Il y a deux mois de cela, comme tous les habitants des Hautes-Alpes, j’apprenais, avec un décalage dans le temps par rapport à l’événement, le décès de Robert, à 88 ans.
J’ai eu, je le pense, la même réaction que vous tous : un instant de silence et cette tristesse spontanée et si évidente.
Il était parti … sur la pointe des pieds, dans l’humilité qui le caractérisait.
À pas lents, un peu vouté, trouvant appui sur sa canne pour soulager un « bobo à la cheville » attrapé en skiant dans le Queyras comme il l’avait confié lors d’une interview récente, il s’en est allé non sans se retourner une dernière fois pour saluer encore Briançon et les Hautes-Alpes qu’il aimait tant.
J’aurais voulu être à vos côtés mais la réunion interparlementaire de l’Union Européenne sur la stabilité financière requiert aujourd’hui ma présence en Estonie à Tallinn.
L’histoire de notre département se souviendra de l’Homme et aucun d’entre nous ne peut rester insensible à son parcours de vie.
Natif de Paris, puis venu de Normandie après une carrière professionnelle riche, où il avait occupé des postes à haute responsabilité dans la fonction publique, Robert a posé ses valises dans notre département par amour des Hautes-Alpes et de son épouse. Il fut un ardent ambassadeur du climatisme, Jeanine ayant eu besoin de bénéficier du climat favorable du briançonnais.
Maire de Briançon de 1983 à 1991, député de cette circonscription de 1981 à 1986, il a réveillé la citadelle qu’il trouvait un peu « endormie ».
Nous connaissons évidemment tous son acharnement à défendre les services publics et l’hôpital de Briançon, la desserte ferroviaire de notre région, les emplois de Pechiney ou la vallée de la Clarée.
Bien entendu, et tout le monde le sait, il a lancé le projet de l’aménagement du Prorel, inauguré, sans neige, le 11 février 1989, installant pour la première fois un terminal de remontées mécaniques en centre-ville, rattachant la ville à la station de Serre Chevalier et relançant ainsi le volet touristique d’un territoire menacé par les grandes mutations de la fin du 20ème siècle.
Enfin, en tant que député, il a su en 1985, faire adopter à l’unanimité du parlement la première loi Montagne, fondatrice de la spécificité de nos territoires.
Aussi, je vous laisse imaginer l’honneur et la fierté qui ont été les miennes lorsque, 30 ans après, j’ai marché dans ses pas pour faire adopter, dans des conditions similaires, l’acte 2 de la Loi Montagne.
Je n’oublierai jamais que, jusqu’ au dernier moment, il a préparé pour la loi travail les éléments qui m’ont permis d’inclure un volet complet sur la saisonnalité et la pluriactivité, son combat de toujours.
Je me rappellerai toujours, alors qu’il était déjà fatigué et risquait d’épuiser ses forces fragilisées, de son opiniâtreté pour rédiger les fiches-amendements pour améliorer encore ce texte.
C’est ainsi également que, très attaché au sort et au statut des saisonniers, il présida pendant 29 ans le Comité de Bassin d’Emploi, l’ADECOHD, employant entre 20 et 35 personnes dont 75 % de femmes, là encore une novation dans un Briançonnais à l’époque encore peu enclin à la parité chez les cadres supérieurs.
Politiquement engagé à gauche, rocardien dans l’âme et dans le cœur, il a su faire vivre le GAM (Groupe d’Action Municipale) de Briançon jusqu’à sa réussite aux élections législatives en 1981 et en 1983 son succès aux élections municipales de Briançon dont il fut le premier magistrat jusqu’en 1991.
Avec sa disparition les Hautes-Alpes perdent un grand homme.
Mais on n’est un grand homme qu’à la condition d’être un Homme d’abord, avec un grand H.
Et Robert de Caumont était de ceux-là.
En ces heures d’hommage, je me souviens de ses yeux malicieux, de son timbre de voix, de son rire, de ses fulgurances intellectuelles, de son souci de la perfection, de son goût pour la démocratie.
Robert était un homme à part, inclassable, courageux, frondeur et loyal à la fois, porteur d’idéaux nobles, amateur du verbe mais aussi et avant tout de l’action.
Robert nous a quittés, mais son souvenir ne nous quittera pas.
Et ce souvenir c’est celui de ce moment, pendant la campagne des élections européennes de 1994, au printemps, avec Michel Rocard, Robert et Jeanine, la famille Blanc-Gras d’Arvieux qui l’avait accueilli quand il était éclaireur, Jean-Claude Catala son fidèle compagnon et Conseiller Général du Queyras où nous gravissions ce chemin muletier qui conduit à Clapeyto au milieu des névés d’un printemps qui avait du mal à devenir un été où d’ailleurs Robert fit une belle glissade, pour simplement se ressourcer dans le bonheur et la joie simple d’un idéal partagé, devant la stèle du pasteur Cadier, où sont gravés les mots suivants :
« Soyez joyeux dans l’espérance,
Patients dans la détresse,
Persévérants dans la prière »
J’adresse à son épouse Jeanine avec lequel il formait un couple si fusionnel et à sa famille un témoignage d’affection, et je dis à ses enfants et ses petits-enfants qu’ils peuvent être fiers de porter son nom et son message.