Le 18 juillet, la commission des Finances a examiné le décret d’avance qui prévoit l’ouverture et l’annulation de crédits à hauteur de 2,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3 milliards d’euros en crédits de paiement.
M. le rapporteur général. Nous examinons aujourd’hui le projet de décret d’avance qui nous a été notifié par le Gouvernement le 12 juillet dernier et qui prévoit l’ouverture et l’annulation de crédits à hauteur de 2,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3 milliards d’euros en crédits de paiement.
Aux termes de l’article 14 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le Gouvernement nous a également transmis le même jour, à titre d’information, un projet de décret d’annulation de 774 millions d’euros en autorisations d’engagement et 274 millions d’euros en crédits de paiement.
En préambule, je souhaiterais rappeler qu’au titre de la LOLF, nous ne sommes saisis que du projet de décret d’avance, afin de rendre un avis consultatif, non contraignant pour le Gouvernement. Nous ne saurions donc examiner plus en détail le projet de décret d’annulation, encore moins les mesures dites « correctrices complémentaires » ou « de refroidissement » annoncées la semaine dernière par le Gouvernement, à hauteur de 1,15 milliard d’euros.
Ces mesures pourront être discutées lors du prochain débat d’orientation des finances publiques avec le Gouvernement – qui aura lieu jeudi matin en séance. En revanche, nous ne saurions légitimement nous prononcer sur ces mesures d’ordre réglementaire qui font actuellement l’objet d’arbitrages au sein du pouvoir exécutif.
Dès lors, nous allons examiner le décret d’avance conformément à l’article 13 de la LOLF, qui subordonne la signature de tels décrets par le Premier ministre, à l’avis simple, non contraignant, des commissions des finances des deux assemblées. Celles-doivent faire connaître leur avis dans un délai de sept jours après notification du projet de décret.
Il s’agit du premier décret d’avance sur lequel nous avons à nous prononcer au titre de l’exercice 2017.
Il répond au constat dressé par la Cour des comptes dans son rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques publié il y a quelques jours, qui soulignait la nécessité d’adopter des mesures de redressement afin de respecter l’objectif de déficit public conforme à nos engagements européens.
Le décret d’avance constitue par essence un exercice quelque peu brutal. Cet exercice s’avère toutefois indispensable – à condition, bien sûr, de vouloir faire respecter le plafond de dépenses fixé par la loi de finances initiale. Il procède, en cours de gestion, à des redéploiements de crédits au sein du budget de l’État, afin de financer des missions en souffrance ou des besoins nouvellement apparus.
Ce projet de décret d’avance prévoit l’ouverture de crédits en faveur de huit missions du budget général, à hauteur de 2,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3 milliards d’euros en crédits de paiement.
Ces ouvertures de crédits ont pour objet de financer : à titre principal, la recapitalisation de New Areva Holding SA, pour 49 % des ouvertures de crédits de paiement ; les surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) et aux opérations intérieures du ministère de la défense ; le prolongement du plan de formation prioritaire décidé dans le cadre du plan d’urgence pour l’emploi ; les dépenses relatives à l’allocation pour demandeurs d’asile, du fait de la hausse constatée des flux de demandeurs d’asile ; l’acquisition de l’immeuble White sis à Montrouge destiné à accueillir les services centraux de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ; les dépenses au titre de l’hébergement d’urgence, dans un contexte de crise migratoire ; les mesures liées à diverses crises sanitaires et les besoins de l’Agence du service civique, compte tenu du nombre élevé de jeunes entrant dans le dispositif.
Parallèlement, ce projet de décret d’avance prévoit une annulation d’un montant équivalent sur les crédits de vingt-six missions et soixante-sept programmes du budget général.
Ce décret d’avance n’a donc pas d’impact sur l’équilibre budgétaire.
La grande majorité des annulations de crédits, soit 83 % du total des annulations, portent sur des crédits qui étaient déjà en réserve, autrement dit indisponibles pour les responsables de programme des ministères concernés. Dès lors, ces crédits n’avaient pas de destination précise, n’étaient pas fléchés vers une dépense spécifique, mais étaient conservés à des fins de régulation budgétaire, telle la baisse de la dépense, ou afin de faire face à la survenance d’aléas.
Ces annulations atteignent un niveau important en cours de gestion et sont justifiées par l’impératif du respect de l’objectif de 3 % de déficit public en 2017. Toutefois, vous pouvez observer que le pourcentage de crédits disponibles par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale, y compris les reports et les fonds de concours, après ce projet de décret d’avance et les mises en réserve, s’élève en moyenne à 97 %. Cela permet de relativiser les mouvements de crédits que nous examinons aujourd’hui.
