Ce lundi 24 juillet, je suis intervenu dans la discussion générale des projets de loi organique et ordinaire pour la confiance dans la vie publique, en tant que rapporteur pour avis de la commission des Finances.
M. Joël Giraud, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la présidente de la commission des lois, chers collègues, la commission des finances s’est donc saisie pour avis de quatre articles des projets de loi organique et ordinaire pour la confiance dans la vie publique, portant sur des sujets en lien avec ses compétences.
Il s’agit tout d’abord des articles 1er ter et 12 du projet de loi ordinaire. Tandis que le premier se rapporte à ce qu’il est convenu d’appeler de façon caricaturale le « verrou de Bercy », l’article 12 vise à habiliter le Gouvernement à créer par ordonnance une « banque de la démocratie ». Il s’agit par ailleurs des articles 9 et 13 du projet de loi organique qui concernent la réserve parlementaire.
Commençons par l’article 1er ter du projet de loi ordinaire, introduit en séance par le Sénat avant d’être supprimé par la commission des lois de l’Assemblée la semaine dernière. Cet article tendait à supprimer le verrou de Bercy, c’est-à-dire la subordination de l’engagement de poursuites pénales en matière de fraude fiscale à une plainte préalable de l’administration fiscale. Il instaurait ainsi une exception au principe en permettant au juge de s’auto-saisir d’une infraction fiscale connexe à d’autres infractions faisant l’objet de poursuites.
Ce débat revient régulièrement. Notre assemblée s’est prononcée avec constance en faveur du maintien du monopole de Bercy, donc du statu quo, notamment en 2013 puis à deux reprises en 2016. La commission des lois a adopté la même position la semaine dernière en supprimant l’article 1er ter, à une courte majorité il est vrai.
Nous pouvons toutefois comprendre la logique qui sous-tendait cet article : donner une plus grande liberté d’action au juge et mieux réprimer les fraudes fiscales les plus graves pour toutes les catégories de contribuables.
Pour autant, nous devons bien mesurer les conséquences d’une remise en cause du dispositif actuel, notamment en termes de recouvrement des amendes et de majoration fiscale ainsi que d’égalité de traitement des contribuables. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des finances d’approfondir le sujet, au-delà des postures de principe, afin de pouvoir trancher ce débat sereinement et en connaissance de cause.
Un rapport d’information confié à deux co-rapporteurs nous éclairera, avant le débat sur la loi de finances rectificative, sur les mesures susceptibles de corriger ce dispositif.
M. André Chassaigne. Ça fait des années qu’on entend ça !
M. Joël Giraud, rapporteur pour avis. À ce stade, le maintien de la suppression de l’article 1er ter me paraît de bonne politique.
J’en viens à la réserve. Ce sujet est très controversé…
M. David Habib. Vous êtes un spécialiste !
M. Joël Giraud, rapporteur pour avis. …et c’est naturel car il soulève deux questions cruciales : d’une part, celle de la conception que nous avons de notre mandat et de notre lien avec les territoires ; d’autre part, celle de l’adéquation des moyens aux missions des acteurs locaux.
J’ai proposé de retenir trois principes pour guider notre réflexion : plus de transparence, moins de clientélisme et plus de solidarité.
Au nom de la transparence, la commission suggère, en concertation avec la présidente de la commission des lois, d’améliorer le dispositif proposé par le Sénat, dans deux directions : d’abord en amont, avec la publication d’une liste provisoire des subventions proposées, permettant à tous les parlementaires comme aux citoyens d’en prendre connaissance avant le vote, lors des débats budgétaires, du montant global de la nouvelle dotation de soutien à l’investissement local ; ensuite en aval, avec un meilleur compte rendu de l’utilisation des crédits.
La commission a également travaillé sur le ciblage des bénéficiaires et des projets éligibles à ces subventions. La volonté de ne pas donner prise au soupçon de clientélisme, qu’il soit fondé ou infondé, nous a conduits à faire nôtre la solution claire prévue par le texte du Gouvernement et de la commission des lois : la suppression de la pratique, même rénovée, de la réserve parlementaire.
M. David Habib. Et la réserve ministérielle ?
M. Joël Giraud, rapporteur pour avis. Le troisième principe – une plus grande solidarité – guidera nos travaux lors de l’examen du projet de loi de finances. C’est le cadre pertinent pour réaffecter les crédits de la réserve, qui s’élèvent à 146 millions d’euros en 2017.
M. Philippe Gosselin. Promesses, promesses !
M. Joël Giraud, rapporteur pour avis. Certains peuvent trouver vain ou indécent de s’interroger sur l’usage de 146 millions quand on demande aux collectivités une participation de plusieurs milliards au redressement des comptes publics.
M. André Chassaigne. Tout à fait !
M. Joël Giraud, rapporteur pour avis. Il est pourtant de notre responsabilité de définir la meilleure affectation possible de ces crédits. La commission des lois a supprimé l’article 15 du projet de loi ordinaire qui accroissait le rôle des parlementaires dans les commissions départementales de DETR – dotation d’équipement des territoires ruraux – au motif que ces derniers y sont déjà représentés et qu’il ne leur appartient pas de supplanter les élus locaux dans l’attribution de subventions locales.
Quoi qu’il en soit, nous devons traduire, dans les critères d’attribution des dotations aux collectivités, notre vision nationale de l’équilibre entre les territoires. Je vous propose les axes de travail suivants.
D’abord, créer une dotation de solidarité locale pour les communes et les associations, en ciblant les collectivités de moins de 20 000 habitants, comme c’est le cas pour la DETR ; cette dotation devra être articulée avec la réflexion sur l’équilibre entre communes rurales et urbaines en matière de dotation globale de fonctionnement.
Ensuite, attribuer à cette dotation un montant équivalent à celui des crédits des réserves parlementaire et ministérielle. J’insiste sur ce point : il ne serait pas honnête de prôner la transparence puis la suppression de la réserve parlementaire en laissant dans une totale opacité la réserve ministérielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM, MODEM et LR).
M. Philippe Gosselin. Eh oui !
M. Éric Diard. Si on supprime l’une, on supprime l’autre !
M. Claude Goasguen. C’est la même !
M. Joël Giraud, rapporteur pour avis. Une instance départementale collective, qui devra être ouverte aux parlementaires, sera chargée de sélectionner les projets pouvant en bénéficier. Et une part de cette dotation devra être réservée au soutien à la vie associative.
Enfin, s’agissant de la banque de la démocratie, nous avons souhaité maintenir la suppression de l’habilitation demandée par le Gouvernement, que la commission des lois a choisi de rétablir. La commission des finances a estimé en effet que le dispositif prévu dans le projet de loi pour améliorer le financement politique était déjà très complet, et que la nouvelle structure proposée pouvait faire double emploi avec le médiateur du financement politique.
Il nous a également semblé préférable d’attendre les conclusions de la mission que vous avez confiée, madame la ministre, à l’inspection générale des finances et à l’inspection générale de l’administration, afin de pouvoir en débattre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM).