Le projet de loi de Finances pour 2020 arrive mardi prochain en commission des Finances de l’Assemblée nationale. Fin des « trous noirs fiscaux », suppressions de petites taxes, crédit d’impôt recherche : le rapporteur général Joël Giraud, personnage influent de la majorité, travaille à plusieurs aménagements au texte.
C’est bientôt parti pour les traditionnels deux mois et demi de marathon budgétaire. A partir de mardi prochain, la commission des Finances de l’Assemblée nationale va examiner le projet de loi de finances (PLF) pour 2020, dont l’adoption est prévue en décembre. Même si les membres de la majorité conviennent qu’il ne s’agit pas d’un « budget de transformation », le texte contient malgré tout suffisamment de nouveautés pour aiguiser l’appétit d’amendements des députés, notamment ceux de Joël Giraud, le rapporteur du budget de l’Assemblée.
Petite revue des changements qui pourraient être impulsés par l’influent député LREM des Hautes-Alpes :
· La fin des « trous noirs fiscaux »
La Cour des comptes a montré, dans un rapport en mai, qu’une niche fiscale sur trois n’était pas chiffrée dans le budget . Pour certaines d’entre elles, on ne connaît pas non plus le nombre de bénéficiaires. C’est ce que Joël Giraud appelle les « trous noirs fiscaux ». Il veut y mettre fin en déposant un amendement de suppression pour une quarantaine de niches pour lesquelles ni le coût ni le nombre de bénéficiaires ne sont connus. La liste contient quelques perles, comme l’exonération de la prime des Prix Nobel… créée pour inciter les chercheurs à devenir Prix Nobel. « Certaines de ces niches ne seront pas supprimées, au final. Mais c’est un amendement de principe, parce qu’il est inacceptable de ne pas disposer de ces informations », explique le député des Hautes-Alpes.
· Haro sur les petites taxes
Dans le projet de budget, le gouvernement a prévu de supprimer 18 petites taxes trop complexes ou jamais appliquées, après en avoir déjà fait disparaître 26 l’an dernier. Le groupe LREM pourrait toutefois rajouter à la liste une dizaine d’autres dispositions. Le député Laurent Saint-Martin travaille à la question (il pense, notamment, à la taxe funéraire et à celle sur les boissons non sucrées contenant des édulcorants), soutenu par Joël Giraud. Celui-ci veut obtenir la fin de la taxe sur les mariages (125 euros de droits fixes d’enregistrement pour le régime matrimonial), qui rapporte 10 millions par an. Par souci d’équité, il veut également faire une fleur fiscale aux divorcés : un amendement serait prévu pour réduire la taxe frappant les biens mis en partage lors du divorce. Le taux serait baissé de 2,5 % à 1 %, soit son niveau avant une hausse décidée sous François Hollande.
Depuis le début du quinquennat, le gouvernement a imposé une sévère cure d’amaigrissement aux chambres de commerce et d’industrie. Cette fois, ce sont les chambres d’agriculture qui se voient imposer des économies. Le PLF prévoit une baisse de 45 millions d’euros d’une de leurs sources de financement (la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti). Cette réduction de 6 % de leur budget a suscité une levée de boucliers, et les députés pourraient adoucir la mesure. Un rapport sur ses conséquences pourrait être demandé, avec, en attendant, quelques compensations (comme le renforcement du fonds de péréquation ou un prélèvement sur les fonds de roulement des chambres les plus importantes).
· Le crédit impôt recherche toujours dans la lumière
Alors qu’il expliquait vouloir limiter le crédit impôt recherche (CIR) pour limiter les abus des grands groupes, Joël Giraud se contentera de demander un rapport pour documenter la situation. Il est vrai qu’à l’été, le gouvernement avait consenti à un petit geste (réduire le forfait des dépenses de fonctionnement) en signe d’apaisement. Mais le rapporteur du budget devrait malgré tout réclamer quelques mesures additionnelles, notamment « d’étendre cette limitation du forfait des dépenses de fonctionnement à d’autres dépenses (comme les dépenses « jeunes docteurs ») ». Il veut également exclure du champ du CIR certaines dépenses ne relevant pas de la R&D (gestion des brevets, frais administratifs et juridiques…).
· Agitation autour du gazole non routier
Après avoir dû renoncer, il y a un an, le gouvernement a remis sur la table la fin de l’avantage fiscal concédé au gazole non routier (GNR) . Cette fois, la suppression se fera en trois ans et avec quelques mesures de compensation (notamment un dispositif de suramortissement pour faciliter l’achat de matériel moins polluant). Le rapporteur général entend peser pour que ce suramortissement soit plus généreux pour les petites entreprises l’an prochain. Par ailleurs, il aimerait que les véhicules hybrides puissent être concernés par ce dispositif pour certains secteurs. Les stations de ski se plaignent ainsi de ne pas pouvoir trouver des dameuses électriques.
· Les crédits d’impôt pour la culture dans le collimateur
Joël Giraud a depuis longtemps les crédits d’impôt accordés à la culture dans le viseur. Son coup de rabot devrait se limiter à ce qu’il appelle une « moralisation » du crédit d’impôt cinéma. Evalué à 169 millions d’euros dans le budget, cet avantage fiscal concerne les dépenses pour les tournages réalisés en France. Le député, qui visiblement n’apprécie pas les « blockbusters » de Luc Besson, souhaite exclure de l’assiette les revenus des réalisateurs qui ne sont pas domiciliés fiscalement en France et encadrer les frais de bouche et de transport. Il souhaite repartir à la charge sur la question du plafonnement des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), révisées dans le budget, pour faire contribuer davantage les géants du numérique à la production cinématographique française. Cette option a pour l’instant été écartée par le gouvernement.
Par Renaud Honoré, Ingrid Feuerstein pour Les Echos