Les 10 députés qui vont peser dans le quinquennat
Depuis un mois, la nouvelle Assemblée nationale fonctionne à plein régime. Certains députés, anciens ou nouveaux, ont déjà acquis un certain poids politique.
Ils sont membres de la majorité ou des cinq groupes représentant une opposition devenue plurielle, purs tribuns ou vrais techniciens, professionnels éprouvés de la politique ou nouveaux entrants dans le jeu parlementaire, parfaitement identifiés par l’opinion ou inconnus du grand public. Depuis l’installation des députés, il y a deux mois, ils ont déjà fait entendre leur voix par leur dimension médiatique, leur position institutionnelle ou leur poids politique à la tribune du Palais-Bourbon. Et ils ont l’intention de continuer tout au long de cette législature qui commence dans un climat houleux. Revue de détail des dix parlementaires qui vont jouer un rôle important dans une Assemblée nationale très largement renouvelée.
Richard Ferrand
Le député du Finistère devait être l’un des piliers du nouveau régime. On lui promettait les postes les plus prestigieux : ministre de l’Intérieur, président de l’Assemblée nationale ou chef du parti présidentiel… Las! Depuis l’élection présidentielle, tout s’est compliqué. Son affaire immobilière à Brest, qui fait l’objet d’une enquête préliminaire, l’a contraint à la démission du gouvernement et lui a barré la route du perchoir. Le voilà donc patron des 308 députés En marche! Non sans difficultés. « Il y a des députés inexpérimentés, capables de tout, estime un parlementaire de la majorité. Richard a du mal à tenir le groupe. »
Thierry Solère
C’est l’homme le plus haï au sein des Républicains. L’ancien organisateur de la primaire de la droite s’est fait élire au convoité poste de questeur de l’Assemblée au nez et à la barbe du groupe LR, avant de voter la confiance au gouvernement d’Edouard Philippe. Si les députés Les Constructifs ne pèsent guère à côté d’une majorité pléthorique, Solère peut s’appuyer sur son habileté politique, son aura médiatique et des réseaux puissants : les élus de droite qui composaient sa petite bande du « Bellota-Bellota » – du nom d’un restaurant où ils avaient pris l’habitude de se réunir – sont désormais Premier ministre, ministres ou conseiller à Matignon.
Aurore Bergé
Elle a beau avoir fait en juin ses premiers pas de députée, Aurore Bergé n’est pas une novice politique. A seulement 30 ans, c’est une habituée des médias, où la porte-parole du groupe LREM défend sans faillir la ligne de l’exécutif en multipliant les piques à l’adresse de son ancienne famille politique. Car elle a débuté sa carrière à l’UMP, où elle a adhéré après le 21 avril 2002. Sarkozyste en 2007, elle a fait campagne en 2016 aux côtés d’Alain Juppé. Après la victoire de François Fillon, elle rejoint En marche! et coupe les ponts avec Les Républicains en leur reprochant leur dérive droitière, ce qui lui vaut un procès en opportunisme de ses anciens amis.
Boris Vallaud
Ex-camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA, il se positionne [[aujourd’hui]] comme l’un de ses principaux opposants. Directeur de cabinet d’Arnaud Montebourg à Bercy à l’époque où Macron exerçait à l’Elysée, Vallaud avait remplacé ce dernier poste pour poste après la démission fracassante du ministre de l’Economie. Epoux à la ville de l’ancienne ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem, il offrait jusqu’ici plutôt le profil policé d’un haut fonctionnaire. Depuis son élection dans les Landes, il donne de la voix : il a été l’un des cinq députés socialistes à ne pas voter la confiance au gouvernement d’Edouard Philippe et se montre l’un des plus acerbes sur l’action de l’exécutif.