Je vous propose d’examiner, comme il nous revient de le faire pour étayer notre avis, la conformité de ce décret aux règles prévues par la LOLF.
Premièrement, les plafonds d’ouverture et d’annulation de crédits fixés par la LOLF sont-ils respectés ?
En l’espèce, les plafonds fixés par la LOLF, soit pour les ouvertures moins de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et pour les annulations moins de 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et loi de finances rectificative, sont respectés puisque les ouvertures et annulations de crédits prévues par le projet de décret correspondent à 0,43 % des autorisations d’engagement et 0,48 % des crédits de paiement ouverts en loi de finances pour 2017.
Deuxièmement, y a-t-il « urgence » à ouvrir ces crédits ? Oui, il y a urgence manifeste à ouvrir ces crédits au regard de l’imminence de la recapitalisation d’Areva avant le 31 juillet prochain, des opérations extérieures et intérieures en cours, de la situation de l’emploi, du contexte migratoire et du flux de demandeurs d’asile, de l’imminence de la levée d’option d’achat de l’immeuble White pour l’INSEE le 30 septembre prochain, ainsi que du contexte migratoire et des tensions sur le parc d’hébergement d’urgence, des risques sanitaires subis par le monde agricole et de l’augmentation significative du nombre de jeunes engagés dans un parcours de service civique.
Le projet d’avis qui vous est soumis reprend, de manière formelle, les observations que je viens de faire, en détaillant précisément les mouvements de crédits proposés pour chacun des ministères concernés.
L’examen rapide par notre commission du présent avis permet de respecter le délai de sept jours dont disposent les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat pour faire connaître leur avis au Premier ministre à compter de la date de notification du projet de décret.
Par conséquent, je vous propose d’adopter ce projet d’avis sur le projet de décret d’avance, qui vous a été remis sur table.
Mme Valérie Rabault. Monsieur le rapporteur général, je n’ai pas la même lecture que vous de ce décret d’avance. Sa présentation est très claire. Mais je m’étonne du montant des annulations de crédits de paiement alors que le Gouvernement ne va pas « piocher » dans la réserve. Pour l’enseignement scolaire, près de 81 millions d’euros sont annulés, alors que seulement 11 millions d’euros sont piochés dans la réserve ; pour la sécurité, 243 millions d’euros sont annulés, dont 206 millions d’euros pris sur la réserve, ce qui laisse tout de même 40 millions d’euros pris sur du « sec ». Pour la culture, que l’on dit vouloir sanctuariser, 42 millions d’euros sont annulés, dont 6 sont pris sur la réserve, soit seulement 14 % du total.
Or, je le répète, tout ce qui n’est pas puisé dans la réserve correspond à une suppression sèche, à un prélèvement sur la partie dure du budget.
Je m’inquiète de l’écart que je constate, sur certaines missions, entre les crédits utilisables et les crédits ouverts. Dans certains cas, on tombe à moins de 90 %. Pour l’agriculture, la baisse est grosso modo de 10 % par rapport aux crédits que nous avons initialement adoptés. C’est tout simplement énorme… La défense ne bénéficiera que de 95 % des crédits votés. Là encore, l’écart est énorme. Pour les relations avec les collectivités territoriales, on en est à 85 %. Se rend-on vraiment compte de ce que cela représente ?
Par le passé, jamais on n’était descendu sous la barre des 92 % ou des 93 %. Ici, vous êtes allés beaucoup plus loin. C’est pourquoi le groupe Nouvelle Gauche ne donnera pas d’avis favorable à l’adoption de ce décret d’avance.
Mme Véronique Louwagie. Ce qui nous est présenté, c’est une baisse de 3,3 milliards d’euros de crédits, à quoi il faut ajouter 1,15 milliard d’euros d’ajustements additionnels. Quand bien même nous aurons des éléments complémentaires jeudi en séance publique, nous ne pouvons examiner l’ensemble de ces mouvements, faute d’un projet de loi de finances rectificative. Sans ce projet, nous n’avons pas de vision globale.
Ce matin, nous avons entendu les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales. Leurs programmes budgétaires doivent subir une diminution de crédits de 244 millions d’euros. Certes, elle porte sur l’achat d’avions multi-rôles et sur les crédits mis en réserve, mais tous deux ont évoqué un nécessaire report de charges sur l’exercice 2018. Pour la police nationale, celui-ci s’élèverait de 40 à 50 millions d’euros en 2017, alors qu’il n’atteignait en 2016 que 10 millions d’euros. Pour la gendarmerie nationale, la situation est équivalente : 100 millions d’euros de reports sont prévus pour 2017, contre 65 millions d’euros prévus en 2016, soit un écart de 35 millions d’euros.
Le choc est fort. La défense contribue à hauteur de 28 % des crédits pilotables. Il faut regretter que les dépenses non pilotables ne puissent pas nature être diminuées, de sorte que ce sont toujours les mêmes missions qui sont à chaque fois impactées : la recherche, l’enseignement supérieur, la sécurité, les relations avec les collectivités territoriales.
Pour toutes ces raisons, nous ne saurons donner un avis favorable à ce projet de décret.
M. François Pupponi. Comme président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), j’avais demandé, et le Parlement m’avait suivi, que l’État revienne au budget de l’ANRU et participe à son financement. Or, 100 % des crédits destinés à l’ANRU sont annulés ou supprimés. Autrement dit, vous supprimez la participation de l’État à l’ANRU ; c’est là une décision politique majeure, non pas seulement d’une mesure d’économie. Il aurait en effet été possible de laisser quelques millions d’euros à l’ANRU à titre symbolique.
Plus généralement, nous examinons 3 milliards d’euros d’économies sur un total de 4,5 milliards d’euros. L’écart, soit 1,5 milliard, concernerait les aides personnalisées au logement (APL). J’ai bien retenu, monsieur le rapporteur général, que nous évoquerions ce sujet jeudi.
M. Charles de Courson. Si vous donnez un avis favorable à ce décret d’avance, alors vous vous bouchez les yeux, chers collègues. Pour ce qui est de la mission Sécurités, nous devons, au minimum, attirer l’attention du Gouvernement sur ce que nous ont déclaré les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales. Ces reports de charge ne constituent pas des économies. Ils plomberont nécessairement le budget de 2018, qui n’est déjà pas facile à préparer. Et l’on peut s’attendre à ce que d’autres annulations soient décidées dans le collectif de fin d’année.
S’agissant de la défense, comment peut-on diminuer ainsi les crédits, tout en s’engageant à relever les dépenses militaires de 2 milliards d’euros l’an prochain ? Même le groupe La France insoumise est favorable à l’objectif des 2 % du produit intérieur brut consacré au budget de la défense d’ici 2025. Il serait incohérent d’annuler ces crédits pour procéder ensuite à de pareilles augmentations. C’est complètement contraire à toute orthodoxie budgétaire comme à la stratégie budgétaire elle-même définie par le Gouvernement. Je ne saurais émettre un avis favorable à une telle décision.
M. Jean-René Cazeneuve. Je soutiens quant à moi l’adoption de ce décret d’avance, mais je voudrais des précisions sur la mission Relations avec les collectivités territoriales. Il nous est indiqué que l’annulation de crédits serait l’effet d’une sous-consommation de ceux-ci. Mais comment caractériser cette sous-consommation et sur quel type de dotation porte-t-elle, sur la DETR, la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ou d’autres dotations ? Est-il, enfin, possible de distinguer à cet égard entre dépenses d’investissement et dépenses de fonctionnement ?
Mme Christine Pires Beaune. Il y a en effet une ponction de 216 millions d’euros sur les crédits de paiement, qui sont d’ailleurs, chers collègues, uniquement des crédits de paiement d’investissement local. Leur sous-consommation serait ainsi « anticipée ». Le phénomène est facile à expliquer : nous n’avions pas encore reçu, au mois de mai, les arrêtés de notification des crédits… Comment pourront-elles avoir le temps de les consommer ? Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage. Dans mon département, après nous avoir dit qu’il n’y a plus d’argent, on nous indique que les crédits sont sous-consommés ! Et cela vaut pour la DETR comme pour la DSIL. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond !
Il faut dire clairement qu’il y a des sous-dotations budgétaires récurrentes. Il faudra en tenir compte au moment de bâtir le budget 2018, s’agissant par exemple des crédits de l’immigration ou des opérations extérieures. Il faudra calculer des dotations de crédits suffisantes en prenant pour base l’exécution de 2017. On saura ainsi ce qui aura été réellement consommé en 2016.
Mme Marie-Christine Dalloz. Encore faut-il préciser : à périmètre constant !
La réalité, c’est que, sur certaines missions, les crédits utilisables ne représenteront que 85 % des crédits ouverts. C’est colossal… C’est une des plus grandes purges que l’on ait connues !
Le Président de la République a annoncé hier, lors de la conférence nationale des territoires, que les collectivités locales devraient économiser 13 milliards d’euros sur le quinquennat. C’est un montant important au vu des réductions de crédits déjà opérées.
Pour ce qui est de la DETR, j’ai une certitude : il y a en effet une volonté manifeste des services de l’État de ne pas notifier les crédits, de sorte qu’ils ne sont pas débloqués. Pas de notification, donc pas de décision, et pas de consommation… Et on profite de la sous-consommation pour opérer des retraits considérables aux dépens des collectivités territoriales !
Les collectivités territoriales sont déjà exsangues. Leur fonctionnement est devenu précaire. Et vous remettez en cause, par surcroît, les crédits de la réserve parlementaire, comme nous l’avons vu tout à l’heure… Vos élus vous remercieront.
M. Jean-Louis Bourlanges. Je voudrais m’attarder sur deux points. Pour commencer, l’importance du volume des crédits annulés. Mais peut-on vraiment reprocher au Gouvernement de tirer les conséquences d’un budget dont, de l’avis même de la Cour des comptes, de nombreuses missions ont été clairement sous-budgétisées dans des proportions impressionnantes ? Ce qui est préoccupant, ce sont précisément ces sous-dotations. Nous verrons ultérieurement si d’autres annulations seront décidées, dans quelles proportions on jouera sur les reports ; en tout état de cause, nous sommes vraiment dans une situation d’urgence et il faut bien y faire face.
La seconde observation, formulée notamment par nos collègues du groupe Les Républicains, consiste à dire qu’il faut une loi de finances rectificative. Je comprends très bien ce point de vue : ce serait en effet beaucoup plus propre en apparence. Mais je comprends très bien aussi le Gouvernement. Une loi de finances rectificative porte sur des ressources et des dépenses. Sur les dépenses, M. Darmanin est fondé à dire que, si nous voulons réaliser des économies importantes, structurelles, nous avons besoin de temps, le temps de remettre en cause l’organisation de certaines politiques publiques, et cela n’est pas possible dans le temps court d’une loi de finances rectificative. Dès lors, la tentation serait, et je comprends que le Gouvernement ne le souhaite pas, d’augmenter les impôts pour se dégager un complément de ressources. L’instrument choisi au final n’est peut-être pas pleinement satisfaisant mais, dans les circonstances, il n’y avait pas d’autre solution.
En revanche, je crois comme Charles de Courson que le problème le plus important est celui des annulations de crédits pour les armées. Le président de notre commission s’est exprimé ce matin à ce sujet, mais je considère qu’il l’a fait de façon insuffisante. En effet, je trouve extrêmement choquant que, prétextant des obligations sur le terrain, la ministre des armées, Mme Parly, ne soit pas venue expliquer ici une mesure aussi importante. Nous nous retrouvons dans cette situation extraordinaire où les chefs militaires ne sont pas venus parce qu’ils sont en désaccord avec l’autorité ministérielle et ne souhaitent pas défendre la politique du Gouvernement, et où le Gouvernement lui-même n’est pas venu défendre sa politique ! Je crois qu’il faut clairement marquer la désapprobation très profonde de notre commission, qui se sent mise en cause dans sa dignité par la désinvolture dont on fait preuve sur ce point.
Mme Émilie Cariou, présidente. Vous avez rappelé les conditions qui ont conduit à l’adoption de ce décret, et ce n’est bien évidemment pas une situation que nous souhaitons retrouver l’an prochain. Ce n’est pas de bonne gestion, mais la situation est exceptionnelle et il fallait prendre des mesures rapidement.
J’ai noté par ailleurs votre désapprobation au sujet de la non-venue de la ministre.
M. François Cornut-Gentille. Je souhaite poursuivre sur la question des crédits de la défense. François Pupponi a parlé du symbole désagréable des crédits de l’État retirés à l’ANRU : or, avec les 850 millions d’annulations d’équipements militaires, nous ne sommes plus dans le symbolique, mais au cœur de la mission régalienne de sécurité.
