Suite aux révélations parues dans la presse sur le faible montant d’impôt sur les sociétés acquitté par la société Airbnb, Joël Giraud a interrogé ce jour Bercy sur la situation fiscale de cette société et, plus largement, sur les moyens de prendre en compte ce type de situations.
Une atteinte à la justice fiscale
La distorsion manifeste entre l’ampleur de l’activité d’Airbnb sur le territoire français et la modicité de l’impôt acquitté, semble résulter d’un montage de planification fiscale agressive. Ce montage peut être rapproché de celui d’un autre acteur du numérique, Google.
Dans les deux cas, la filiale française se trouve réduite à des activités de marketing et de mise en relation, alors que c’est bien par son intermédiaire que les bénéfices sont réalisés.
La situation fiscale de ces acteurs, qui pourrait relever de l’abus de droit, ne peut perdurer. Les bénéfices dégagés par ces sociétés sur le sol français ne doivent pas échapper à une imposition dans notre pays. De surcroit, la faiblesse de la charge fiscale supportée en France par Airbnb conduit à une distorsion de concurrence par rapport aux autres acteurs du secteur, qu’il s’agisse des hôteliers ou des agences immobilières.
Une charge fiscale qui pèse essentiellement sur les utilisateurs
En outre, il serait paradoxal que la législation reste inchangée à l’égard des plateformes alors qu’elle a évolué vis-à-vis de leurs utilisateurs. Depuis trois ans, en effet, des efforts ont été réalisés pour améliorer la connaissance des revenus que les utilisateurs retirent des plateformes, notamment d’Airbnb. Une évolution asymétrique du droit conduirait à ce que le succès croissant des plateformes en ligne ne pèse, d’un point de vue fiscal, que sur les utilisateurs.
Des pistes internationales à moyen terme
Plusieurs initiatives internationales sont prometteuses.
La position commune à laquelle la France et l’Allemagne travaillent peut, à terme, déboucher sur une proposition concrète au niveau européen. À cet égard, le projet d’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés (ACCIS) permettrait une meilleure imposition des bénéfices par les juridictions fiscales au sein desquelles ils sont générés, à travers la répartition de l’assiette imposable tenant notamment compte du chiffre d’affaires réalisé. En outre, les travaux conduits par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques dans le cadre du projet « BEPS » (base erosion and profit shifting) ont conduit à la signature, le 7 juin dernier, de l’instrument multilatéral permettant d’adapter rapidement et substantiellement les conventions bilatérales en vigueur, sans avoir à les renégocier, afin de renforcer le lien entre le lieu de réalisation de bénéfices et celui de leur imposition.
La nécessité de trouver une solution à plus court terme
Toutefois, pour bienvenues qu’elles soient, ces initiatives s’inscrivent dans un temps relativement long, et leur aboutissement n’est pas assuré. Des solutions à plus court terme doivent être empruntées, parmi lesquelles une taxe assise sur le chiffre d’affaires des acteurs de l’économie numérique, ainsi que l’a suggéré, notamment M. Pascal Saint‑Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE.