Dix-neuf députés LREM dont Olivia Grégoire, Laurent Saint-Martin et Joël Giraud, lancent dans l’Opinion un appel à leurs collègues pour la seconde moitié de leur mandat : « Le pouvoir nous est un don provisoire pour nous permettre de changer la France, et non pas de garder nos places ».
Jeudi, l’Assemblée nationale a adopté le troisième projet de loi de finances de la législature, dans l’indifférence. Le débat politique se focalise sur la réforme des retraites, tout le monde s’est déjà habitué à ce que le budget soit contenu sous le seuil des 3 %, à ce que l’économie ait retrouvé son attractivité et à ce que le chômage baisse – trois critères à l’aune desquels le quinquennat précédent était considéré comme un échec.
Encore cette année, personne ne semble se féliciter de ce qui a été accompli dans ce PLF où nous avons enclenché une baisse d’impôt massive pour la classe moyenne, la première baisse de l’impôt sur les sociétés depuis 1993 ou encore une série de mesures fiscales écologiques concrètes pour encourager la transition énergétique des logements et décourager les transports polluants… Peu de voix s’élèvent enfin pour souligner la plus belle embellie cette année du pouvoir d’achat depuis douze ans, et qui se poursuivra en 2020.
C’est une frustration à laquelle tous les députés de la majorité, et la commission des finances au premier chef, ont dû s’habituer. A mi-mandat exact ment, nous avons désormais bien compris que ce qui intéresse les médias ou l’opposition, ce sont les problèmes, rarement les solutions, encore moins leur résolution.
Notre pays s’est tellement habitué par le passé à « tant débattre pour faire si peu », écartelé entre un discours libéral pour qui tout changement sera insuffisant et un discours social pour qui tout changement sera excessif, que l’on en est venu à considérer comme presque illégitime qu’une majorité applique le programme sur lequel elle a été élue. Qu’elle l’applique strictement, consciencieusement, conformément à l’engagement qu’elle avait pris devant les Français en 2017.
Le débat sur les retraites est à ce titre symptomatique. Voilà des décennies que les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, soulignent l’injustice et l’inefficacité du système actuel. Mais la droite comme la gauche voient dans la réforme actuelle une occasion de faire de la politique, préfèrent infliger un revers à la majorité qu’assurer l’avenir de la France.
Le danger qui nous guette serait de tomber dans ce travers français qui consiste à ne rien faire. Certes, il suffirait d’enterrer la réforme sous quelques couches de milliards et d’attendre tranquillement 2022.
Mais ce serait une erreur stratégique majeure et, si la majorité a appris les codes de la politique, elle peut s’enorgueillir d’en refuser les calculs.
Pour la seule commission des finances, les chantiers restent aussi conséquents que nécessaires : le sérieux budgétaire est une conquête et non pas un acquis ; la taxe sur les GAFA doit être pérennisée ; il faut poursuivre avec force la baisse de l’impôt sur les sociétés. Et cela sans même parler des chantiers qu’il faut encore ouvrir, comme, en matière fiscale, sur les impôts de production ou, en matière financière, la loi organique sur les lois de finances.
La force de notre majorité c’est que, même à mi-mandat, elle demeure composée de personnalités qui continuent de voir la politique comme une étape de leur vie et non comme une fin. Capable de vivre avec l’indifférence, parce qu’elle ne se bat pas pour la reconnaissance mais pour l’efficacité.
Notre avantage et notre désavantage, c’est que nous n’avons pas cherché à conquérir le pouvoir, nous l’avons reçu et nous ne l’avons jamais considéré comme un dû. Il nous est un don provisoire pour nous permettre de changer la France, et non pas de garder nos places.
Les signataires :
Olivia Grégoire (Paris), Laurent Saint-Martin (Val-de-Marne), Joël Giraud (Hautes-Alpes), Nadia Hai (Yvelines), Daniel Labaronne (Indre-et-Loire), Anne-Laure Cattelot (Nord), Xavier Paluszkiewicz (Meurthe-et-Moselle), Olivier Damaisin (Lot-et-Garonne), Cendra Motin (Isère), Stella Dupont (Maine-et-Loire), Dominique David (Gironde), Perrine Goulet (Nièvre), Catherine Osson (Nord), Marie-Christine Verdier-Jouclas (Tarn), Olivier Gaillard (Gard), Xavier Roseren (Haute-Savoie), Valérie Petit (Nord), Fabrice Le Vigoureux (Calvados), Benoît Potterie (Pas-de-Calais), Francis Chouat (Essonne)