Connaissant un peu les pratiques budgétaires, nous voyons en outre se profiler d’autres annulations sur les équipements. On sait qu’en fin d’année il est habituel de constater que le titre II, autrement dit les payes, n’a pas été provisionné au niveau qui convient, et sans doute 200 ou 300 millions seront donc supprimés à nouveau sur les équipements. Ces derniers vont donc prendre cette année plus de milliard de crédits « dans la vue ». Il en va de la crédibilité de la France : avec un milliard de retard pour aborder 2018, tout ce qu’on raconte sur 2025 ou 2030 n’est plus crédible. Alors que nous opérons ce recul, nos voisins allemands sont au contraire en train d’augmenter le budget de la défense de façon significative.
M. Jean-Louis Bourlanges. Ils reviennent de loin !
M. François Cornut-Gentille. Oui, mais comme leur PIB est plus important que le nôtre, leur effort de défense est bien supérieur.
Je rejoins Jean-Louis Bourlanges sur l’absence inexplicable de la ministre. Ce Gouvernement entre en fonction dans une situation financière difficile. Sur le sujet de la défense, l’écart entre nos objectifs et les moyens alloués date de dix ou quinze ans, ce n’est pas neuf, mais nous arrivons à un moment où nous ne pouvons plus tenir le discours que nous tenions et prévoir les crédits que nous prévoyons. Nous pouvons choisir de réorienter nos politiques de défense, contester le bien-fondé des OPEX, tous les débats sont possibles, mais on ne peut prétendre maintenir l’outil tel quel tout en prévoyant une telle baisse de crédits. C’est une contradiction majeure qui appelle des explications, un débat public.
Mme Émilie Cariou, présidente. Comme l’a indiqué le président Woerth ce midi, il a adressé ce jour un courrier à la ministre de la défense à propos de son audition par notre commission.
Mme Stella Dupont. Mon propos ayant été déjà été repris par d’autres orateurs, je renonce à prendre la parole.
M. Jean-Louis Bricout. Je souhaite revenir sur les coupes imposées aux collectivités, notamment l’annulation des 218 millions d’euros, qui remettent en cause les dispositifs de soutien à l’investissement local, la DETR, mais aussi les contrats de ruralité qui viennent d’être signés dans les collectivités et ont demandé un énorme travail de cohérence sur les territoires, en particulier les territoires difficiles. On a le sentiment que tout est mis à mal. Ces dispositifs n’ont pas été mis en place par hasard : ils faisaient suite aux baisses de dotations, qui ne laissaient plus assez de marges aux collectivités pour investir. L’objectif était de relancer la commande publique. Vous dites qu’il y a urgence : la première urgence, c’est l’emploi. Le contrat de ruralité, c’est 2,5 millions d’euros de subventions, soit 7 millions investis dans le territoire pour soutenir le travail des PME, des entreprises du BTP. L’inquiétude est grande dans des territoires déjà en difficulté.
Mme Amélie de Montchalin. Si une lettre a été adressée à Mme Parly au nom de la commission des finances, je demanderai au président de la communiquer à tous les membres.
Marie-Christine Dalloz a fait une remarque qui m’interpelle. Elle espère qu’à périmètre constant, la budgétisation sera la même l’an prochain. Or c’est précisément cette logique qui nous a conduits où nous sommes aujourd’hui.
Mme Marie-Christine Dalloz. Changez les périmètres alors !
Mme Amélie de Montchalin. Même sans changer les périmètres, une action publique peut être menée avec des outils et des moyens différents : on peut être plus productif, plus efficace. À périmètre constant, il n’est donc pas nécessaire de reconduire les budgets année après année. C’est cette logique qui fait que les dépenses publiques représentent 57 % de notre PIB sans que leur efficacité soit pour autant prouvée. Nous avons besoin de réformes profondes, il faut budgéter en fonction des nécessités, des possibilités, de la productivité, de l’organisation, et que notre point de référence ne soit pas systématiquement le passé. Dans une entreprise, il y a des missions pour lesquelles budgéter en fonction du passé vaut le coup, d’autres sur lesquelles on repart à zéro. Il faut montrer collectivement que certaines politiques doivent être maintenues mais organisées autrement, en déployant de meilleurs outils.
C’était le sens de mon intervention aujourd’hui à la tribune. Vous êtes des chantres de la réduction de la dépense publique et de l’efficacité : nous avons besoin de votre soutien, et que vous fassiez preuve de clarté sur ce point.
Mme Valérie Rabault. J’ai une question supplémentaire sur l’annulation des 850 millions d’équipements pour la défense. Sur le budget, on a à la fois un volume et un effet prix. J’ai entendu que le Président de la République souhaitait agir sur les prix. Une action a-t-elle été engagée en ce sens ou bien des commandes seront-elles finalement décalées dans le temps ? La démarche n’est pas tout à fait la même.