Jean-Luc Mélenchon
En quelques semaines, il s’est imposé dans l’hémicycle, avec sa phalange d’Insoumis, comme l’ennemi public numéro un du macronisme au pouvoir. L’ancien candidat à la présidentielle est sur tous les ballons : motions de rejet sur le projet de loi de moralisation, sac de course brandi en séance pour dénoncer la réduction de 5 euros des APL, départ groupé de l’Assemblée et, bien sûr, opposition radicale à la réforme du travail. « C’est un combat permanent contre la France insoumise qui fait de la guérilla parlementaire, estime un député En marche! Ils passent leur temps à gagner du temps, à demander des interruptions de séance, des scrutins publics. C’est dur. »
Yaël Braun-Pivet
Elle s’est déjà fait un nom à son corps défendant. Yaël Braun-Pivet, 46 ans, s’est piégée toute seule en critiquant vertement la passivité de ses collègues LREM… sans s’apercevoir que son micro était resté ouvert. La tombeuse de Jacques Myard (LR) dans les Yvelines dirigeait bénévolement un centre des Restos du coeur quand elle a rejoint En marche! Novice en politique, cette ex-avocate, mère de cinq enfants, vit son baptême du feu parlementaire avec les projets de loi sur la moralisation publique. Malmenée par l’opposition, « elle se débrouille bien avec peu d’expérience, juge un député LREM. Elle s’est fait bousculer, mais ne s’est pas laissé démonter. C’est une femme de caractère. »
Manuel Valls
Que va devenir Manuel Valls? Premier ministre il y a encore huit mois, l’ex-homme fort du régime Hollande n’est plus, depuis son départ du PS, qu’un député apparenté macroniste parmi d’autres. Son ralliement à Macron, avec qui la lutte avait été féroce à l’époque où tous deux étaient au gouvernement, avait été raillé et sa réélection dans l’Essonne assurée de justesse. Pour l’heure, il demeure en retrait. Mais beaucoup misent sur son expérience politique dans les futurs moments difficiles. Commentaire d’un des nouveaux députés macronistes : « Valls, pour le moment, il est discret, mais il va compter. C’est Valls : quand il prendra la parole, il aura une voix forte. »
Eric Woerth
Au moment de son élection à un poste clé traditionnellement dévolu à l’opposition, Eric Woerth avait prévenu : il entend piloter la puissante commission des Finances de façon « plus politique » que son prédécesseur, Gilles Carrez. La majorité va donc devoir compter avec ce parlementaire expérimenté – il a été réélu en juin pour son quatrième mandat dans l’Oise – et surtout fin connaisseur des finances publiques, qui a été ministre du Budget de 2007 à 2010. Au sein des Républicains, il est « Monsieur Projet » : Nicolas Sarkozy comme François Fillon avaient fait appel à lui pour élaborer le leur.
Brigitte Bourguignon
Réélue dans le Pas-de-Calais, dans l’ancienne circonscription de Jack Lang, face à une candidate du Front national, cette ancienne proche de Martine Aubry a été exclue du Parti socialiste depuis son ralliement à Emmanuel Macron. Considérée comme l’une des élues d’expérience du mouvement, elle s’était présentée au Perchoir, avant d’hériter de la commission des Affaires sociales. Un député l’atteste : « Bourguignon est très présidente. Elle mène les débats, elle maîtrise son sujet. »
Joël Giraud
En élisant Joël Giraud rapporteur général du budget, le groupe LREM a fait le choix de l’expérience. Elu sous l’étiquette PRG malgré son soutien déclaré à Emmanuel Macron, il entame à 60 ans son quatrième mandat de député des Hautes-Alpes. C’est lui qui aura désormais la lourde charge, avec l’aide d’une équipe de fonctionnaires de l’Assemblée, de présenter aux députés le projet de loi de Finances qui sera débattu cet automne et de gérer les relations entre l’Assemblée et le gouvernement sur ce sujet stratégique. Un poste qui demande à la fois une solide connaissance des finances publiques et une maîtrise de la procédure législative.
Par David Revault d’Allonnes (@davidrevdal) et Christine Ollivier (@Chr_Ollivier)