C’est la première fois depuis longtemps que nous pouvons travailler à un projet national. Construire cette nouvelle citoyenneté pour réussir la transformation de la France, c’est aller plus loin que le seul empilement des réformes ! Un récit national peut aujourd’hui exister et éclairer des réformes qui seront mieux comprises ! Et si nous avons une occasion de donner autant de sens aux réformes nécessaires, nous avons en parallèle une occasion unique d’engager un dialogue national en revivifiant notre démocratie. Non, les démocraties ne sont pas condamnées à s’affaiblir. On peut évidemment faire vivre ensemble les libertés et l’autorité, l’humanisme et la maîtrise des frontières, l’identité d’un pays et son ouverture, la laïcité et la religion…
Cette étape fondamentale de notre évolution démocratique doit s’accompagner d’une réforme profonde de nos institutions en alliant rapidité de décision et concertation, verticalité et proximité. La Vème République est verticale par nature et la réduction à cinq ans du mandat du Président de la République oblige à privilégier la vitesse de décision. Pour « adoucir »cette verticalité nécessaire, la mise en œuvre d’une étape décisive de décentralisation s’impose. Les principes pourraient être, sans remettre en cause les différentes strates de collectivités locales, sujet inutilement polémique, de supprimer les chevauchements de compétences, d’élargir celles-ci en permettant les différenciations territoriales, d’admettre que le pouvoir de décider implique d’en assumer la responsabilité ! Enfin, la fiscalité et la gestion des ressources humaines seraient profondément modifiées. Plutôt que de supprimer au fur et à mesure des impôts locaux et de les compenser en déshabillant la TVA, on pourrait imaginer un partage garanti par la Constitution des grands impôts nationaux auxquels on ajouterait un impôt foncier national. Quant à la fonction publique territoriale, sa gestion serait confiée aux collectivités locales elles-mêmes. J’ajoute que, pour contrebalancer la « verticalité » du Président de la République, le Parlement pourrait se saisir plus complètement des pouvoirs d’évaluation et de contrôle qui sont déjà les siens.
La possibilité d’une nouvelle citoyenneté n’a jamais été aussi forte. Il y a plus de bon sens et de profondes convergences qu’on ne le croit dans la société française. Il faut savoir les identifier, les faire émerger et les utiliser comme une énergie nouvelle. C’est à cette condition que des accords politiques pourront se conclure au sein de l’arc républicain. Le moment est venu d’ « augmenter » notre futur.
Eric WOERTH »