M. François Cornut-Gentille. Ce sont les commandes qui ont été décalées dans le temps.
M. le rapporteur général. Plusieurs remarques ont été faites, concernant le tableau que j’ai distribué, sur le pourcentage de crédits utilisables rapportés aux crédits ouverts. Je précise que la réserve de précaution, de 8 % des crédits, est déduite de la dernière colonne des crédits utilisables. Ainsi, 92 %, c’est 100 moins 8 % de la réserve de précaution.
Les crédits ouverts recouvrent non seulement les crédits ouverts en loi de finances initiale, mais aussi les reports et les fonds de concours, ce qui explique la « différence de traitement », si je puis dire, pour quelques ministères, certains d’entre eux, à l’instar de l’agriculture, n’ayant traditionnellement pas beaucoup de crédits de reports ou de fonds de concours.
Le projet de décret d’avance porte 3 milliards d’euros d’annulations de crédits de paiement. Je rappelle que l’an dernier, certes sur trois décrets d’avance, nous en étions à 3,4 milliards. Je ne sais pas ce qui va se passer par la suite, mais l’ordre de grandeur est, en tout cas, à peu près comparable.
François Pupponi s’inquiétait pour l’ANRU ; les crédits ici annulés sont, en fait, des crédits du Fonds national des aides à la pierre, pour lequel avaient été ouverts 100 millions en loi de finances pour 2016 et 200 millions en loi de finances pour 2017. Les annulations, de 76 millions d’euros, portent exclusivement sur ce fonds, non sur des crédits « frais » de l’ANRU.
Entre mai 2016 et juillet 2017, le ratio des crédits utilisables sur les crédits ouverts est passé, par exemple, pour la défense de 93 à 95 %, pour la recherche de 96 à 97 %, et il est resté identique pour l’aide publique au développement à 88 %. Ce sont là aussi des ordres de grandeur similaires.
S’agissant de la mission Relations avec les collectivités territoriales, je comprends très bien ce que plusieurs ont dit au sujet du retard des arrêtés, ou de ces mesures de gestion qui entraînent ensuite des mesures de régulation en raison d’une sous-consommation. Je vous propose donc que nous appelions, dans l’avis, l’attention du Gouvernement sur cette pratique particulièrement inappropriée qui consiste à retarder des arrêtés de subvention pour mieux prétexter ensuite d’une sous-consommation de certaines dotations.
En ce qui concerne la défense, la situation est un peu particulière puisque nous avons à la fois des crédits annulés et des crédits ouverts – pour être clair, nous sommes à 850 moins 643, soit environ 200 millions d’euros annulés en net – et un nouveau mode de gestion visant à ne pas reporter sur d’autres ministères la contrepartie de l’effort d’ouverture. Cela dit, je comprends votre préoccupation et propose donc, là encore, d’appeler l’attention du Gouvernement sur le fait que nous souhaitons que les engagements pris, notamment par le Président de la République récemment, se concrétisent.
Pour ce qui est de la sécurité, les annulations portent quasi-essentiellement sur le report d’achat d’un avion multi-rôles pour un montant de 25 millions d’euros de crédits frais. Même si voir entamer ces réserves de précaution n’est agréable pour personne, je n’ai pas le sentiment que cela mette complètement la sécurité sans moyens ; en fait, une seule opération est reportée. Je ne pense donc pas nécessaire d’appeler l’attention du Gouvernement sur ce point.
D’une manière générale, nous venons, en début de réunion, de nommer des rapporteurs spéciaux. Je les invite à la plus grande vigilance sur l’ouverture des crédits nécessaires au bon fonctionnement des services, car c’est leur rôle. Certains le font très bien, mais il me paraît indispensable de le répéter.
En conclusion, je vous propose donc d’améliorer l’avis de la façon suivante : « La commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire attire l’attention du Gouvernement sur les risques de mesures de régulation excessives relatives au programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements eu égard aux retards constatés dans la signature des arrêtés de subvention relatifs aux concours financiers de l’État », et de la même façon, d’ajouter : « La commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire attire l’attention du Gouvernement sur les risques de mesures de régulation excessives relatives au programme 146 Équipement des forces, eu égard aux engagements internationaux de la France ».
La commission émet un avis favorable au projet de décret d’avance assorti des remarques proposées par le rapporteur général.